Выбрать главу

– Oui… je… Excusez-moi, Professeur. Là, j'en ai un autre! Nous faisons un véritable carnage. Mon camarade de droite se roule sur le sol, si j'ose dire, aux prises avec un monstre. Il le taillade à coups de glaive. Je distingue mal les autres. Je suis attaqué… Vous entendez le frottement des anneaux sur mon scaphandre… Je frappe…

– Courage, mon vieux, continuez. Je passe la parole au groupe III. Chef de groupe III, j'écoute.

– Ici chef de groupe III! Nous sommes obligés de reculer sous leur poussée. Ils sont innombrables, par ici; des débris de leurs cadavres passent à côté de nous, poussés par le courant lymphatique. Je… Professeur! Une bonne nouvelle: les leucocytes ne fuient plus. Ils s'amassent autour des débris, les englobent… Oui, c'est ça, on voit des tronçons à demi digérés dans leurs vacuoles. Oh, mais… mais oui! Les leucocytes attaquent, ils se collent à dix ou vingt à la fois sur les trichocystes, paralysant leurs mouvements; ils attaquent même des trichocystes non blessés, Professeur! Un anticorps a dû se former dans le plasma environnant. Les trichocystes reculent, maintenant. Les leucocytes font un travail magnifique. Il en arrive toujours, de partout. On les voit passer entre les cellules de la cloison; ils rampent de tous côtés. Un trichocyste arrive vers moi, il s'agite en tous sens pour se débarrasser d'un leucocyte attaché à lui.

Je le frappe… il… Aïe! J'ai blessé le leucocyte…

– Ca va bien, mon petit. Laissez-les se débrouiller maintenant. Je crois que nous tenons le bon bout. Ramenez vos camarades à la cabine. Groupe I, où en êtes-vous?

– Nous n'avons plus assez de liberté de mouvements à cause de l'abondance de leucocytes, ils attaquent…

– Je sais, je sais. Regagnez votre cabine. Groupe II?

– Même situation, Professeur.

– Rentrez aussi. Groupes IV et V?

– Même chose, Professeur.

– Rentrez!

Kam jeta un regard sur l'écran.

– Groupe V, où allez-vous vous fourrer? Vous vous trompez de direction.

– Je crois que nous sommes perdus, Professeur. Le réseau capillaire est un véritable labyrinthe.

– Je vais vous guider. Revenez sur vos pas… A votre droite, maintenant…

Sur l'écran, un brillant pointillé dont chaque élément représentait un homme revenait lentement vers les ganglions iliaques. Les autres groupes étaient déjà rassemblée dans leurs cabines respectives.

– Non, groupe V, non. Pas par là. Revenez! Stop! Vous avez certainement des ramifications à votre gauche, vous alliez trop haut.

– En effet, Professeur. Nous corrigeons.

– Allez-y, maintenant! Suivez le courant. Vous y êtes. Vous trouvez le canal afférent?

– Le voilà, Professeur, tout va bien! Oh, je vois un trichocyste. Je… Bon sang, Professeur, il m'a culbuté. Je suis sorti du capillaire! Il me suit. Je suis empêtré dans une fibre élastique… Il m'a chargé de nouveau, il me coince, contre un vaisseau sanguin. Je n'ai pas assez de place pour frapper. Il me pousse, je…

Le point brillant parut aller beaucoup plus vite.

– Bon sang, qu'est-ce que vous faites?

– Il m'a précipité dans le vaisseau sanguin.

– Retenez-vous, bon sang.

– Je… je ne peux pas, le sang m'entraîne. Je débouche dans une grosse veine.

– Vous êtes dans l'iliaque externe, malheureux. Ne perdez pas votre sang-froid, laissez-vous aller, maintenant c'est ce que vous avez de mieux à faire. Vous voilà dans la veine Porte.

CHAPITRE XVII

Le chef du groupe V tournoyait dans le courant de plasma, heurté au passage par des dizaines de globules rouges. Il eut la présence d'esprit de serrer son glaive contre lui pour ne rien détériorer.

