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Un gros astéroïde de glace entra en collision avec Mars ; il provoqua des tempêtes de poussière et de petits séismes qui inquiétèrent la base d’Olympe.

Les colonies interstellaires prospérèrent et se transformèrent. Jinx{Jinx, en anglais : Porte-malheur.} abrita des industries du vide là où le paysage de la planète s’élève hors de l’atmosphère à l’East End. La société devint répressive sur le Plateau. La population du Wunderland se développa et se répandit quelque peu dans le grand continent, ce qui retarda l’essor des villes. La civilisation progressa dans les profondeurs de We made it{We made it : Nous y sommes.} , pour éviter les vents de force ouragan de l’été et de l’hiver. Home{Home : chez nous.} fut colonisée et s’en trouva bien car elle bénéficia des techniques nouvelles et des erreurs commises sur les établissements antérieurs.

Les rayons de laser passèrent entre la Terre et les colonies ; de temps à autre des statoréacteurs robots quittaient l’accélérateur linéaire de Junon pour transporter des chargements de nouvelles connaissances. Dernièrement, la plupart des « cadeaux » de ces robots furent des progrès dans la science biologique, des semences et des œufs fécondés gelés. Les colonies donnaient rarement de leurs nouvelles, bien que Jinx et Home eussent d’excellents lasers de communication.

La population de la Terre se maintint stable, par la contrainte chaque fois que cela fût nécessaire.

Le polarisateur de pesanteur resta hors des limites de l’intelligence humaine.

Une alloplastie améliorée – des prothèses au lieu des greffes d’organes – aida beaucoup à résoudre le problème des insuffisances des banques d’organes. Les citoyens des Nations Unies votèrent même l’abolition de la peine de mort pour certains crimes : fraude fiscale, publicité illégale. La lourde autorité conférée à l’A.R.M., police des Nations Unies, se relâcha un peu.

Une guerre à grande échelle n’avait pas éclaté depuis quelque temps.

À l’intérieur du système solaire, la vie était devenue presque idyllique…

VANDERVECKEN

— La perversité de l’univers tend vers un maximum.

— Si une chose peut mal tourner, elle tournera mal.

Première et deuxième lois de Finagle.

Le froid qui lui brûlait le nez et les joues le réveilla soudain, et il ouvrit les yeux à la nuit noire et à des étoiles brillantes. Complètement ahuri, il se dressa sur son séant. Non sans effort : il était enveloppé comme une chrysalide dans son sac de couchage.

Les ombres des pics montagneux s’enfonçaient dans le décor étoilé. Les lumières de la ville apparaissaient dans le lointain, au-delà d’un horizon bosselé.

Il était parti à pied ce matin pour faire un peu de tourisme dans les Pinnacles, après une semaine de marche sac au dos. Il avait pris la grand-route, puis traversé des cavernes, grimpé par une piste étroite que bordaient des bruyères et le vide vers des hauteurs où il avait fallu aménager de grossières marches en pierre et des rampes métalliques. Sur un sommet qui dominait toute chose, il avait déjeuné. Puis il avait commencé à redescendre en prenant son temps : ses jambes protestaient contre cette remise au travail. L’étrange géologie verticale des Pinnacles se dressait comme des doigts vers le ciel. Ensuite… quoi ?

Apparemment, il était encore là, à mi-pente d’une montagne, son sac de couchage étalé sur le sentier.

Il ne se rappelait pas s’être endormi.

Une commotion ? Une chute ? Il hasarda un bras hors du sac de couchage et le tâta. Aucune contusion. Il se sentait en pleine forme. Il n’avait mal nulle part. L’air rafraîchissant son bras, il s’étonna : la journée avait été si chaude !

Et il avait laissé son sac de montagne dans sa voiture. Huit jours plus tôt, il l’avait garée au parking des Pinnacles, et il y était revenu au début de la matinée afin de ranger son équipement et son sac de couchage dans le coffre. Comment ce sac de couchage avait-il pu remonter ici ?

