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« Deux jours sans incidents. Puis Brennan me dit que l’astronef n’a plus de secrets pour lui et que nous n’avons qu’à refaire le plein du module de propulsion. Il affirme que, si nous essayons de le remorquer en arrière, nous déclencherons toutes sortes de systèmes de sécurité. Garner, comment diable pouvais-je savoir…

— « Vous ne pouviez pas. Et tout cela demeure absurde. »

Nick promena une main sur sa houppe blanche. « Ils avaient déjà monté un bouchon d’accouplement approprié au bouchon de carburant sur le vaisseau Pak. Brennan a insisté pour faire lui-même tout le travail, et il a même dû employer un scaphandre et un bouclier anti-radiations. Nous avons amarré son propre monoplace à la remorque, pour le cas où quelque chose se détraquerait sur la route du retour. Une idée à moi, Garner.

— Hum !…

— Il a décollé et s’est dirigé vers Sol. Nous avons essayé de voler en formation avec lui, mais il exécutait des manœuvres pour expérimenter les commandes. Nous avons pris nos distances. Et puis… il a exécuté un superbe virage et foncé dans l’espace interstellaire.

— Avez-vous tenté de le rattraper ? »

Nick poussa un glapissement. « Tenté ? Nous avons volé à côté de lui ! Je ne voulais pas faire le moindre geste de menace, mais il refusait de communiquer avec nous, et nous allions nous trouver à court de carburant. J’ai ordonné à Dubchek et à Gorton de se servir de leurs jets pour se défendre s’il ne prenait pas le large.

— Qu’est-il arrivé ?

— Je pense qu’il a fait jouer le champ de son statoréacteur Bussard. Les effets électromagnétiques ont court-circuité une partie suffisante de notre matériel pour nous laisser mourir dans l’espace. Par chance, les propulseurs ont tenu le coup. Finalement un transport de carburant est arrivé et nous avons pu procéder à quelques réparations. À ce moment-là, Brennan avait atteint la vitesse permettant le fonctionnement du statoréacteur.

— Je vois.

— Comment diable aurais-je pu m’en douter ? Nous avions son ravitaillement ! Ce coffre de racines était presque vide. S’agissait-il d’une manière originale de se suicider ? Avait-il peur de ce que nous ferions d’un statoréacteur Bussard habité ?

— Je n’avais pas prévu cela. Après tout, c’est peut-être la bonne hypothèse. Nick, vous souvenez-vous de la façon dont il a écrasé ma cigarette ? »

Nick gloussa. « Bien sûr ! Il s’est confondu en excuses, mais il n’a pas voulu vous laisser fumer. J’ai cru que vous alliez le boxer.

— C’est un protecteur. Quoi qu’il fasse, c’est pour notre propre bien, n’est-ce pas ? ricana Luke. Il ne voulait pas que nous nous emparions d’un vaisseau Pak, ou de quelque chose que l’astronef, ou lui-même, aurait pu nous apprendre.

— Alors, pourquoi a-t-il passé deux mois de l’autre côté de Pluton ? S’arrête-t-on à mi-chemin avec un statoréacteur Bussard ? Cela coûte des réserves de carburant ! Et, là-bas, il n’y a rien du tout…

— La zone cométaire, pour l’appeler du nom que nous lui avons donné. La plupart des comètes passent une grande partie de leur existence au-delà de Pluton. C’est une zone mince, mais il y a de la matière. Et aussi une dixième planète.

— Il ne s’est jamais approché de Perséphone, objecta Nick.

— Mais il a pu s’approcher d’un certain nombre de comètes.

— Soit. Okay, il a passé deux mois là-bas, au repos dans la mesure où nos détecteurs de monopôles ont pu le déterminer. Le mois dernier, il est reparti. Nous l’avons suivi pour être sûr de sa direction. Il est en train d’accélérer vers Alpha du Centaure. Le Wunderland.

— Dans combien de temps y arrivera-t-il ?

— Oh ! vingt ans à peu près. C’est un propulseur à poussée basse. Mais nous pouvons avertir le Wunderland et préparer les choses pour que nos successeurs les avertissent encore dans quinze ans. Pour le cas où…

— Okay ! Cela, nous pouvons le faire. Quoi d’autre ? Vous savez que nous avons exhumé la capsule de fret.

— Je n’en sais pas davantage. Les Nations Unies gardent leurs secrets, elles aussi.

— Nous avons détruit les racines et les semences. L’idée ne satisfait vraiment personne. Mais nous l’avons fait. »

Plusieurs secondes s’écoulèrent avant que Nick répondît :

— Bon.

— Bon ou mauvais, nous l’avons fait. Mais nous n’avons rien compris au polarisateur de pesanteur. Si c’en était bien un. Brennan a parfaitement pu mentir.

— C’était un polarisateur de pesanteur.

— Comment le savez-vous ?

— Nous avons analysé l’enregistrement de la course de l’intrus vers Mars. Son accélération variait selon les gradients locaux de la gravitation ; pas simplement par la poussée, mais aussi par la direction.

— Parfait, cela sera utile. Que pouvons-nous faire d’autre ?

— Pour Brennan, rien. À la longue, il mourra de faim. En attendant, nous saurons toujours exactement où il sera.

— Ou bien où se trouve sa source de monopôles. »

Nick répondit avec une certaine impatience. « Il n’a pas de vaisseau sans sa réserve de monopôles. Il n’a pas de ravitaillement. Point. Il est mort, Garner !

— Je ne peux pas m’empêcher de me rappeler qu’il est plus malin que nous. S’il peut trouver un mode d’hibernation, il parviendra au Wunderland. Une colonie en pleine prospérité… et alors ? Que cherche-t-il au Wunderland ?

— Quelque chose à quoi nous n’avons pas pensé.

— Je ne saurai jamais quoi : je serai mort avant l’arrivée de Brennan au Wunderland, soupira Luke. Pauvre Intrus ! Tant d’efforts pour nous apporter les racines qui nous auraient permis de mener une vie normale !

— Ses intentions étaient bonnes. Pour nous, héros, la vie est dure ! » dit Nick sans rire.

INTERMÈDE

Comment raconter un intervalle de deux siècles ? Les événements sont la mesure du temps. Il se produisit beaucoup de choses en deux cent vingt ans.

Le cadavre desséché de Phssthpok aboutit au Smithsonian Institute. Les savants discutèrent pour savoir s’il fallait le classer dans la catégorie des hominidés. Avec Brennan qui n’était pas à leur disposition, son histoire n’était plus que de troisième main, mais son squelette reproduisait os pour os celui des hominidés.

Lucas Garner avait cessé de vivre quand le vaisseau Pak arriva au milieu de sa course et la poursuivit. Nick Sohl était aux aguets lorsque sa trace magnétique, il y a deux ans, dépassa le Wunderland et continua son accélération vers l’inconnu. Il se posa des questions.

La base d’Olympe sur Mars fut reconstruite pour examiner sur place la capsule de fret de Phssthpok, ce qui était plus facile que d’essayer de la soulever contre la pesanteur avec le polarisateur de pesanteur qui fonctionnait encore. Le groupe d’études hésitait à l’arrêter avant de savoir comment le faire redémarrer. Il se servit d’un monoplace pour faire fondre la poussière sous la base, afin d’être protégé contre les Martiens.

La population de la Zone connut une croissance considérable. Les mondes-bulles se multiplièrent, certains étant équipés de propulseurs pour se déplacer. La prospection minière devint plus difficile ; les meilleurs filons avaient été épuisés. Des villes se développèrent d’un bout à l’autre des grosses roches. De moins en moins de Zoniers pilotèrent des monoplaces.