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Il se reçut brutalement sur le bitume, ses chevilles accusant le coup en premier, puis son épaule lorsqu’il s’affaissa sur le côté. Il lâcha un cri, roula sur le ventre, se remit debout en entendant la porte d’entrée s’ouvrir.

Il prit la fuite.

Derrière lui, des pas s’élancèrent sur la route. Il courait en zigzag, tête basse.

« Là-bas ! entendit-il. Attrapez-le ! »

Les pieds martelaient la chaussée. Ryan vira à droite et fonça dans les ombres du pont de chemin de fer.

Plus loin, Holy Cross Avenue, et sa voiture.

Il força sur ses jambes, accélérant aussi la cadence de ses bras. Un regard par-dessus son épaule… Aucun poursuivant.

Il avait presque atteint l’avenue et ses vertes frondaisons.

À nouveau, il entendit les pieds — un seul homme, pensa-t-il — qui avalaient l’asphalte derrière lui. Il les ignora, conserva son allure, traversa Clonliffe Road et déboucha dans l’avenue, la voiture était là, à quelques mètres.

Ryan s’arrêta en dérapage devant la Vauxhall, la clé dans la main. Il ouvrit la portière et sauta à l’intérieur. Il mit le contact, insista jusqu’à ce que le moteur démarre. Devant, une impasse. Il enclencha la marche arrière, écrasa la pédale de l’accélérateur.

L’homme à ses trousses, Wallace, fit un bond de côté, tenta d’agripper la poignée. Ryan s’accrocha au volant en prenant de la vitesse, le cou dévissé pour regarder par la lunette arrière.

Il pila instinctivement quand la camionnette Bedford lui bloqua le passage. Le châssis de la voiture marqua bruyamment l’arrêt.

Déjà, Wallace surgissait, armé d’un Browning qu’il balança dans la vitre. Ryan reçut une pluie de verre brisé et le canon du pistolet vint s’appuyer contre sa tempe.

« Ne bouge pas, connard », dit Wallace.

44

Haughey se passa la langue sur les lèvres tout en lisant la lettre, une ride profonde creusée entre ses sourcils minces. Il émit un petit rire étouffé.

« Ils sont vraiment gonflés », dit-il.

Skorzeny était venu immédiatement. Lundi matin, mais la circulation était fluide, il avait bien roulé. Il dut pourtant attendre près de quarante minutes avant que Haughey n’arrive à son bureau, les paupières lourdes, mal rasé, comme en hâte.

« Ils sont sérieux ? » lâcha le ministre.

Skorzeny réprima un soupir. « Monsieur le ministre, ils ont tué un grand nombre d’hommes pour parvenir à ce point précis de leur plan. Donc, oui, je crois que nous pouvons présumer qu’ils ne plaisantent pas.

— Doux Jésus. » Haughey grogna en secouant la tête. « Ils sont culottés. Un million et demi de dollars, en or. Combien ça fait en livres ? Bon sang, ne me dites pas, vous allez me faire pleurer. »

Skorzeny attrapa la tasse de café sur la table, but une gorgée, reposa la tasse. « C’est une somme considérable. »

Tenant toujours la feuille, Haughey plissa les yeux pour mieux scruter son interlocuteur. « Vous pouvez vraiment disposer d’autant d’argent ?

— Ce n’est pas la question, monsieur le ministre.

— Putain, c’est quoi alors ? » Haughey posa la lettre sur le bureau.

Skorzeny la prit. « Surveillez votre langage, je vous prie. Vous m’offensez.

— Allez vous faire foutre, dit Haughey d’une voix qui s’étranglait dans sa gorge. Vous êtes dans mon bureau. Si ça ne vous plaît pas, cassez-vous. »

Skorzeny sentit les fibres du papier rêches sous ses doigts, le poids de la feuille, l’encre épaisse. Il relut la lettre une énième fois.

SS-Obersturmbannführer Skorzeny,

Vous avez vu notre travail. Vous avez vu ce que nous sommes capables de faire. Vous avez vu que nous pouvons vous atteindre.

Le prix de votre vie est de 1 500 000 dollars en lingots d’or de un kilo, livrés par caisses de quinze lingots chacune.

Signalez que vous avez l’intention de vous exécuter en passant une annonce dans l’Irish Times, adressée au Traqueur assidu, dans les cinq jours suivant la date de cette lettre. Si aucune annonce ne paraît, vous mourrez à l’heure et de la manière qu’il nous siéra.

Une fois votre signal émis, les instructions concernant la livraison vous seront communiquées par d’autres moyens.

Votre vie ne tient qu’à un fil, SS-Obersturmbannführer Skorzeny. Ne nous mettez pas au défi. Ne vous enfuyez pas. Nous pouvons vous atteindre aussi bien en Espagne qu’en Argentine. Vous n’êtes en sécurité nulle part sur cette Terre maintenant.

Avec nos respects,

En guise de signature, un gros X était tracé à la main sous le message.

« Alors ? interrogea Haughey en se penchant en avant, les coudes sur le bureau. Vous allez payer ?

— Peut-être. » Skorzeny replia la feuille sur ses marques et la posa sur le bureau à côté de la tasse de café. « Ou peut-être pas.

— Vous n’envisagez pas de refuser, n’est-ce pas ? J’ai tout fait pour vous protéger, mais il y a des limites. Ces gars-là vous prennent pour cible, je n’y peux rien. »

Skorzeny but une autre gorgée de café. « Monsieur le ministre, vous devez bien comprendre que cette lettre change la nature de notre situation. »

Haughey haussa les sourcils, front plissé. « En effet.

— Mais peut-être pas comme vous le pensez. »

Le ministre leva les mains pour avouer son ignorance. « Dites-moi.

— Jusqu’à ce que je reçoive cette lettre, nous pensions avoir affaire à des fanatiques, des illuminés, des hommes attachés à la poursuite d’un idéal perverti. À présent, nous savons qu’ils sont mus par la cupidité. Nous savons que ce sont des voleurs. »

Haughey haussa les épaules. « Et alors ? »

Skorzeny avait prévu que le politicien ne comprendrait pas. Charles J. Haughey parlait d’idées, de rêves, d’objectifs nobles, mais ces mots — comme chez la plupart de ceux qui recherchent le pouvoir — étaient un voile servant à camoufler la vraie nature de l’homme qui s’abritait derrière.

« On ne peut pas raisonner avec un fanatique. » Skorzeny détacha ses mots, lentement, afin que leur sens pénètre dans le crâne de Haughey. « Un illuminé ne se soucie pas de sauver sa peau. On ne peut pas marchander avec lui. On ne peut pas l’acheter. Il obtient ce qu’il veut, ou il meurt, il n’y a pas d’autre issue. Mais on peut marchander avec un voleur. On peut acheter un voleur. Un voleur préfère sa vie à son honneur.

— Vous allez marchander avec eux ? Vous êtes en train de me dire que vous voulez palabrer avec ces gens-là ?

— Non, monsieur le ministre. Ils ont montré leur faiblesse. Je vais la retourner contre eux pour les détruire. »

Le visage de Haughey se figea, perdit toute expression, comme s’il avait enfilé un masque moulé sur ses propres traits.

« Colonel Skorzeny, mon indulgence a des limites. Je ne vous laisserai pas livrer une putain de guerre dans mon pays. Si vous avez l’intention de leur résister, de vous battre avec eux, alors vous feriez mieux de prendre un avion pour Madrid et vous verrez bien si Franco vous accepte. Parce que, moi, vos petites bagarres à la con, c’est niet. »