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Maintenant, voilà qu’une nouvelle menace se présentait. Des barbares, des assassins qui essayaient de l’effrayer avec les cadavres d’hommes qu’il considérait à peine comme des connaissances. Quel que soit leur objectif, ils n’obtiendraient rien de lui par la peur.

L’absence de ses gardes au cœur de la nuit, en revanche, lui fit éprouver une vague inquiétude.

Skorzeny tourna sur lui-même pour scruter la lisière des arbres. Il déclara avec un calme apparent, d’une voix neutre : « Ils patrouillent sans doute dans les environs. Venez. »

Il avait surpris le regard échangé entre Lainé et Ryan. L’officier du G2 s’était absenté un long moment. Avait-il parlé avec Lainé à l’étage ? Lainé n’avait pas caché à Skorzeny l’antipathie que lui inspirait Ryan. Les deux hommes s’étaient-ils expliqué ?

Aucune importance. Il y avait des questions plus urgentes.

Par exemple, pourquoi personne ne gardait le bâtiment dans lequel se trouvait Hakon Foss.

De plus près, Skorzeny vit la porte entrouverte, le rai de lumière. Et le bout d’une chaussure dans le passage. Il accéléra le pas.

« Qu’est-ce que c’est ? » demanda Ryan.

Skorzeny atteignit la porte, la poussa, sans succès. Il poussa plus fort et insista pour écarter les jambes du mort qui barraient l’entrée.

« Merde* », dit Lainé.

L’un des gardes. Un trou au milieu du front, deux autres dans la poitrine. Skorzeny l’enjamba en évitant de marcher dans la flaque de sang.

La rage montait du ventre de l’Autrichien, tel un dragon qui menaçait d’incendier son esprit et de lui ôter toute raison. Il la réprima.

Hakon Foss était toujours assis sur sa chaise, les mains attachées à la table, les pieds baignant dans son urine. Il empestait les excréments et la sueur. Mais il était vivant.

Skorzeny s’approcha, veillant à ne pas se salir.

« Que s’est-il passé ici ? »

Foss s’écria : « Des hommes viennent ! Ils tirent ! »

Skorzeny se pencha sur la table. Ryan et Lainé restèrent à distance.

« Qui ? »

Foss secoua la tête. La morve lui coulait du nez et se mêlait à la bave autour de sa bouche. « Je ne sais pas. Je leur demande de me laisser partir. Ils ne répondent pas. »

Skorzeny abattit son poing sur la main droite de Foss, sentit les os écrasés par l’impact.

Foss hurla.

« Qui était-ce ? »

Foss balança la tête de gauche à droite, répandant ses sécrétions tout autour.

Skorzeny frappa de nouveau. La voix de Foss se brisa, passant du cri au gémissement.

« Dites-moi qui c’était. »

Les lèvres de Foss articulèrent des mots que personne n’entendrait jamais.

Skorzeny prit sa main désarticulée dans la sienne, serra, pétrissant les os et les chairs.

Foss battit faiblement des paupières, sur le point de perdre connaissance. Lainé surgit, un couteau à la main, le plongea dans le cou du Norvégien et lui trancha la gorge.

Skorzeny recula pour ne pas être éclaboussé par la fontaine écarlate qui jaillissait sur la table. « Qu’est-ce que vous faites ? » dit-il.

Lainé jeta le couteau dans le sang répandu sur la table. « Il devait mourir. »

Skorzeny s’étranglait, les yeux noirs de colère. « Pas avant qu’il ne m’ait dit ce qu’il savait.

— Il n’aurait pas parlé. » Lainé s’essuya les mains sur son manteau. « Il était plus fort que ça. »

La voix de Ryan, derrière. « De toute façon, il ne savait presque rien. »

Skorzeny se tourna vers l’Irlandais. « Que voulez-vous dire ?

— C’était l’indic, dit Ryan, dont les orbites creusées accusaient une lassitude nouvelle. Catherine Beauchamp me l’a dit avant de mourir. Il ne savait rien d’eux. Il n’avait jamais vu leurs visages. Ils lui donnaient de l’argent. Il les renseignait. C’est tout.

