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— C’est un complice, alors ?

— Je ne le pense plus. Else a eu l’air vraiment surprise en apprenant la mort de notre ami. N’est-ce pas, Jeannine ?

— J’ai remarqué cela aussi, affirme la jeune fille ; si vous tenez à avoir une opinion féminine, eh bien, je vous dis que cette femme ignorait vraiment la mort de mon malheureux frère.

Il y a un silence épais comme de la mélasse.

Sorrenti hausse les épaules.

— En tout cas, remarque-t-il, les chances de retrouver le code me paraissent bien minces maintenant que toute la bande est anéantie. Car ils ont dû les cacher soigneusement.

Je fais quelques pas dans la pièce.

— Ils ne l’avaient pas.

— Vous êtes sûr ?

— Certain.

— Qu’en concluez-vous alors ?

Je le regarde.

— Et vous ?

— À vrai dire, je ne sais plus que penser.

— Bast, ça s’arrangera, je suis optimiste avant tout, assuré-je. À propos, je vous remercie pour votre pistolet.

Je fouille ma poche et sors l’arme.

— Je vais vous rendre ce joujou.

Sorrenti esquisse un geste de refus.

— Gardez-le, il peut vous être utile.

— … Mais, et vous ?

— Oh moi, sourit-il, en dégainant dessous son bras un Smith et Wesson à long canon, je suis paré.

Je pousse un sifflement admiratif.

— Bigre, dis-je en m’emparant de son arme, vous donnez dans l’artillerie lourde.

Brusquement, l’éternel sourire qui voltige sur les lèvres de Sorrenti disparaît, il vient d’avaler comme un comprimé d’aspirine et il fait la grimace, ce changement de physionomie a une cause et la voici : je tiens un pistolet dans chaque main et les deux canons sont braqués sur son estomac.

— Dis donc, Sorrenti, si on parlait à cœur ouvert ?

Jeannine pousse une exclamation de surprise.

— Que faites-vous ? s’exclame-t-elle.

Je lui réponds âprement, sans quitter Sorrenti du regard :

— Mon boulot, petite fille. N’ayez pas peur, je ne suis pas dingue.

— Mais… mais…, bêle le Rital, signore, c’est une plaisanterie.

— Tu trouves qu’en ce moment j’ai la touche d’un gars qui va acheter du fluide glacial et un briquet farce pour rigoler en société ?

— Mais, signore, je ne comprends pas.

— Ah, tu ne comprends pas, eh bien, le signore va éclairer ta lanterne, mon salopard, et puis il te fera bien d’autres trucs par-dessus le marché. Le signore, vois-tu, n’est pas la moitié d’une gonfle, Dieu merci, la fée qui distribuait la jugeote et l’imagination n’est pas allée aux bains turcs lorsque ça a été le tour du signore de recevoir sa part.

Je m’assieds sans cesser de le tenir en respect.

— Je vais te raconter la vérité, telle que je l’ai reconstituée dans ma caboche en nickel-chrome. Lors de notre premier entretien dans le bureau du chef de la police secrète, tu m’as dis très franchement ce que tu savais, car tu n’avais pas pris le temps de réfléchir. Mais lorsque j’ai été parti, il t’est venu une idée. Tu t’es dit que le type qui aurait les plans dans sa poche pourrait faire le blé qu’il voudrait, alors comme tu savais que j’attendais les photos de Tacaba pour rendre visite au bistrot que tu m’avais indiqué, tu as remué le panier au photographe de l’identité judiciaire et tu lui as fait faire deux sortes de clichés ; primo une image du corps baignant dans son jus, secundo un portrait retapé du défunt ainsi que je l’avais demandé. Tu as pris la première photo et tu as couru chez le cafetier parce que tu voulais avoir des tuyaux sur l’affaire. Au début, le bonhomme s’est fait tirer l’oreille, mais tu lui as parlé de moi, tu lui as annoncé ma visite et tu l’as terrorisé en lui faisant voir sur la photo comment je traite les bonshommes qui ne sont pas de mon avis. Alors, le type a eu vachement les jetons et il t’a proposé une tractation : il te remettait le code et tu l’innocentais. Cette proposition t’allait au poil, tu n’en espérais pas tant et tu as dit gi-go. Le couillon t’a donné le code, je me demande comment il se trouvait en sa possession, je suppose toutefois que, servant de Q.G. au gang dont il faisait partie, il avait exigé de sérieuses garanties. Enfin peu importe… Seulement, une fois que tu l’as eu, tu t’es dit que j’allais rappliquer avec mes grands pieds… Pour que tu puisses mener ton affaire à ta guise, tu as séché le copain.

