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— Vous pensez pourtant qu’il est en vie. Moi aussi. Énumérez-moi vos raisons. »

Truesdale réfléchit une minute pour mettre de l’ordre dans sa tête. « Le Hollandais Volant. Vandervecken. Un homme immortalisé par une malédiction. Ça cadre trop bien. »

Elle approuva d’un signe de tête. « Quoi d’autre ?

— Oh ! Les enlèvements… et le fait qu’ensuite il nous a ramenés à nos places. Même au risque de se faire prendre. Il nous a replacés dans le circuit. Il est trop poli pour un extra-terrestre, et trop fort pour un homme. Que reste-t-il ?

— Brennan.

— Et puis, l’affaire Stonehenge. » Il la lui conta. « Je n’ai cessé d’y réfléchir depuis que vous avez prononcé le nom de Brennan Savez-vous quelles sont mes conclusions ? Brennan a eu tout le temps de s’occuper du polarisateur de pesanteur dans la capsule de fret Pak. Il a dû en découvrir le principe, et il l’a amélioré en le transformant en un générateur de pesanteur. Ensuite, il a bien fallu qu’il s’amuse avec son invention.

— Qu’il s’amuse. C’est le mot. Cette superintelligence a probablement été pour lui une sorte de nouveau jouet.

— Et peut-être s’est-il livré à d’autres mystifications.

— Oui ! lança-t-elle avec un peu trop d’énergie.

— Quoi ! Il a commis une autre farce ? »

Alice se mit à rire. « Connaissez-vous l’astéroïde Mahmed ? Son histoire figurait parmi les extraits que je vous ai fait parvenir.

— Je ne suis pas arrivé jusque-là, je suppose.

— Un astéroïde de trois kilomètres de diamètre ; presque entièrement de glace. Les télescopes de la Zone l’ont repéré en… 2183, je crois. Il se trouvait encore à l’extérieur de l’orbite de Jupiter. Mahmed a été le premier homme à se poser dessus. Et il a aussi calculé son orbite, et découvert que astéroïde allait entrer en collision avec Mars.

— La collision a-t-elle eu lieu ?

— Oui. On aurait sans doute pu l’empêcher, même avec la technologie de l’époque. Mais j’imagine que personne ne s’est réellement intéressé à cet incident. L’astéroïde devait heurter Mars assez loin de la base d’Olympe. On en a détaché un volumineux morceau de glace et on l’a mis sur une nouvelle orbite. De l’eau presque pure, une matière précieuse.

— Je ne vois pas le rapport avec…

— Attendez ! Elle a tué les Martiens. Tous les Martiens de la planète, autant que nous sachions. La teneur en vapeur d’eau dans l’atmosphère a fortement augmenté.

— Oh ! s’exclama Truesdale. Un génocide. Une bonne farce.

— Je vous l’ai déjà dit. Vandervecken est peut-être trop fort pour nous.

— Oui. » À partir d’un enregistrement vocal sur une bobine à destruction automatique, Vandervecken avait grandi dans toutes les dimensions. À présent, il était long de deux cent vingt ans, et le domaine de ses activités s’étendait sur tout le système solaire. Il s’était également développé en force physique le monstre-Brennan avait pu jeter sur ses épaules un Elroy Truesdale inconscient et le descendre au bas des Pinnacles. « Il est fort, je l’admets. Et nous sommes les seuls à le savoir. Qu’allons-nous faire ?

— Dîner, répondit-elle.

— Vous savez à quoi je pensais ?

— Je sais à quoi vous pensez, dit gentiment Alice. Mais dînons d’abord.

Le haut du Palace Hôtel était une coupole à quatre côtés qui montrait deux images de la réalité. Les secteurs est et ouest avaient vue sur Vesta, mais les secteurs nord et sud étaient des projections d’une région montagneuse de la Terre. « Il s’agit d’une bande sans fin, d’une durée de plusieurs jours lui expliqua Alice. Prise d’une voiture circulant au niveau du sol. On dirait un matin en Suisse.