– Professeur, dit-il, je suis dans un labyrinthe de veines. Par transparence, je distingue des espèces de tuyaux verdâtres.

– Ce sont des canalicules biliaires, mon vieux, dit la voix du professeur dans les écouteurs. Vous êtes dans le foie. Laissez-vous toujours emporter. Vous sortez maintenant.

– Je vais très vite, ça me donne le vertige.

– Je vous crois, vous montez dans la veine cave. Faites très attention, vous allez arriver au cœur.

L'homme se sentit aspiré dans un gouffre. Il eut l'impression de tomber dans une immense caverne, étendit les bras et se raccrocha désespérément à une espèce de pilier souple. Agrippé, il tenta de résister au ressac qui le secouait durement toutes les secondes. La voix du professeur, comme venue d'un autre monde, lui vrilla les tympans.

– Qu'est-ce que vous fabriquez?

Essoufflé, il répondit

– Je n'en peux plus, Professeur, je me retiens à ce machin.

– Lâchez ça, sacrénom! Ce doit être une fibre de la triculpide. Vous allez gêner les pulsations.

Il obéit et fut violemment chassé hors de l'organe dans un tunnel majestueux. Il passa à toute vitesse dans un embranchement vers la droite. Le courant ralentit de plus en plus, il se retrouva dans un capillaire et déploya tous ses efforts pour y rester. Il réussit à résister au flux de plasma et passa entre deux cellules de la cloison qu'il écarta de force comme deux plaques de caoutchouc. Mais les deux cellules se refermèrent sur lui, le serrant à la taille. Étourdi, il resta dans cette position.

Quand il eut un peu repris ses esprits, il s'étonna de ne plus entendre la voix rassurante qui le guidait. Il frappa son casque: peine perdue! La radio ne marchait plus. Il examina les alentours. Tandis que le courant sanguin fouettait ses jambes dans le capillaire, la moitié supérieure de son scaphandre, émergeait dans un énorme ballon qui se gonflait et se dégonflait régulièrement dans, un bruit de tempête. De toutes parts, des vaisseaux se ramifiaient. Il remarqua que les globules rouges avaient une teinte beaucoup plus claire et comprit qu'il se trouvait dans un alvéole pulmonaire.

Soudain, une énorme détonation le fit sursauter, puis une autre; une autre encore, Il prêta l'oreille. Quelque chose lui parut familier dans ce bruit, mais quoi

«Écoutez bien? Écoutez bien!»

Pourquoi cette phrase hantait-elle son esprit? Les détonations continuaient. Et tout à coup, il réalisa que le professeur lui parlait en Morse, sans doute en frappant la table d'opération avec un instrument, ce qui provoquait ces véritables coups de canons. Il écouta attentivement, épela des mots… «Laissez-vous aller dans le torrent circulatoire - Laissez-vous aller dans le torrent circulatoire».

Reposé, il recula, repassa entre les deux cellules et fut emporté. Le supplice recommença. Roulé dans le plasma, bousculé par les hématies, pêle-mêle avec quelques leucocytes, il fila à toute vitesse, retomba dans une énorme artère qui obliquait vers la gauche. Impossible de savoir où il était entraîné. Au bout de quelques minutes, il fut jeté de dérivation en dérivation dans un nouveau capillaire. La voix du professeur Kam lui hurla «Stop!» dans les oreilles. Les ingénieurs avaient dû réparer la radio.

– Tâchez de rester où vous êtes, mon vieux. On va aller vous chercher. Je vais ralentir localement le courant sanguin avec un vasoconstricteur. Vous serez plus à l'aise. Le jeune médecin s'agrippa de toutes ses forces à la membrane d'une cellule épithéliale. Renouvelant la méthode d'immobilisation qui lui avait déjà réussi dans l'alvéole pulmonaire, il passa ses bras entre deux cellules.

– Dans quelle région suis-je arrivé, Professeur? questionna-t-il.

– Vous êtes à peu près entre les muscles grand et petit palmaires, à la partie moyenne de l'avant-bras droit. Ne bougez plus.