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— Cent vingt ites par mois. Mais si vous acceptez de louer en commun, avec quelqu’un — seulement quarante.

— En commun ?

— Les villas sont très spacieuses, Monsieur. De douze à dix-sept pièces — service automatique, cuisine sur place : locale ou exotique, au choix …

— Oui … oui … Pourquoi pas … D’accord. Je m’appelle Bregg. C’est comment déjà ? … Clavestra ? Est-ce que je paie maintenant ?

— Si vous le désirez.

Je lui tendis le calster. Il apparut, ce que je ne savais pas encore, que moi seul pouvais m’en servir, mais il ne s’étonna même pas de mon ignorance. Je commençais à apprécier de plus en plus les robots. Il me montra comment faire pour qu’un seul jeton marqué à la somme correcte tombe de l’appareil. D’autant diminuait le nombre indiquant l’état du compte dans la fenêtre du calster.

— Quand puis-je y aller ?

— Quand vous voudrez. A tout instant.

— Mais, mais — avec qui dois-je partager cette villa ?

— Avec monsieur et madame Marger.

— Peut-on savoir qui sont ces gens ?

— C’est un jeune couple. C’est tout ce que je peux vous dire.

— Hmm … Et je ne vais pas les déranger ?

— Non, puisque la moitié de la villa étaità louer.Tout l’étage vous appartiendra exclusivement.

— Bon. Comment vais-je m’y rendre ?

— La meilleure solution serait de prendreunhoulder.

— Comment le faire ?

— Je vais vous commander un houlder pour le jour et l’heure de votre choix.

— Je vous appellerai de mon hôtel. Est-ce possible ?

— Bien sûr, Monsieur. Votre location sera à compter de votre arrivée à la villa.

En sortant j’avais déjà un vague plan. « Je vais acheter des livres et des trucs de sport. Le plus important ce sont quand même les livres. Il faudra aussi que je m’abonne à des revues spécialisées : socio, physique … Ils ont dû faire pas mal de choses pendant ce siècle. Ah ! oui, je dois acheter des vêtements. » Mais de nouveau j’en fus empêché. Derrière un coin de rue je vis, à n’en pas croire mes yeux, une auto. Une vraie. Peut-être pas exactement telle que dans mon souvenir — toute la carrosserie était en angles aigus. Néanmoins, c’était une authentique voiture avec des pneumatiques, des portes, une direction — quelques autres autos étaient rangées derrière celle-là. Toute derrière une vitre sur laquelle se détachait une grosse inscription ANTIQUAIRE. J’entrai. Le propriétaire — ou le vendeur — était un humain. « Dommage » pensai-je.

— Est-ce qu’on peut acheter une voiture ?

— Naturellement. Quel genre voulez-vous ?

— Et combien coûtent-elles ?

— Entre quatre et huit cents ites.

La note était salée. Mais il fallait bien payer pour les antiquités.

— Est-ce qu’elles roulent ? demandai-je.

— Et comment. Pas partout, je vous l’accorde, il y a des interdictions locales, mais en général il n’y a pas de problème.

— Et le combustible ? demandai-je prudemment, car je n’avais pas la moindre idée sur ce qui pouvait se trouver sous le capot.

— Là non plus, vous n’aurez pas de problème. Une seule charge vous suffira pour toute la durée d’utilisation de la voiture. En incluant évidemment les parastats.

— Evidemment, enchaînai-je. Je voudrais quelque chose de robuste, de rapide. Pas forcément grand, mais rapide.

— Alors, je vous conseille ce giabile, ou ce modèle-là …

Il me conduisit vers le fond de la grande salle, le long des machines qui brillaient comme neuves.

— Vous comprenez, poursuivait le vendeur, que l’on ne puisse pas les comparer aux gliders, mais l’automobile n’est plus actuellement un mode de transport …

« Et qu’est que c’est, alors ? » voulus-je demander, mais je me tus.

— Bien … fis-je, combien coûte celle-là … ? Je montrai une berline bleu pâle aux phares argentés bien encastrés.

— Quatre cent quatre-vingts ites.

— Je voudrais en disposer à Clavestra, dis-je. J’ai une villa là-bas. Vous pourrez demander l’adresse exacte à l’agence de voyages, à côté, dans cette rue …

— Très bien, monsieur. Nous pouvons vous la livrer par houlder. Ça ne vous coûtera rien du tout.

— Ah ! oui, je dois y aller en houlder …

— Alors, vous voudrez bien nous indiquer seulement la date, nous la livrerons dans votre houlder, c’est ce qu’il y a de plus simple. Mais si vous désirez que …

— Non, non, le rassurai-je, comme vous le proposez, ce sera parfait.

