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— Et cet enfant de salaud qui m’a fait manquer son anniversaire ! »

L’A.R.M. se renversa en arrière sur son fauteuil. « Vous me racontez une histoire bien étrange. Je n’ai jamais entendu parler d’un type d’amnésie qui n’ait laissé aucun souvenir. »

— Moi non plus. Tout s’est passé comme si je m’étais endormi et réveillé quatre mois plus tard.

— Mais vous ne vous rappelez pas que vous vous soyez endormi.

— Exact.

— Un pistolet anesthésiant aurait produit le même résultat… Eh bien, nous allons vous placer sous hypnose profonde et nous verrons ce qui en sortira ! Vous n’avez pas d’objections à formuler, je suppose ? Il vous faudra remplir quelques papiers nous autorisant à pratiquer ce test.

— Très bien.

— Vous savez que vous ne serez peut-être pas content de ce que nous découvrirons.

— Je sais. » Déjà, Truesdale se cuirassait contre des découvertes éventuelles. La voix avait été la sienne. Il n’avait rien à redouter pour lui-même.

« Si vous avez commis un délit au cours de cette période dont vous ne pouvez pas vous souvenir, vous risquez d’en être puni. L’amnésie n’est pas un alibi.

— Je cours ce risque.

— Okay.

— Vous croyez que je joue la comédie ?

— L’idée m’en est venue. Nous verrons bien. »

« Ça va, sortez-vous de là-dedans », dit une Voix. Et Truesdale se sortit de là-dedans comme un homme trop brusquement réveillé, avec des rêves qui agonisaient dans sa tête.

La Voix était le docteur Michaela Shorter, une brune vêtue d’une ample blouse bleue de travail. « Comment vous sentez vous ? demanda-t-elle.

— Très bien, répondit Truesdale. Le résultat ?

— Très singulier. Vous ne vous souvenez de rien du tout pendant ces quatre mois ; vous n’avez même pas senti le temps passer. Vous n’avez pas rêvé. »

Le lieutenant de l’A.R.M. se tenait un peu à l’écart. Truesdale ne l’avait pas aperçu avant qu’il parlât. « Connaissez-vous des drogues capables de faire cela ? »

La femme secoua négativement la tête.

« Le docteur Shorter est une experte en médecine légale, expliqua le lieutenant à Truesdale. On dirait que quelqu’un a pensé à quelque chose de nouveau. » Il ajouta, pour le docteur Shorter : « Il pourrait vraiment s’agir de quelque chose de nouveau. Voudriez-vous le soumettre à l’ordinateur ?

— C’est déjà fait, répondit-elle sèchement. De toute façon, aucune drogue ne pourrait être sélective à ce point. C’est comme s’il avait été endormi tout d’un coup, puis placé dans un frigorifique pendant quatre mois. Avec cette réserve qu’il montrerait dans ce cas des signes médicaux d’une décongélation : des ruptures cellulaires provenant de la cristallisation de la glace, par exemple. » Elle lança un regard vif à Truesdale. « Ne recommencez pas à vous laisser endormir par ma voix !

— Pas du tout. » Truesdale se leva. « Quoi qu’il m’ait été fait, il aurait fallu un laboratoire, n’est-ce pas ? Si c’était aussi nouveau que cela. Voilà qui réduit le champ des recherches, non ?

— En principe oui, dit le docteur Shorter. Je m’orienterais vers un sous-produit de la recherche génétique. Quelque chose qui décompose l’acide ribonucléique. »

Le lieutenant de l’A.R.M. bougonna. « Vous pensez bien qu’un enlèvement dans une montagne aurait laissé des traces ; or il n’y en a aucune. Une voiture aurait été décelée par radar. Vandervecken a dû vous faire transporter sur une civière en bas au parking, vers quatre heures du matin, alors qu’il n’y avait personne dans les environs.

— Sur des chemins pareils, ç’aurait été rudement dangereux.

— Je sais. Avez-vous une meilleure explication à me proposer ?

— Avez-vous appris quelque chose ?

