Выбрать главу

Ils déroulèrent le film de la seconde boîte. Tout de suite Malko trouva la vingt-cinquième image. Cette fois la phrase était : Johnson est un fauteur de guerre.

— Au fond, dit Malko, tout ce que faisaient ces films était de donner le goût du communisme. Le reste venait tout seul.

Les autres étaient convaincus, mais Malko voulut achever sa démonstration.

— Dans le laboratoire que nous avons découvert, des spécialistes découpaient les films normaux avec une patience de fourmi et y inséraient les « messages » invisibles. Cela ne présente aucune difficulté technique. C’est une question de collage. Ils avaient évidemment des complices à K.T.V.U., pour substituer les films et les remettre rapidement. Cela, vous le découvrirez facilement avec ce que nous avons déjà.

« Je peux même vous dire une chose : ces « messages » arrivaient de Prague dissimulés dans des planchettes de bois livrées au cimetière. Cela peut paraître idiot mais ce n’est, à mon avis, qu’une preuve de la centralisation excessive du système communiste. Tout est étroitement cloisonné. Ici, ce n’étaient que des exécutants, donc ils n’avaient pas à fabriquer le matériel. »

Richard Hood fonçait déjà dans le couloir suivi des types du F.B.I. K.T.V.U. allait recevoir de la visite. Malko resta avec Jones et Brabeck.

— Y a pas à dire, vous êtes fort, dit Jones. Moi j’aurais jamais trouvé !

— Je n’ai aucun mérite, dit Malko. J’ai l’impression que si, pour une raison inconnue, cette pièce truquée n’était pas passée dans le public, ces Chinois seraient arrivés à des résultats terrifiants. Avouez que pour déclencher des émeutes avec des bouts de celluloïd, il faut être fort.

— J’en ai mal à la tête, dit Brabeck. J’ai toujours dit que ces types-là étaient dangereux et qu’il fallait les liquider avant qu’ils ne nous liquident.

La conversation s’arrêta là. Suivi de Chris et Milton, Malko sortit de l’immeuble de la police. L’immeuble était vieux et sale, construit au début du siècle, noirci de fumée et de poussière. Ici, dans la basse ville, on ne voyait ni la Golden Gate, ni la Baie. Malko en eut le cafard. Il aurait donné n’importe quoi pour se trouver dans son château, au fond de l’Autriche, entouré de jolies femmes et d’hommes de bien. Il se jura d’y arriver le plus vite possible.

CHAPITRE XVI

Malko marchait lentement dans le flot animé de passants déambulant dans Market Street. Il sortait de l’immeuble de la Californian Trust Investment, et avait encore dans les oreilles la voix de l’amiral Mills :

— Dites-moi, il y avait un vrai cadavre parmi vos bonshommes. Une fille jeune. Embaumée. C’est celle dont vous m’aviez parlé ?

Malko avait acquiescé et demandé à l’amiral qu’on l’enterre à Washington, aux frais de la C.I.A. C’était la moindre des choses. Mais il ne lui avait pas dit ce qu’il éprouvait.

Pour le reste l’amiral ne tarissait pas d’éloges. Les treize Chinois avaient commencé à se mettre à table. Trois d’entre eux travaillaient à la K.T.V.U. et s’étaient enfuis sur l’ordre des jumelles. C’est eux qui opéraient la substitution des films. Travaillant à la cinémathèque, cela leur était extrêmement facile. Tous les films passant sur K.T.V.U. disparaissaient ainsi chaque nuit. Ils étaient traités dans le laboratoire souterrain du « Jardin des Multiples Félicités » et remis dans le circuit le lendemain. Malko apprit aussi que l’Opération « Persuasion Invisible » n’était qu’un test. Les Chinois avaient l’intention d’attaquer par la suite toutes les grandes villes à la fois.

Quant à Yang-si, la jumelle survivante, elle avait disparu. Cela n’inquiétait pas l’amiral. Même en fuite elle était grillée.

