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Je tends mon second pistolet à Jeannine et je pose ma veste.

Sorrenti est pantelant.

Afin de le ravigoter, je lui mets un direct du gauche sur le nez ; le sang jaillit comme le pétrole d’un pipe-line. Je poursuis par un doublé aux tempes. Alors il se réveille et s’avance sur moi. Il esquisse savamment un uppercut et me refile un coup de pied au foie qui me fait tousser.

Cette fois j’y vais de bon cœur. Il en prend de partout. Mes bras bougent comme vibre la corde d’un violon. Il s’accroupit. Je vais pour le finir d’un coup de savate au front, mais il m’attrape le pied et je bascule. Il est sur moi tout de suite et me tient les bras plaqués au sol. Je lui fais un ciseau et nous nous neutralisons. Comme pour les journaux concurrents, c’est celui qui tiendra le plus longtemps qui gagnera. D’un effort terrible, je le renverse, il me lâche.

Nous soufflons un instant comme des phoques et soudain, un frisson me court dans le dos, Sorrenti a un couteau à la main. Je ne sais où il l’avait planqué, mais il s’est débrouillé pour le sortir au bon moment.

Dans une seconde, il va le lancer, et je suis dans un coin de la pièce où il n’y a pas de meubles derrière lesquels je pourrais me protéger.

Pan, pan, pan !

Trois coups comme au théâtre. Je vois fumer le Smith et Wesson dans la main de Jeannine.

— Alors, Jeannine, m’exclamé-je, on se met au boulot ?

CONCLUONS ENTRE NOUS

Un qui n’en est pas revenu, c’est le comte Sforza, lorsqu’il a vu son copain Sorrenti allongé à côté de mon lit comme une carpette qu’on a roulée pour l’envoyer au dégraissage.

— Morté ! a-t-il dit.

— Complétamenté, lui ai-je répondu.

Il a gratté sa tête aussi chevelue qu’un verre de montre.

— Cé Sorrenti, quand même, qui c’est qui l’aurait dit, que c’était ouné crapoule !

Je me suis marré.

— On peut se gourer sur les gens, Pas vrai ?

Et je lui ai expliqué comment mes soupçons étaient nés.

— Vous pensez, lui ai-je dit, je me méfie toujours des petits copains qui en savent trop long. Lorsque j’ai compris que mes gangsters n’étaient pas coupables du meurtre du consul, j’ai commencé à réfléchir sérieusement et c’est alors que je me suis aperçu qu’il existait un personnage mystérieux qui jouait son rôle en sourdine, ça pouvait être vous…

— Santa Madonna ! glapit le comte Sforza…

— … ou Sorrenti, ai-je achevé. Il me donnait trop de précisions sur les agissements de la bande à Else. Comment pouvait-il savoir que Bruno était à Il Capitello sinon parce que lui-même lui avait conseillé d’y aller ? Et puis, voyez-vous, lorsque j’ai vu notre lascar en votre compagnie chez l’ambassadeur, une chose a retenu mon attention. Sorrenti avait des vêtements maculés de suie, comme lorsqu’on fait un trajet en chemin de fer. Lui si soigneux ! J’en ai déduit qu’il venait de voyager et n’avait pas eu le temps de se changer lorsque vous lui avez demandé d’aller à l’ambassade.

Me revoilà en France, à Paname !..

Tout à l’heure, lorsque Félicie aura repassé ma chemise, j’irai boire l’apéro au Dauphin avec quelques-uns de mes collègues. J’ai justement une revanche à prendre au 421 avec le commissaire Berliet.

La guigne, c’est l’enterrement de cet après-midi. Moi, les funérailles, ça me fiche le cafard. Pas tellement à cause des crêpes et des couronnes, mais parce qu’il faut serrer la pince à un tas de zigs qu’on ne connaît pas en leur murmurant des trucs pleurards. Mais enfin, je ne peux pas ne pas y aller. Que penserait Jeannine ! Peut-être que le noir lui va bien, à cette gosse. Et puis, un ministre ou je ne sais quoi de ce genre va cloquer la Légion d’honneur à titre posthume à Gaétan. Vous allez me dire que là où il est, les décorations sont toutes pareilles et qu’on se les met au-dessus de la tête ; mais n’empêche que ça fera plaisir à la famille.

*

Dans quelques jours, j’irai faire une visite de politesse à Jeannine, et puis, j’y retournerai le lendemain, et encore le lendemain, jusqu’à ce qu’arrive le moment de lui exposer ma théorie sur le mimi mouillé. Je sais être tenace.

Pour d’autres détails, il faudra vous reporter aux prochains volumes ; ça suffit pour aujourd’hui. Et tâchez de ne pas être déçus. Les lecteurs le sont toujours ; que ce soit drôle ou triste, que ça finisse bien ou mal, c’est une fichue manie qu’ils ont de ne jamais être satisfaits.

Enfin, quoi, comprenez que pour le prix du bouquin, mon éditeur ne peut pas vous donner une vache. Et même s’il le faisait, vous auriez encore le culot de lui demander si elle est pleine.

FIN
Le spectacle est terminé
Toute sortie est définitive