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» Ensuite il y eut un nommé Charles Mow, disparu en 2241, revenu quatre mois plus tard. Il avait lui aussi une rente, mais elle lui fut supprimée à cause de je ne sais quel détournement de fonds à la Norn Insurance. Cette suppression rendit Mow assez furieux pour qu’il vînt nous trouver. Naturellement, nos services commencèrent à rechercher d’autres cas, mais ils n’en découvrirent aucun. Et nous n’entendîmes plus parler de rien pendant cent ans. Jusqu’à votre déposition.

— Et ma rente a été coupée.

— Aussi sec. Dans les deux affaires précédentes dont je vous ai parlé, l’argent devait aller à la recherche prothétique. La réinsertion des criminels n’existait pas, il y a cent ans. L’argent alla à des banques d’organes.

— Ouais.

— À ce détail près, les cas se ressemblent beaucoup. Tout nous donne donc à penser que nous devons rechercher un struldbrug. Tout concorde. Le temps : le premier cas date de cent vingt ans. Le nom : Vandervecken. L’intérêt dans les prothèses aussi. »

Truesdale réfléchit. Il n’y avait pas tellement de struldbrugs. L’âge d’admission minimal à leur club restreint était maintenant fixé à cent quatre-vingt-un ans. « Pas de suspects particuliers ?

— S’il y en avait, je ne pourrais pas vous dire lesquels. Mais il n’y en a pas. Mrs. Randall est bien morte de causes naturelles, et elle n’était certainement pas Vandervecken. En admettant qu’elle ait eu un lien quelconque avec lui, nous avons été incapables de le déceler.

— Avez-vous consulté la Zone ? »

Robinson le regarda avec attention. « Non. Pourquoi ?

— Rien qu’une idée. La distance dans le temps égale-t-elle la distance dans l’espace ?

— Ma foi, nous pouvons demander. Les Zoniers ont peut-être eu des affaires semblables. Personnellement, je ne sais pas où aller. Nous ignorons pourquoi ces actes ont été commis, et nous ignorons comment. »

Dans tous les parcs nationaux et internationaux de la Terre, il n’y avait pas de place pour les touristes sac au dos en l’an de grâce 2341. La liste d’attente pour la jungle de l’Amazone était longue de deux ans. D’autres parcs n’étaient pas accessibles plus tôt.

Elroy Truesdale porta son sac à travers Londres, Paris, Rome, Madrid, Meknès, Le Caire. Il voyageait d’une ville à l’autre par trains supersoniques. Il mangeait au restaurant, car il préférait porter des cartes de crédit plutôt que des aliments déshydratés. Il avait déjà envisagé ce circuit plusieurs années auparavant, mais à cette époque-là il ne disposait pas de l’argent nécessaire.

Il vit les Pyramides, la tour Eiffel, la tour de Londres, la tour penchée – qui avait été redressée. Il vit la Vallée des Morts. Il chemina sur des voies romaines dans une douzaine de nations.

Partout il y avait d’autres touristes sac au dos. La nuit, ils campaient sur des lieux réservés à leur intention par les municipalités : d’ordinaire d’anciens parkings ou des autoroutes abandonnées. Ils mettaient en commun leurs poêles légers pour former un feu de camp, et ils s’asseyaient tout autour en s’apprenant mutuellement des chansons. Lorsque Truesdale en avait assez, il descendait dans un hôtel.

Il usa des chaussettes de marche à cadence accélérée ; il en acheta des neuves à des distributeurs automatiques dans les camps. Ses jambes étaient devenues dures comme du bois.

Après un mois de ce genre de vie, il n’était pas fatigué. Une impulsion l’entraînait à visiter toute la Terre. L’annulation d’une réservation lui permit d’aller dans l’intérieur de l’Australie, qui est sans doute le moins recherché des parcs nationaux. Il y passa huit jours. Il avait besoin de silence et d’espace.

Puis il partit pour Sydney, où il rencontra une femme aux cheveux coupés à la mode de la Zone.

