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- Je ne ferai pas un pas tant que tu ne m'auras pas dit à qui tu l'as fauché.

Il s'arrêta et se retourna.

- Je l'ai emprunté à la maison. Sur l'argent des commissions. T'inquiète. Je rembourserai sans qu'ils s'en aperçoivent.

- Ah bon. Et sur quel argent?

- Bah. On verra bien.

Il se retourna et se remit à marcher, mais elle ne bougeait toujours pas. Il s'en aperçut, se retourna et lui cria:

- Est-ce qu'on reste plantés là à s'engueuler ou bien on essaie de faire quelque chose?

- Combien as-tu pris? lui cria-t-elle.

Il hésita un instant.

- Mille balles.

Elle sortit sa pochette et y préleva un nouveau billet. Puis elle referma la fermeture Éclair et s'avança vers lui.

- Tiens, dit-elle en lui tendant l'argent. Mais si tu recommences, je te préviens que je file. Compris?

Il hocha la tête, l'air étonné, et regarda le billet.

- Je t'ai demandé si tu as compris?

- OUI!

Il lui prit le billet des mains. Elle passa devant lui et le précéda vers la station de taxis.

- C'est de bon cœur.

Au bout d'une dizaine de mètres, elle se retourna. Il n'avait pas bougé.

- Est-ce qu'on reste plantés là à s'engueuler ou bien tu viens?

Il hésita encore un instant puis, à contrecœur, il se mit à courir derrière elle pour la rattraper.

Lorsque le compteur du taxi afficha plus de deux cents couronnes, elle secoua la tête

Prendre un taxi!

Cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas gaspillé son argent de cette façon.

Ils avaient dépassé depuis longtemps Piperskärr et l'asphalte venait de prendre fin brusquement, laissant la place à la terre battue. Ils traversaient tantôt des parties boisées, tantôt des champs, montaient de petites buttes et faisaient des crochets pour éviter des gros rochers et des petits bois.

Ils n'échangèrent pas un seul mot pendant toute la durée du trajet. Heureusement, le chauffeur était du genre taciturne et Patrik avait totalement perdu la parole après le récent incident.

Elle se sentit un peu mieux. Elle avait repris le commandement des opérations.

Ils passèrent devant un hangar à bateaux vide, puis un parking sur lequel des embarcations tirées au sec attendaient l'arrivée du printemps, recouvertes de bâches et de housses en plastique. Puis ils pénétrèrent à nouveau dans la forêt et, au bout d'environ un kilomètre, le paysage s'ouvrit en direction de l'eau, sur leur gauche. À l'ouest, le soleil était en train de disparaître et coloriait le ciel en rose.

- C'est à la ferme que vous allez?

Le chauffeur désigna de la tête un groupe de maisons. Sibylla regarda Patrik qui, lui, observait le paysage par la fenêtre. Il était clair qu'il n'avait pas l'intention de lui apporter la moindre aide. Elle se pencha vers le conducteur du taxi.

- Je ne sais pas exactement. Nous allons voir Gunvor Strömberg. Il paraît qu'elle a une maison de campagne ici.

- Je ne sais pas, moi, maugréa-t-il. Vous n'avez pas d'adresse plus précise?

Il franchit lentement les piliers d'entrée d'une propriété et, après un brusque virage vers la droite, une petite maison rouge apparut. Le compteur affichait 260 couronnes.

Sibylla avala sa salive et préleva un nouveau billet sur sa réserve. Patrik l'observait du coin de l'œil, mais elle ne croisa pas son regard.

- Arrêtez-vous ici.

Le chauffeur se rangea de son mieux et ils descendirent de voiture. Il la laissa prendre elle-même son sac à dos dans le coffre. Elle n'avait pas cru bon de laisser de pourboire.

La voiture alla faire demi-tour un peu plus loin. Quand elle disparut derrière le virage, Sibylla s'avisa qu'ils n'avaient rien prévu pour le retour. Elle poussa un soupir, hissa le sac sur ses épaules et se retourna. Devant eux se trouvait une barrière, assez large pour laisser passer une voiture, et l'une des bornes portait une boîte aux lettres verte en métal.

Strömberg.

Elle se retourna et regarda Patrik.