— L’argent. Votre voiture est restée dans le parking parce que la redevance avait été payée d’avance. Tout comme votre rente. En provenance d’un compte enregistré au nom de Vandervecken. Un compte nouveau, et il a été clos.

— Je l’imagine !

— Le nom vous dit-il quelque chose ?

— Non. Il est sans doute hollandais. »

Le lieutenant de l’A.R.M. approuva d’un signe de tête et se leva. Le docteur Shorter avait l’air pressée de récupérer sa salle d’examen.

Cinq cent mille marks, c’était beaucoup d’argent. Truesdale fut caressé par l’idée de dire à son patron qu’il aille au diable, mais Jeromy Link ne méritait pas d’être traité de la sorte. À quoi bon lui infliger le souci de trouver un remplaçant du jour au lendemain ? Truesdale donna à Jeromy un préavis d’un mois.

À partir du moment où son travail devint temporaire, il le trouva plus agréable. Un vendeur de chaussures, soit ! Mais cet emploi lui permettait de rencontrer des gens intéressants. Un jour, il examina de près l’appareil qui moulait des chaussures autour de pieds humains. Invention remarquable, admirable… Il ne s’en serait jamais douté auparavant.

Pendant ses heures de liberté, il dressa un plan de vacances touristiques.

Il renoua connaissance avec d’innombrables parents lorsque le testament de grand’Estelle fut exécuté. Plusieurs avaient regretté son absence à ses obsèques et à sa dernière réception d’anniversaire. Où était-il donc ?

« C’est une drôle d’affaire », répondit Truesdale. Et ce soir-là, il dut raconter son histoire une demi-douzaine de fois. Il y prit un plaisir pervers. « Vandervecken » n’avait pas souhaité de publicité.

Son plaisir fut gâché quand un cousin lui dit : « Ainsi, vous avez été volé encore une fois. Il semble que vous ayez des dispositions pour vous faire rouler, Roy.

— Plus maintenant. Cette fois, j’aurai ce fils de salaud », répondit Truesdale.

La veille du jour ou commença son tourisme sac au dos, il se rendit au siège de l’A.R.M. Il eut du mal à se rappeler le nom du lieutenant. Ah, Robinson ! Oui, c’était cela. Robinson lui dédia un petit signe de tête derrière un bureau en forme de boomerang. « Entrez donc. Profitez-vous bien de la vie ?

— Un peu. Quelles sont vos conclusions ? » Truesdale s’assit la pièce était petite mais accueillante ; des robinets de thé et de café étaient encastrés dans le bureau.

Robinson se rejeta en arrière comme s’il était content de marquer une pause dans son travail. « Presque toutes négatives. Nous ne savons toujours pas qui vous a kidnappé. Nous n’avons trouvé nulle part la source de l’argent. Mais nous sommes sûrs qu’il ne venait pas de vous. » Il leva les yeux vers Truesdale. « Vous n’avez pas l’air surpris.

— J’étais certain que vous procéderiez à des vérifications à mon sujet.

— Vous aviez raison. Supposez un instant que quelqu’un que nous appellerons Vandervecken possède un traitement spécifique de l’amnésie. Il pourrait le vendre à la ronde à des gens qui ont envie de commettre des crimes… assassiner une parente pour son héritage, par exemple.

— Jamais je n’aurais fait ça à ma grand’Estelle !

— En tout cas, vous ne l’avez pas dit. Vandervecken aurait été obligé de vous payer, et de vous payer cher. L’idée ne tient pas debout. Par ailleurs, nous avons trouvé deux autres cas de votre type d’amnésie sélective. » Il y avait un terminal d’ordinateur sur le bureau. Le lieutenant l’utilisa. « Le premier était une certaine Mary Bœthals, qui disparut quatre mois en 2220. Elle ne déposa pas de plainte. Mais nos services s’intéressèrent à elle parce qu’elle avait cessé de se faire soigner pour une maladie des reins. Il semblait probable qu’elle s’était confiée à un contrebandier d’organes pour subir une transplantation. Mais elle nous raconta une histoire différente, très semblable à la vôtre, rente comprise.