Les petits chemins des Pinnacles étaient assez dangereux en plein jour. Elroy Truesdale n’allait pas s’y risquer dans les ténèbres. Il tira de son sac de montagne – qui aurait dû se trouver dans la voiture mais qui était à côté de sa tête, couvert de rosée – de quoi faire un petit repas, et il attendit l’aurore.

Lorsque le jour fut levé, il entreprit sa descente. Il se sentait bien sur ses pieds, et la vision des rochers désolés le remplit d’une joie bizarre. Tout en dévalant des pistes incroyables, il chanta à tue-tête. Personne ne lui cria de se taire. Malgré son ascension de l’après-midi, ses jambes n’étaient pas fatiguées. Il se dit qu’il devait être en excellente condition physique. Mais il fallait être fou pour porter un sac de montagne sur des sentiers pareils.

Le soleil approchait du zénith lorsqu’il arriva au parking.

La voiture était soigneusement fermée, telle qu’il l’avait laissée. Seulement, il ne chantait plus. Cette histoire était incompréhensible. Un bon Samaritain l’avait trouvé évanoui sur la piste de montagne, ou l’y avait assommé ; n’avait pas appelé au secours ; s’était introduit dans la voiture de Truesdale ; avait traîné le sac de Truesdale à mi-pente d’une montagne avait glissé Truesdale dans son sac de couchage. Qu’est-ce que cela voulait dire ? Quelqu’un avait-il eu besoin de la voiture de Truesdale pour le charger d’un crime ? Il ouvrit le coffre en s’attendant presque à y trouver un cadavre. Mais non, il n’y avait même pas de taches de sang. Il fut à la fois soulagé et déçu.

Mais il y avait la bobine d’un message posée sur le poste récréatif de sa voiture.

Il la régla et l’écouta.

Truesdale, ici Vandervecken. À l’heure qu’il est, vous ne vous êtes peut-être pas rendu compte que quatre mois ont été dérobés à votre jeunesse. Je m’en excuse. C’était nécessaire, et vous pouvez bien vous permettre de perdre quatre mois ; je compte d’ailleurs vous dédommager de cette perte. En bref, vous recevrez cinq cents marks des Nations Unies chaque trimestre jusqu’à la fin de vos jours, à condition que vous ne tentiez rien pour découvrir qui je suis. 

Quand vous rentrerez chez vous, vous trouverez une bande de confirmation de Barrett, Hubbard and Wu, qui vous précisera les détails.

Croyez-moi, vous n’avez rien commis de répréhensible pendant les quatre mois dont vous ne gardez pas le souvenir. Vous avez fait des choses que vous estimeriez intéressantes, mais c’est pour elles que vous serez payé.

Vous auriez de toute façon des difficultés à connaître mon identité. Un modèle de voix ne vous apprendrait rien. Barrett, Hubbard and Wu ignorent tout de moi. L’effort serait onéreux et stérile ; j’espère que vous ne le ferez pas.

Elroy ne sourcilla pas lorsque de la fumée âcre s’éleva en volutes de la bobine du message. Il s’y attendait un peu. Quoi qu’il en fût, il avait reconnu la voix. C’était la sienne. Il avait dû enregistrer cette bande pour… Vandervecken… pendant les mois dont il avait perdu le souvenir.

Il s’adressa à la bande noircie : « Tu n’es pas homme à te mentir à toi-même, n’est-ce pas, Roy ? »

Dans quelles circonstances ?

Il descendit de voiture et alla à l’Office du tourisme où il acheta une bande des nouvelles du matin. Son poste n’avait pas été abîmé bien que la bobine du message ne fût plus qu’un petit tas de cendres. Il déroula la bande pour avoir la date : 9 janvier 2341.

Ç’avait donc été le 8 septembre 2340. Il avait raté Noël, le Nouvel An et quatre mois de quoi ? Dans un accès de rage, il décrocha le téléphone de la voiture. Qui s’occupait des enlèvements ? La police locale, ou l’A.R.M. ?