- C'est là. Au bord de l'eau.

- Ahah, fit-il.

- Tu vas continuer longtemps à me faire la tête?

Il ne répondit pas mais avança vers elle.

Une fois la barrière franchie, l'allée descendait et, au bout de quelques mètres, ils virent le toit et l'arrière d'une maison. Ils en étaient séparés par un gros buisson, dont ils durent faire le tour. Sibylla marchait en tête et Patrik derrière. Une fois le buisson contourné, ils se retrouvèrent au bord de l'eau. Devant eux, un ponton s'avançait dans l'eau.

La vue était magnifique. Comment pouvait-on être assassiné dans un endroit pareil?

- Vous désirez?

Sibylla se retourna rapidement et vit une femme, un peu au-dessus d'eux, sous le balcon de la maison dont ils avaient vu l'arrière.

Elle chercha quelque chose d'intelligent à dire. Patrik ne comptait pas s'en mêler, elle le vit sur son visage quand elle se tourna vers lui. Cette fois, il lui faudrait se débrouiller seule.

La femme posa le râteau qu'elle tenait à la main et avança vers eux. Patrik, lui, se dirigea vers le ponton. Sibylla avala sa salive et fit quelques pas vers la femme. Elle avait dans les soixante-cinq ans et boitait un peu. Elle resta un instant sans rien dire, tandis que Sibylla sentait son cœur battre la chamade.

- Vous êtes intéressés par l'achat de la maison?

Magnifique.

- Oui, c'est ça.

Sibylla eut un sourire de gratitude. Bien sûr qu'ils voulaient acheter la maison.

- Ah bon, dit la femme avec un sourire. Excusez-moi d'être méfiante, mais il y a tellement de curieux qui viennent rôder par ici.

Elle se racla la gorge, puis il y eut un instant de silence.

- Vous avez de la chance de me trouver. L'agence ne m'a pas prévenue.

- Non, nous passions par hasard.

La femme ôta ses gants de jardin et lui tendit la main.

- Gunvor. Gunvor Strömberg.

Sibylla hésita un moment avant de répondre:

- Margareta Lundgren.

Elle prit la main de la femme. Celle-ci était moite, après le temps passé dans le gant en caoutchouc.

- C'est votre fils, je suppose?

Sibylla suivit son regard et vit le dos de Patrik.

- Oui, se hâta-t-elle de répondre. C'est ça.

Patrik s'était mis à faire des ricochets. Sibylla, elle, avait le cœur qui battait. Elle se demandait à quel point elle avait pu le vexer pour qu'il se comporte de la sorte. Peut-être allait-il même tenter de lui faire payer cela?

- Ce ponton ne nous appartient pas, mais nous avons un droit d'usage, c'est marqué dans l'acte de propriété. Mais, le plus souvent, on était seuls à s'en servir.

Elle se tut et regarda vers le large. Puis elle reprit ses esprits.

- Je suppose que vous voulez voir l'intérieur?

- Eh bien oui, merci, répondit Sibylla avec un sourire.

- Et lui, ça l'intéresse? demanda-t-elle en montrant de la tête Patrik, toujours en train de jeter des pierres.

- Patrik, est-ce que tu veux voir l'intérieur de la maison? cria-t-elle.

Il ne se pressa pas et jeta une nouvelle pierre avant de se retourner. Gunvor Strömberg regarda Sibylla avec un sourire.

- C'est l'âge difficile. Je sais ce que c'est. On n'y peut rien, malheureusement.

Sibylla s'efforça de montrer, en souriant, qu'elle partageait cette opinion. Mais en se disant intérieurement que, âge difficile ou pas, il allait en entendre parler, après.

La femme remonta l'allée et Sibylla attendit Patrik, qui arrivait sans se presser. Quand il fut à sa hauteur, elle lui siffla à l'oreille:

- Arrête de faire l'imbécile. Elle croit qu'on veut acheter la maison.

Il la regarda en haussant les sourcils.

- Eh bien, achète-la. Puisque t'as de l'argent.

Il passa alors devant elle.

C'était étrange. C'était la deuxième fois en l'espace d'une semaine que deux personnes étaient déçues de constater qu'elle avait de l'argent. Comment était-ce possible?