Je réglai la somme — je me débrouillais déjà pas mal avec le calster —, et quittai le magasin rempli d’odeurs de laque et de caoutchouc. Elles me semblèrent exquises …

Pour ce qui était des vêtements, ce fut on ne peut pire. Presque rien de ce que j’avais connu n’existait. J’avais résolu par ailleurs le secret des mystérieuses bouteilles dans le placard Peignoirs de bain à l’hôtel. Non seulement les peignoirs, mais tout : habits, bas, pull-overs et linge — sortait de ces siphons. Je comprenais que ce fût attrayant pour les femmes, car en manipulant plusieurs (parfois plus d’une douzaine) bouteilles vaporisant un liquide qui se solidifiait instantanément en des tissus de différentes factures — lisses ou rugueuses, velours, fourrure ou métal élastique — on créait à chaque reprise des modèles nouveaux, fût-ce pour une seule occasion. Evidemment peu de femmes le faisaient toutes seules, il y avait des salons spécialisés de plaste (ainsi Naïs s’occupait de ça !), mais la mode près-du-corps qui en résultait ne me plaisait guère. Le processus même d'habillage par manipulation de ces bouteilles-siphons me paraissait d’une complexité inutile. Le peu de confection existant n’était point de ma taille, les vêtements les plus grands avaient trois ou quatre tailles de moins que la mienne. En fin de compte je me décidai pour le linge en bouteilles, car je voyais que ma chemise ne ferait pas long feu. Je pouvais naturellement faire venir mes autres vêtements du Prométhée, néanmoins je n’y avais ni costume ni chemises blanches — tout à fait inutiles aux environs de Fomalhaut. Je pris ainsi encore quelques paires de pantalons en simili-treillis, pour travailler dans le jardin, c’étaient les seuls qui eussent des jambes relativement larges et que l’on pût rallonger ; je payai en tout et pour tout un ite, c’était le prix des pantalons. Tout le reste était gratuit. Je demandai à ce qu’on livrât tout cela à l’hôtel et, par curiosité, me laissai convaincre de visiter le salon de modes.

J’y fus accueilli par un type à l’aspect d’un artiste peintre, il me dévisagea attentivement et nous tombâmes d’accord sur le fait que je devais porter des vêtements amples ; je remarquai que je ne l’avais pas séduit. La réciproque était aussi vraie. Finalement, il me plasta en un clin d’œil quelques chandails. Je me tenais debout et lui sautillait autour de moi manœuvrant simultanément quatre flacons. La mousse blanche formée par le liquide surjecté se solidifiait quasi instantanément. Il en résulta des chandails de toutes les couleurs, l’un d’eux avait une large bande rouge sur la poitrine, le dos était noir ; le plus difficile naturellement était la finition du col et des manches. Là, il fallait vraiment être adroit.

Plus riche de cette expérience qui ne m’avait rien coûté, je me retrouvai dans la rue, sous le soleil de midi. Les gliders étaient moins nombreux ; en revanche, au-dessus des toits, planaient davantage de ces machines volantes en forme de cigares. La foule grouillait sur les escalators et les trottoirs roulants, tous étaient pressés, moi seul avais le temps. Je restai près d’une heure à me chauffer au soleil sous un rhododendron dont les feuilles mortes formaient des écailles de bois, puis je revins à l’hôtel. Dans le hall de réception je reçus un rasoir automatique ; en me rasant je remarquai que je devais me pencher légèrement vers le miroir, alors que dans mon souvenir je pouvais auparavant m’y voir normalement. La différence était minime, mais déjà tout à l’heure j’avais remarqué un phénomène bizarre en enlevant ma chemise — elle était plus courte. Comme si elle avait rétréci. Je la fixai attentivement. Les manches et le col n’avaient pas changé. Je l’étalai sur la table. Elle était exactement comme avant, pourtant quand je l’eus mise elle dépassait à peine ma ceinture. Ce n’était pas elle, mais moi qui avais changé. « Je grandis. J’ai grandi. » L’idée était absurde, néanmoins elle m’inquiéta. J’appelai l’infor de l’hôtel et lui demandai l’adresse d’un docteur spécialiste en médecine spatiale. Je préférais rester le plus longtemps possible en dehors de l’Adapte. Après un court instant de silence, tout à fait comme si l’appareil avait hésité, j’entendis l’adresse. Le médecin habitait dans la même rue, juste quelques pâtés de maisons plus loin. J’allai chez lui. Un robot m’introduisit dans une grande pièce sombre. Il n’y avait personne.