— Pourquoi ne me l’avez-vous pas dit plus tôt ? »

Ryan mit les mains dans ses poches. « Je l’aurais fait si vous m’en aviez laissé l’occasion. De toute façon, vous avez d’autres chats à fouetter maintenant, non ? »

Skorzeny regarda le corps du garde étendu par terre. Il l’enjamba, alla à la porte et l’ouvrit d’un coup de pied.

La lumière de la lampe halogène incendiait tout ce qu’elle touchait. Une vision de feu. La rage, en lui, comme un requin surgissant des profondeurs.

« Venez ! » Sa voix puissante roulait entre les arbres. « Allez ! Venez me chercher, si vous en avez le courage ! Si vous êtes des hommes, montrez-vous. »

Il rugit dans la nuit jusqu’à ce que sa voix ne puisse plus supporter la force de sa colère.

36

Le ciel noir se teintait de bleu quand Ryan arriva à l’hôtel Buswells. Un silence plein de frémissements était suspendu au-dessus de la ville, comme l’inspiration qui précède une phrase, juste avant que les rues ne s’éveillent.

Le portier de nuit ouvrit à Ryan. Il souriait quand il lui tendit la clé de sa chambre et lui fit un clin d’œil. S’il n’avait pas été aussi fatigué, Ryan se serait demandé pourquoi.

Il gravit l’escalier péniblement, d’une marche à l’autre, le corps de plus en plus lourd. Le temps lui parut infiniment long, entre le moment où il reçut la clé dans sa paume et celui où il la glissa dans la serrure. Il la tourna, poussa la porte et fut accueilli par la chaude lumière de la lampe de chevet.

À la vue de la forme blottie sur le lit, il ne comprit pas tout de suite.

« Celia ? »

La jeune femme s’éveilla en sursaut. Peur, surprise, puis elle le reconnut. « Albert. Quelle heure est-il ? »

Elle se tourna vers la fenêtre, vit l’aube naissante. Son manteau, qui lui tenait lieu de couverture, glissa et découvrit ses épaules nues, constellées de taches de rousseur. La peau douce et pâle. La lumière captée dans un halo.

« Il est tôt. » Ryan ferma la porte. « Qu’est-ce que vous faites ici ? »

Elle se souleva sur un coude et essuya le mascara sur sa joue. « Je voulais vous voir. Le portier de nuit m’a laissée entrer. »

Ryan avait envie de s’approcher d’elle, mais ses pieds semblaient pétrifiés.

« Mrs. Highland ne va-t-elle pas s’inquiéter ? »

Celia sourit paresseusement, le visage chiffonné. « Elle aura une attaque. Je ne pensais pas que vous mettriez si longtemps.

— Il y a eu… un problème.

— Je ne veux pas savoir, dit-elle. Venez près de moi. »

Ryan hésita, puis alla s’asseoir sur le bord du lit. Le matelas se creusa et Celia roula légèrement. Il vit la forme de son corps sous la robe que ses seins tendaient avec une superbe indécence. Son parfum de la veille laissait percer l’odeur de sa peau, fleurs et épices, la tiédeur discrètement acidulée de la femme.

Elle tourna les yeux vers la fenêtre. « Je me demande ce que vous devez penser de moi. »

Une douzaine de réponses affluèrent à l’esprit de Ryan, mais il n’aurait pu en exprimer une seule sans se couvrir de honte. Aussi préféra-t-il garder le silence.

« Je n’ai jamais été jolie », dit-elle.

Ryan entendit le bruit émis par sa gorge lorsqu’il déglutit. « Ce n’est pas vrai.

— Oh si, dit-elle, avec un sérieux qui excluait toute affectation. J’étais maigrichonne, gauche, toute en bras et en jambes, et avec ces horribles cheveux rouquins. J’avais l’air d’un garçon. Et puis un jour, brusquement, je n’étais plus la même. Et les hommes me remarquaient, comme si je venais de sortir d’une cachette sous leurs yeux. Les amis de mon père, leurs fils, tout le monde s’exclamait, dis donc, qu’est-ce que tu as changé, tu t’es drôlement épanouie. Mais quand je me regardais dans la glace, je voyais toujours la même fille, trop grande, avec les coudes et les genoux pointus, les dents en avant.