Выбрать главу

Alice avait les yeux fixés sur le ciel altéré. Mais Roy s’inclina très bas pour dire : « Merlin, le roi te mande en sa présence !

— Dites à cette vieille buse, répondit Brennan d’un ton sec, que je ne pourrai pas lui fabriquer d’or avant que les cargaisons de plomb arrivent du Northumberland ! En attendant, comment trouvez-vous mon télescope ?

— Tout le ciel ? demanda Alice.

— « Étendez-vous, Alice. Vous vous tordrez le cou dans cette position. C’est un objectif à pesanteur. » Il vit leur ahurissement. « Vous savez qu’un champ de pesanteur courbe la lumière ? Bon. Je peux créer un champ qui gauchit la lumière en un foyer. Il est lenticulaire, il a la forme d’une plaquette sanguine. Voilà comment j’obtiens ma lumière solaire. Sol vu par un objectif à pesanteur avec une lentille de diffusion pour me donner un ciel bleu. Un bénéfice marginal est que l’objectif disperse la lumière allant dans l’autre sens, de sorte que l’on ne voit pas Kobold avant de passer juste au-dessus. »

Roy leva les yeux vers les soleils tout proches. « Voilà un beau résultat.

— C’est le Sagittaire, dans la direction du noyau galactique. Je n’ai pas encore trouvé ce maudit vaisseau, mais il fait route sur de jolies lumières, n’est-ce pas ? » Brennan toucha une commande, et le ciel se mit à glisser pour les dépasser, comme à l’intérieur d’un vaisseau spatial qui, plus rapide que la lumière, se déplacerait à travers un amas circulaire.

« Qu’arrivera-t-il quand vous l’aurez trouvé ? s’enquit Roy.

— Je vous l’ai dit. J’ai tout répété dans ma tête une centaine de fois. C’est comme si je l’avais vécu auparavant, de toutes les manières possibles. Mon astronef est une copie de celui dont s’est servi Phssthpok, à quelques raffinements près. Je peux monter à trois pesanteurs avec le statoréacteur seul, et j’ai mis deux cents ans de travail sur les armes dans la capsule de fret.

— Je pense tout de même…

— Je sais ce que vous pensez. C’est en partie à cause de moi que vous n’avez pas eu de guerres depuis si longtemps. Vous êtes donc devenus un peu mous, et cela vous rend encore plus aimables, tant mieux. Mais nous sommes dans une situation de guerre.

— Vraiment ?

— Que savez-vous sur les Pak ?

Roy ne répondit pas.

« Un vaisseau Pak va arriver. Si le Pak en question découvre jamais la vérité sur nous, il essaiera de nous exterminer. Il peut réussir. Que diable, je vous l’ai dit ! Je suis le seul homme à avoir jamais rencontré un Pak. Je suis le seul homme qui pourrait jamais en comprendre un. »

Roy se hérissa. L’arrogance de ce type ! « Alors où est-il, ô Brennan l’omniscient ? »

Un autre aurait pu hésiter, être gêné. Pas Brennan. « Je ne le sais pas encore.

— Où devrait-il être ?

— Sur sa route vers Alpha du Centaure. D’après la force du signal… » Brennan manipula un instrument, et le ciel dériva brusquement à côté d’eux en sillons de lumière. Roy battit des paupières, lutta contre un vertige.

Les étoiles tremblèrent en s’arrêtant. « Là. Au milieu.

— Est-ce de là que viennent vos curieux produits chimiques ?

— Plus ou moins. Ce n’est pas exactement une source centrale.

— Pourquoi Alpha du Centaure ?

— Parce que Phssthpok serait allé presque dans la direction opposée. La plupart des étoiles naines jaunes des environs sont du même côté de Sol. Les soleils du Centaure constituent une exception.

— Ainsi, ce deuxième Pak chercherait autour du système du Centaure, et s’il ne trouvait pas Wunderland, il poursuivrait sa route en s’éloignant de Sol.

