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— Omnilox vous écoute.

— Je m’appelle Bregg, dis-je, Hal Bregg, et je crois avoir un compte chez vous … alors je voudrais savoir combien … ?

Un craquement sec et une autre voix, plus haute répéta :

— Hal Bregg ?

— Oui.

— Oui a ouvert votre compte ?

— Nacos, la Navigation Cosmique sur ordre de l’Institut Planétologique et de la Commission Cosmique de l’O.N.U., mais ça s’est passé il y a cent vingt-sept ans …

— Vous avez une preuve ?

— Non, seulement un mot de l’Adepte de Luna, fait par le directeur Oswamm …

— C’est suffisant. Etat de votre compte : vingt-six mille quatre cent sept ites.

— Ites ?

— Oui. Désirez-vous autre chose ?

— Je voudrais retirer un peu d’ar … c’est-à-dire de ces ites …

— Sous quelle forme ? Voulez-vous peut-être un calster ?

— Qu’est-ce que c’est ? Un chéquier ?

— Non. Vous pourrez payer tout de suite en espèces.

— Ah oui ? D’accord.

— Jusqu’à quelle valeur voulez-vous qu’on vous établisse votre calster ?

— Je ne sais pas … Disons cinq mille …

— Cinq mille. Bien sûr. On vous l’envoie à l’hôtel ?

— Oui. Un instant — j’ai oublié le nom …

— Ce n’est pas celui d’où vous téléphonez ?

— Si, c’est celui-là.

— C’est l'Alcaron. On vous l’envoie tout de suite. Seulement une question encore : est-ce que votre main droite n’a pas changé ?

— Non … pourquoi ?

— Ça va bien. Dans le cas contraire nous aurions dû transformer le calster. Vous allez le recevoir tout de suite.

— Merci, fis-je en raccrochant. Vingt six mille, ça faisait combien ? Je n’en avais pas la moindre idée. Un bourdonnement musical retentit. La radio ? Non, c’était le téléphone. Je décrochai.

— Bregg ?

— Oui, fis-je. Mon cœur battit plus fort, une seule fois.

J’avais reconnu la voix. Comment as-tu su où me trouver ? demandai-je comme elle ne disait rien.

— Par l’infor. Bregg … Hal … écoute, je voulais t’expliquer …

— Il n’y a rien à expliquer, Naïs.

— Tu es fâché. Mais comprends-moi …

— Je ne suis pas fâché.

— Hal, vraiment ! Viens chez moi ce soir. Tu viendras, dis ?

— Non, Naïs. Dis-moi, s’il te plaît — combien c’est vingt et quelques mille ites ?

— Comment ça — combien ? Hal … je t’en prie, il faut que tu viennes !

— Combien … combien de temps on peut vivre avec ça ?

— Aussi longtemps que tu voudras, la vie ne coûte rien. Mais laissons ça, Hal, si tu voulais …

— Attends. Combien dépenses-tu par mois ?

— Ça dépend. Parfois vingt, parfois cinq ou même rien.

— Ah ! bon. Je te remercie.

— Hal ! Ecoute !

— Je t’écoute.

— Ne terminons pas ça comme ça …

— Nous ne terminons rien, car il n’y a rien eu, dis-je. Je te remercie pour tout, Naïs.

Je raccrochai. « La vie ne coûte rien ? » C’est ce qui m’intéressait le plus en ce moment. Est-ce que cela voulait dire que certaines choses, certains services étaient gratuits ?

Le téléphone, encore une fois.

— Bregg, j’écoute ?

— La réception. Monsieur Bregg, Omnilox vient de vous faire livrer le calster. Devons-nous vous l’envoyer ?

— Oui, merci. Allô !

— Oui ?

— Est-ce qu’on paie pour la chambre ?

— Non, Monsieur.

— Rien ?

— Rien, Monsieur.

— Est-ce qu’il y a un restaurant à l’hôtel ?

— Oui, Monsieur, quatre. Désirez-vous votre petit déjeuner dans la chambre ?

— D’accord, mais … est-ce qu’on paie pour la nourriture ?

— Non, Monsieur. Votre calster est déjà chez vous. Le petit déjeuner arrive dans un instant.