Elle lui tournait le dos. Il vit une queue de cheval à boucle courtes, noires, ondoyantes, presque assez longues pour arriver jusqu’à sa taille. La majeure partie de son crâne était nue et aussi hâlée que le reste de sa personne, de chaque côté d’une houppe large de cinq centimètres.

Il y a vingt ans, nul n’en aurait été choqué. La houppe zonière avait même été très répandue. Mais la mode en était passée, et à présent la jeune femme avait l’air d’un écho du passé… ou de l’exotisme. Elle était grande comme tous les Zoniers, mais avec une musculature beaucoup plus développée. Elle était seule, à l’écart des fidèles du feu de camp, rassemblés à l’autre extrémité du huitième étage d’un garage.

Entre le toit de béton et le palier, retentissaient des chants de voix inexpertes. Je suis né, il y a dix mille ans… Lorsque nous atterrirons sur la Lune, je leur montrerai comment…

Une vraie Zonière ? Une fervente du tourisme sac au dos ?

Truesdale se fraya son chemin à travers un labyrinthe de sacs de couchage. « Je vous demande pardon, dit-il. Êtes-vous une Zonière ? »

Elle se retourna. « Oui. Pourquoi ? »

Elle avait des yeux bruns, son visage était joli d’une certaine manière faite d’angles mais son expression n’était nullement aimable – elle réagirait mal à des avances. Peut-être n’aimait elle pas les Terriens. Mais à coup sûr elle était trop fatiguée pour s’amuser.

« Je voudrais raconter une histoire à quelqu’un de la Zone », dit Truesdale.

Elle haussa les sourcils sans chercher à dissimuler son irritation. « Pourquoi n’allez-vous pas dans la Zone ?

— Je n’y arriverais jamais ce soir, répondit-il non sans logique.

— Très bien. Je vous écoute. »

Truesdale lui fit le récit de son enlèvement sur les Pinnacles. Avec faconde. Mais il se hâta de conclure… Il commençait à regretter de ne pas être tout simplement allé se coucher.

Elle l’écouta avec patience et embarras. « Pourquoi m’avoir dit tout ça ? interrogea-t-elle.

— Parce qu’il y a eu autrefois deux autres cas semblables d’enlèvement. Et je me demandais si rien de pareil ne s’était pas produit dans la Zone.

— Je n’en sais rien. Les flics de la Zone ont peut-être des dossiers dans leurs archives.

— Merci », dit Truesdale qui s’éloigna.

Il était allongé dans son sac de couchage, les yeux clos, les bras croisés sur sa poitrine. Demain… Brasilia ? Ils continuaient de chanter :

Tiens, une fois je me suis engagé dans l’Amra, et j’ai failli y laisser ma peau.

Car le sang coulait comme de l’eau quand les combats commencèrent.

Je suis le seul matelot qui ait jamais sauté d’un vaisseau pour quitter l’équipage de Vandervecken…

Truesdale ouvrit brusquement les yeux.

Et c’est à peu près la chose la plus étrange qu’un homme fera jamais.

Il n’avait pas cherché au bon endroit.

Les touristes, sac au dos, s’éveillaient généralement à l’aube. Les uns préféraient trouver un restaurant ouvert la nuit pour prendre leur petit déjeuner ; d’autres préparaient le leur. Truesdale était en train de faire cuire de la poudre d’œufs congelés quand la jeune femme survint.

« Vous vous souvenez de moi ? Je m’appelle Alice Jordan.

— Roy Truesdale. Un peu d’œufs ?

— Merci. » Elle lui donna un sachet qu’il mélangea avec de l’eau et versa dans son propre plat. Elle n’était plus la même ce matin : reposée, paraissant plus jeune, moins formidable.

« Je me suis rappelée certaines choses hier soir. Des cas comme le vôtre. Ils existent réellement. Je suis moi-même de la police, et j’en ai entendu parler, mais je ne me suis jamais souciée d’apprendre les détails.