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Brennan lança quelque chose qui arriva trop vite pour que Roy le vît et qui l’atteignit en haut du bras droit. L’os se fracassa comme du verre mince. Sous le choc, Roy tourna sur lui-même ; son bras se balançait à l’épaule comme un membre mort. Le laser rebondit sur la paroi et revint vers lui.

Il l’arrêta de la main gauche et termina son tour.

Brennan était posé comme un lanceur de base-ball sur son tertre ; il tenait un disque lubrifiant de carbone doux qui avait la taille d’un palet de hockey sur glace.

Roy rectifia sa prise sur le laser. Pourquoi Brennan ne lançait-il pas son disque ? Ses doigts atteignirent la détente. Pourquoi Brennan ne bougeait-il pas ? Il tira.

Brennan sauta de côté avec une rapidité incroyable, mais moins vite que la lumière. Roy le poursuivit avec son faisceau qui traversa le corps de Brennan juste au-dessous de la taille.

Brennan s’écroula, coupé en deux.

Roy n’avait plus mal à son bras, mais le bruit de la chute de Brennan lui déchira les entrailles. Il regarda son bras : il pendillait, enflé, gros comme un melon ; le sang coulait à l’endroit où perçait un fragment d’os. Il reporta ses yeux sur Brennan.

Ce qui restait de Brennan se souleva sur les mains et s’avança.

Roy s’affaissa contre la paroi. La cabine tournait, tournait… Le choc. Il sourit lorsque Brennan s’approcha. « Touché, murmura celui-ci.

— Vous êtes blessé », dit Brennan.

Les choses perdaient de leurs couleurs, se fondaient dans une grisaille uniforme. Roy se rendit compte que Brennan déchirait sa chemise pour lui faire un tourniquet sous son épaule. Brennan parla, d’une voix monotone comme s’il n’espérait plus se faire entendre. « J’aurais pu vous tuer si vous ne faisiez pas partie de ma famille. Idiot, idiot ! Que la voûte céleste vous écrase, Roy ! Roy, écoutez-moi. Il faut que vous viviez ! On ne pourrait pas croire ce qu’il y a dans l’ordinateur. Roy ? Écoutez-moi, Bon Dieu ! »

Roy perdit connaissance.

Il sombra dans le délire. Pourtant, il réussit à mettre le vaisseau-cargo en orbite vers Home mais, sa technique étant mauvaise, il se retrouva en orbite d’évasion. Les astronefs lancés à sa poursuite étaient destinés à l’exploration du système intérieur. Ils parvinrent à le récupérer. Ils récupérèrent aussi le cadavre de Brennan et l’ordinateur à bord de Protecteur. Quant à Protecteur lui-même, ils durent l’abandonner.

La blessure de Roy sembla justifier l’état comateux dans lequel ses sauveteurs le trouvèrent. Quelque temps après, les médecins comprirent qu’il souffrait d’un autre mal : deux pilotes de Home l’avaient eux aussi contracté.

PROTECTEUR

« Un poulet est la manière de l’œuf de fabriquer un autre œuf. »

Samuel Butler.

Tous les protecteurs humains doivent s’éveiller de cette façon-là. Un Pak s’éveille sensible pour la première fois. Un protecteur humain a des souvenirs humains. Il s’éveille avec des idées claires, se rappelle, et pense avec une certaine gêne : J’ai été idiot.

Un plafond blanc, des draps de toile rude, très propres, sur un matelas moelleux. Des paravents pastel mobiles autour de moi. Devant moi, une fenêtre : vue sur une pelouse pas trop bien gazonnée et de petits arbres noueux, le tout baignant dans une lumière solaire un peu orangée pour la Terre. Des commodités primitives et beaucoup de place. J’étais dans un hôpital de Home, et j’avais été idiot. Si seulement Brennan… mais il n’aurait pas eu besoin de me dire quoi que ce fût. Aussi près de Home, il s’était contaminé, évidemment. À la limite, il n’avait qu’à faire en sorte que lui ou son cadavre arrivât à Home. Et il m’avait laissé contracter le mal : même raisonnement.