Je m’interromps, Sorrenti est un peu moins pâle qu’une olive. Ses lèvres sont de la couleur de son plastron.

— C’est faux ! C’est faux ! glapit-il. Signore, vous plaisantez.

Je m’approche et lui colle un coup de genou dans le bas-ventre pour le faire taire et lui prouver que je suis on ne peut plus sérieux.

Pour avoir la main libre, je lance un des revolvers à Jeannine en lui disant de le mettre hors d’atteinte de Sorrenti. Après quoi je fouille ce grand délabré. Dans son portefeuille de croco, je trouve le code.

— Et ça, mon grand ?

Il ne dit plus rien, il a la bouche ouverte et les yeux fixes.

— Parlons maintenant de la suite. Le gamin t’apporte mon mot. Soucieux de montrer ton zèle, tu te radines presto au volant de ta calèche, tu arrives au moment où Else et ses gars m’embarquent dans leur voiture.

« Décidément, le hasard travaille pour toi, tu n’as plus qu’à les suivre, ils vont te conduire jusqu’aux fameux plans. Et tu les suis jusqu’à la côte où tu les vois monter et me monter à bord de leur caravelle. Là tu es déconcerté, tu ne peux en effet faire donner la police comme tu l’aurais fait s’il s’était agi d’un repaire fixe, et à la faveur de l’arrestation étouffer les documents. Tu reviens à Rome. Tu prends les seules dispositions qui te soient permises. Comme tu es un flic plus ou moins vrai, mais un authentique forban et que tu règnes sur la pègre, tu préviens tous les indics des ports d’avoir à guetter l’arrivée possible du barlu. C’est ainsi que tu apprends que le bateau d’Else croise du côté de Napoli. Tu rappliques sur place et tu attends après avoir mobilisé la racaille de l’endroit pour surveiller la côte. De la sorte, tu apprends mon arrivée chez le consul où j’ai été conduit par un pâle voyou.

« Tu comprends que j’ai mis la main sur les plans, lorsque tu t’aperçois que le consulat est surveillé par les gens d’Else. Rien n’est perdu. Il s’agit de faire vite et de profiter de l’occasion. Tu nous suis jusque dans le train, assez prudemment, puisque je te connais ; justement parce que tu te dissimules, tu ne t’aperçois pas de ma fugue.

« En cours de route, tu te décides à jouer ton va-tout. Il n’y a plus que le consul dans le compartiment. Tu en déduis que je suis redescendu parce que je m’étais aperçu que Bruno me suivait et que j’ai remis les plans à mon compagnon, alors tu l’as buté, ordure. Sitôt de retour à Rome, tu as fait rechercher Bruno et Else puisque tu avais leur signalement et c’est toi qui leur as envoyé un mot pour leur dire de venir à Il Capitello. Tu voulais te débarrasser des uns et les autres en nous mettant en contact. C’est pour ça que tu n’es pas venu.

Je le regarde comme je regarderais une araignée.

— J’ai téléphoné à l’aéroport tout à l’heure. Je voulais vérifier si Bruno avait bien pris l’avion, il n’avait pas menti. Par la même occasion, j’ai fait demander si on trouvait ton nom, sur les parcours aller de ces derniers temps, et on m’a appris que tu t’étais envolé pour Naples, le lendemain de mon kidnapping.

Je regarde l’heure.

— D’ici dix minutes, ce sera plein de flics ici. J’ai mis au point ton arrestation. Auparavant, je vais te corriger un brin.