Le robot raccrocha avant que j’aie le temps de lui demander où je devais chercher ce calster. Je ne savais même pas à quoi il ressemblait. M’étant levé du bureau qui se recroquevilla aussitôt abandonné, je vis une sorte de pupitre sur le mur juste à côté de la porte ; un petit objet de la taille d’un étui à cigarettes y reposait, enveloppé dans une feuille transparente. L’objet avait une rangée de petites fenêtres où on voyait le nombre 1001010001000. Plus bas, deux petits boutons portaient des chiffres, un et zéro. Surpris, je fixai ces chiffres avant de comprendre que la somme de 5000 y était codée en système binaire. J’appuyai sur le « 1 » et un petit triangle en plastique avec le chiffre « 1 » apparut dans ma main — le nombre initial diminua d’une unité. Ainsi c’était une sorte d’imprimante d’argent, jusqu’à concurrence de la somme indiquée.

Habillé, je sortais déjà quand je me rappelai l’Adapte. Je leur téléphonai et expliquai que je n’avais pas pu trouver leur homme au Terminal.

— Nous commencions à nous inquiéter, répondit une voix féminine, mais dès le matin nous avons su que vous habitiez à l'Alcaron …

« Us savaient où j’étais ! Alors pourquoi ne m’avaient-ils pas trouvé à l’aérogare ? Us l’ont certainement fait exprès : je devais me perdre pour comprendre combien prématurée était ma révolte à Luna. »

— Vous êtes très bien renseignés, fis-je poliment. Pour l’instant je visite la ville. Je reprendrai contact avec vous plus tard.

Je sortis de ma chambre ; des couloirs entiers, argentés et mouvants, se déplaçaient avec les murs — c’était nouveau pour moi. Je descendis un escalier mécanique, je vis successivement des bars sur les étages : un vert, comme un sous-marin, puis chaque étage avait sa couleur dominante — or, argent, je commençais à en avoir assez. Au bout d’une seule journée !

« Intéressant que ça puisse leur plaire. Des goûts bizarres. » Mais je me souvins du Terminal vu la nuit …

Il fallait m’équiper un peu, je sortis dans la rue avec cette résolution. Le temps était encore couvert, mais à travers les nuages clairs et hauts, le soleil savait se faire voir par moments. Ce n’est qu’alors que je vis — du boulevard dont le milieu était occupé par deux rangées d’immenses palmiers aux feuilles roses comme la langue — le panorama de la ville. Les bâtiments étaient groupés en îlots distincts, par endroits une tour-aiguille se perdait dans le ciel, comme une giclée solide d’une hauteur incroyable. Elles devaient mesurer des kilomètres entiers. Je savais — on me l’avait dit encore à Luna — qu’on n’en construisait plus, que la manie des hauteurs avait disparu naturellement tout de suite après la construction de ces tours. C’étaient des monuments d’une époque architecturale révolue, car à part leur grandeur atténuée par leur finesse elles n’avaient rien d’attirant pour l’œil. Les tours ressemblaient à des tuyaux — dorés et brun foncé, noirs et blanc argenté, rayés horizontalement — qui soutiendraient ou accrocheraient des nuages, et les plates-formes d’atterrissage qui en dépassaient, supportées par des travées, rappelaient des rayons d’étagère.

Les nouvelles maisons étaient nettement plus belles. Dépourvues de fenêtres elles étaient tout entières couvertes de décors. Toute la ville se présentait ainsi comme une gigantesque exposition de peintures, une manifestation de la maîtrise des formes et des couleurs. Je ne puis dire que j’aie aimé tout ce qui embellissait ces constructions de vingt ou trente étages, mais pour un type de plus de cent cinquante ans je ne péchais pas par excès de conservatisme. J’eus le plus de plaisir à regarder les maisons séparées en deux par des jardins — ou peut-être des palmeraies. Un effet des plus agréables était obtenu par cet espace vide. Elles semblaient reposer sur des coussins d’air (car les murs de ces jardins aériens étaient en verre). En même temps ces traînées de verdure irrégulière et ébouriffée rompaient la monotonie des murs.