— En effet. » Le martini à la vodka l’avait mis en appétit. Il n’avait pas déjeuné, et son estomac était un vide béant. « Parlez-moi des petits plats de la Zone.

— Vous savez, le Palace sert surtout de la cuisine française.

— Je voudrais bien goûter la cuisine de la Zone. Demain ?

— Franchement, Roy, je préfère celle de la Terre. Je vous emmènerai demain dans un restaurant typiquement zonier, mais je ne pense pas que vous y découvrirez des saveurs extraordinaires. Les denrées alimentaires coûtent trop cher ici pour qu’on se lance dans la gastronomie.

— Dommage. » Il regarda le menu sur le torse d’un robot serveur et sursauta. « Grands dieux, quels prix !

— Aussi élevés que les prix d’achat. À l’autre bout de la chaîne, il y a l’allocation de levure qui est gratuite…

— Gratuite ?

— Oh ! Elle ne vaut pas davantage ! Si vous êtes complètement fauché, elle vous permet d’être nourri, et la levure pousse pratiquement toute seule. Normalement, le Zonier est végétarien, poulet et œufs mis à part. Nous élevons des poulets dans la plupart des grands dômes. En ce qui concerne le bœuf et le porc, nous sommes obligés d’en faire l’élevage dans les mondes-bulles. Quant aux poissons et crustacés… eh bien, il faut que nous les fassions venir par vaisseau spatial. Certains arrivent surcongelés ; c’est moins cher. »

Ils tapèrent leurs commandes sur le clavier d’un serveur. Sur la Terre, un restaurant aussi cher aurait eu au moins des serveurs humains… mais Roy se représentait mal un Zonier en maître d’hôtel.

Les steaks Diane étaient trop petits, les légumes variés et abondants. Alice les dévora avec un appétit et un plaisir qu’il admira.

« Voilà ce qui me manquait, dit-elle. Sur la Terre, il a fallu que je me mette au tourisme sac au dos pour éliminer tout ce que je mangeais. »

Roy reposa sa fourchette. « Je ne peux pas imaginer ce qu’il a mangé.

— N’y pensez plus pendant un moment.

— D’accord. Parlez-moi de vous. »

Elle lui décrivit une enfance sur l’astéroïde Détention, où elle ne voyait les étoiles que par d’épaisses fenêtres d’un sous-sol ; les étoiles ne signifièrent pas grand-chose pour elle jusqu’à sa première randonnée à l’extérieur. Les années d’entraînement pour piloter un vaisseau spatial – pas obligatoires, mais les copines vous auraient trouvée drôle si vous aviez laissé tomber. Son premier raid de contrebande, et le pilote de la police qui la suivait comme une sangsue en se moquant d’elle sur son écran de communications. Trois années à transporter des produits alimentaires et des machines hydroponiques vers les troyens avant de se résigner à recommencer ; mais elle avait retrouvé le même visage moqueur et, quand elle s’était fâchée, il lui avait fait tout un cours d’économie jusqu’à Hector.

Ils en arrivèrent au café (en poudre) et au cognac (un produit de la Zone, excellent). Il lui parla, pour ne pas être en reste, de toutes ses générations de cousins, d’oncles et de tantes disséminées à travers le monde. Partout où il décidait d’aller, il rencontrait toujours des gens de sa famille. Il lui parla aussi de sa grand’Estelle.

— Il avait donc raison », déclara-t-elle.

Il comprit ce qu’elle voulait dire. « Je ne me serais pas rendu chez les policiers. Je n’aurais pas pu refuser l’argent. Alice, c’est ainsi qu’il juge toute l’espèce humaine. Il tire les ficelles. Et il est le seul à voir les ficelles. »

Alice gronda : « Je ne permettrai pas à un homme de me juger de cette façon-là.