Il m’avait presque tout dit. En réalité, ce qu’il avait recherché là-bas, au-delà des confins du système solaire, après avoir abandonné sur Mars sa provision d’arbre de vie, ç’avait été une variante du virus de l’arbre de vie susceptible de se développer dans une pomme, une grenade ou n’importe quelle plante. Or, il avait obtenu une variante qui pouvait vivre dans une patate douce cultivée avec de l’oxyde de thallium. Mais à partir de là, il avait découvert ou créé une variété capable de se développer dans un être humain.

Voilà ce qu’il avait projeté d’ensemencer sur Home.

Un bien vilain tour à jouer à une colonie sans défense ! Un tel virus ne respecterait sans doute pas la bonne limite d’âge. Il tuerait quiconque ne se situerait pas – grosso modo – entre quarante et soixante ans. Home aurait fini comme un monde de protecteurs sans enfants, et Brennan aurait eu son armée.

Je me levai. De l’autre côté d’une cloison en plastique souple, une infirmière sursauta. Nous étions consignés puisque nous étions contagieux. Il y avait deux rangées de lits et, sur chacun, un protecteur à moitié évolué manifestait les symptômes d’une mort par inanition. Tous les proto-protecteurs étaient probablement réunis dans cette salle. Nous étions vingt-six.

Et maintenant, quoi ?

Je réfléchis pendant que l’infirmière appelait un médecin et que le médecin revêtait une combinaison pressurisée. J’avais le temps. Mes pensées se succédaient si vite ! La plupart des problèmes ne se posaient pas assez longtemps pour m’intéresser. Je vérifiai les enchaînements de la logique de Brennan, une fois, deux fois. Pour l’heure, je devais croire ce que Brennan m’avait dit sur les Pak. Son tableau ne présentait aucune incohérence il avait merveilleusement menti, en admettant qu’il eût menti, et je ne parvenais pas à discerner un motif. J’avais observé directement les Pak… au moyen des instruments de Brennan.

Ma foi, je pourrais vérifier ces instruments en dessinant à part le générateur de pesanteur induite.

Une jeune femme blonde entra en passant par un sas de fortune. Je l’effrayai à la fois par ma laideur et ma mobilité.

Poliment, elle s’efforça de dissimuler ses sentiments.

« Nous avons besoin de manger, lui dis-je. Tous. Je serais mort maintenant si je n’avais pas pris une quantité superflue de muscles avant de contracter le mal. » Elle acquiesça d’un signe de tête et parla à l’infirmière par un micro de la taille d’un stylo.

Elle m’examina. Cet examen lui en apprit suffisamment pour la troubler beaucoup. Par toutes les lois de la médecine, j’aurais dû être mort, ou rendu infirme par l’arthritisme. Je me livrai pour elle à quelques exercices de gymnastique pour lui prouver que j’étais en bonne santé, et je me contins pour qu’elle ne sût pas à quel point je me sentais en forme. « Ce n’est pas un mal invalidant, lui dis-je. Nous pourrons mener une existence normale quand l’infection aura suivi son cours. Elle n’affecte que notre aspect physique. Ou bien auriez-vous remarqué autre chose ? »

Elle rougit. J’observai son débat intérieur : allait-elle me dire que je devais renoncer à tout espoir d’avoir des rapports sexuels normaux ? Elle pensa qu’il était trop tôt. « Vous serez obligé de vous adapter un peu à votre état, me répondit-elle avec tact.

— C’est bien ce que je suppose.

— Cette maladie, vient-elle de la Terre ?

— Non, de la Zone, heureusement. Ce qui la rend beaucoup plus facile à enrayer. En réalité, nous croyions qu’elle s’était éteinte. Si j’avais pensé qu’il existait la moindre chance.

— J’espère que vous pourrez nous donner des indications sur le traitement. Nous n’avons pas réussi à guérir aucun d’entre vous, dit-elle. Tout ce que nous avons essayé n’a fait que compliquer les choses. Même des antibiotiques ! Nous avons perdu trois de vos compagnons. Les autres ne semblaient pas aller plus mal, c’est pourquoi nous vous avons simplement laissés tranquilles.