— C’était ma meilleure hypothèse. Mais, dit Brennan, la direction de ses jets de gaz montre qu’il arrive tout droit. Je dois supposer maintenant qu’il a attendu que Phssthpok s’en aille d’ici. J’ai expédie le vaisseau de Phssthpok vers Wunderland. Je dois supposer que cette astuce ne l’a pas dupé. Si Phssthpok n’est pas parti d’ici, c’est peut-être parce qu’il a trouvé ce qu’il cherchait. Donc, Pak numéro 2 va arriver ici.

— Et où serait-il à présent ? »

Le ciel dériva encore une fois. Des soleils brillants accompagnés de petits soleils, de gaz un peu lumineux et de nuages de poussière, tout un panorama de l’univers se déroula et s’immobilisa. « Là.

— Je ne le vois pas.

— Moi non plus.

— Par conséquent, vous ne l’avez pas trouvé. Prétendez-vous encore comprendre les Pak ?

— Oui. » Brennan n’hésita pas un instant. Pendant tout le temps qu’il le connut, Roy Truesdale ne le vit hésiter qu’en une seule occasion. « S’ils font quelque chose d’imprévu, c’est à cause d’un changement dans leur environnement.

— Pourrait-il y avoir beaucoup de vaisseaux ? interrogea soudain Alice.

— Non. Pourquoi les Pak nous enverraient-ils une flotte ?

— Je n’en sais rien. Mais ils seraient plus loin que vous le supposez d’après la densité de vos curieux produits chimiques. Et plus difficiles à détecter. » Assise en tailleur sur le plancher, elle avait la tête rejetée en arrière pour voir les étoiles. Brennan n’avait pas l’air de l’écouter – il manipulait les commandes du télescope – mais elle continua. « Les jets de gaz seraient moins nets. Et si les Pak étaient plus loin, ils se déplaceraient plus vite, n’est-ce pas ? Vous auriez des particules d’une vitesse supérieure.

— Pas s’ils portaient davantage de fret, répondit Brennan. Cela les freinerait. » Le ciel dériva vers eux, se brouilla. « Mais c’est tellement invraisemblable ! Il n’y a qu’une seule hypothèse qui cadrerait. Excusez-moi, je vous prie : c’est un vrai jeu de patience que de bien attraper ces champs. » L’étendue étoilée s’éclaira à demi, puis se brouilla de nouveau. « De toute façon, j’aurais été obligé de le faire. Ensuite, nous pourrons tous cesser de nous tracasser. »

La brume céleste se condensa en de durs points blancs. Il n’y avait plus de soleils géants dans le champ de vision.

En revanche, il y avait deux cents points bleus environ, tous de la même dimension, minuscules, bien séparés, dans un grand déploiement hexagonal.

« Je ne le croyais pas, ma foi, murmura Brennan. La coïncidence me semblait trop extraordinaire.

— C’est… c’est toute une flotte ! » Roy se sentit horrifié, au bord de la panique. Une flotte Pak, arrivant ici – et Brennan, le protecteur de l’Homme, qui ne l’avait pas prévu !

Il avait fait confiance à Brennan.

« Ils sont sans doute plus nombreux, dit Brennan. Les autres sont plus loin vers le noyau galactique. Trop loin pour que je les voie avec mes instruments. Une deuxième vague. Peut-être une troisième.

— Ceux-ci ne suffisent-ils pas ?

— Non. Ne comprenez-vous pas, Roy ? Un événement s’est produit dans le noyau galactique. C’est le seul motif qui ait pu conduire aussi loin tant d’astronefs. Ils ont évacué le monde Pak. Or, je ne vois pas suffisamment de vaisseaux pour que cette évacuation ait réussi, même si je tiens compte des guerres qu’ils ont dû se livrer entre eux, avec chaque protecteur essayant d’embarquer ses descendants sur les premiers vaisseaux. »

De petites lueurs bleues sur un ciel d’étoiles trop brillantes. Tout cela, à cause de petites lueurs bleues ?

Alice se massa le cou. « Qu’a-t-il pu se produire ?

— N’importe quoi. Des trous noirs se promenant à travers les soleils du noyau, prenant de plus en plus de masse, et vagabondant peut-être trop près des Pak. Ou une certaine sorte de vie née dans l’espace. Ou le noyau galactique explosant en une éruption de supernovæ : cela est arrivé dans d’autres galaxies. Ce qui m’ennuie, c’est que l’événement ait dû se produire maintenant !