Plus rien ne retenait Malko à San Francisco. Mais il avait une furieuse envie de ne pas repasser par New York et de se rendre directement en Autriche, passer enfin des vacances dans son château. Pour remonter au Mark Hopkins, il prit un petit tramway à câble, pour 15 cents. C’était délicieusement suranné. Le soleil entrait à flots par la fenêtre de sa chambre, mais il avait le cafard.

Le contact de la mort, après l’excitation de l’action, le déprimait. Il se sentait un peu dans l’état d’esprit d’un homme qui a vaincu un sommet et qui s’aperçoit qu’il faut redescendre. Il n’arrivait pas à chasser le souvenir de Lili Hua.

Le téléphone sonna.

Il faillit ne pas répondre. Excepté ses employeurs, personne ne savait qu’il se trouvait à San Francisco ; il n’avait pas envie de se replonger dans les détails de cette histoire. C’était déjà du passé.

La sonnerie insistait. À regret, il décrocha le récepteur.

— C’est le prince Malko ?

Il y avait une imperceptible moquerie dans la voix féminine. Malko la reconnut immédiatement : c’était celle de Laureen, la jumelle survivante.

— C’est moi, dit Malko.

Un léger picotement parcourut son épigastre. C’était plutôt inattendu comme appel.

— Je savais que c’était vous, reprit la voix. Vous savez qui je suis, moi ?

— Bien sûr, dit Malko gravement.

— Vous avez tué ma sœur, Yang-nam. Je suis Yang-si, ou Laureen, si vous préférez.

— Pourquoi me téléphonez-vous ? demanda Malko.

Il y eut une seconde de silence puis elle dit très calmement :

— Je désire vous rencontrer.

— Moi ? Pour quoi faire ?

— Mon plus cher désir est de vous tuer. Vous avez détruit mon organisation, tué mes collaborateurs et ma sœur. Je n’oserai jamais me présenter devant les camarades du Parti après un pareil échec. De plus, je pense que vous êtes dangereux pour notre cause.

Malko était prodigieusement intéressé.

— Vous étiez donc le chef réel du 5e Tsou à San Francisco ? demanda-t-il.

— Je le suis toujours, dit-elle.

— Puisque vous voulez me tuer, pourquoi ne le faites-vous pas au lieu de me prévenir ?

Elle soupira :

— Parce qu’à cause de vous, je ne peux pas mettre les pieds dans la rue sans qu’on m’arrête. Toute la police de l’État et le F.B.I. sont à mes trousses. Et je n’ai plus personne pour m’aider. Il faut donc que je vous tue moi-même, où je me trouve.

Son assurance fit froid dans le dos à Malko.

— Pourquoi accepterais-je de me rendre à un tel rendez-vous, dit-il. Je n’ai pas spécialement envie de mourir.

— Peut-être pour remplacer notre premier rendez-vous « saboté ». Je vous ai étudié. Vous n’êtes pas une machine, vous êtes un homme. Et je vous plais.

— Vous me plaisiez, rectifia Malko. Et je tiens trop à la vie pour l’échanger contre d’agréables moments en votre compagnie. À propos, comment voulez-vous me tuer ?

Elle rit.

— Laissez-moi vous faire la surprise. Mais rassurez-vous, je n’ai pas l’intention de mourir avec vous. Moi aussi j’aime la vie. Et après vous avoir éliminé, je pourrai revenir devant mes chefs.

Tant de candeur était touchante.

— Mais enfin, dit Malko, agacé par son assurance. Je n’ai pas envie, moi, de vous rencontrer. Pourquoi le ferais-je ?

— Si je n’arrive pas à vous tuer, vous me capturerez. Vivante. On vous donnera beaucoup de dollars pour cela. S.A.S. Et vous-même, vous aurez mis le point final à votre brillante action. Cela ne vaut-il pas la peine de courir quelques risques ? Après tout, je ne suis qu’une faible femme…