« Fils du Svastika, compatriotes, vrais Helders, je vous présente le Commandeur suprême des Fils du Svastika, notre grand et glorieux chef, Feric Jaggar ! »
Ce fut un beau charivari dans le stade. L’immense foule hurlait jusqu’à s’en arracher les cordes vocales et une mer de torches s’agitait follement, pendant que les S.S. du grand Svastika noir exécutaient salut sur salut avec un synchronisme parfait. Lentement, Feric monta les marches et apparut à la tribune dans un terrifiant univers de feu, d’applaudissements et de bras levés. À la vue de cette silhouette de légende dans son uniforme collant noir et chromé, sa cape à svastika rouge flottant majestueusement derrière lui, la Grande Massue de Held gainée suspendue à sa ceinture de cuir cloutée et deux éclairs rouges gravés sur chacune de ses hautes bottes noires, l’enthousiasme de la foule gravit encore un degré dans la frénésie.
Feric tapota l’épaule de Waffing, qui lui cédait la place, et se retrouva seul sur la plate-forme blanche, au centre du grand svastika noir brillant dans l’océan de torches. Il était à présent totalement noyé dans les cris, et les saluts, point de mire sur lequel se concentrait l’esprit des milliers de gens qu’il apercevait autour de lui et de millions d’autres qui guettaient ses paroles dans tout le pays. Le rugissement de la foule était, par son intensité et sa qualité, pareil au légendaire tonnerre ébranlant le ciel des Anciens ; il enveloppait Feric d’une grandeur mythique.
Debout, symbolisant dans l’espace et le temps ce tournant de l’Histoire, son âme au centre d’une mer de feu patriotique, Feric sentit la puissance de sa destinée cosmique couler dans ses veines et le remplir de la volonté raciale du peuple de Heldon. Il était réellement sur le pinacle de la puissance évolutionniste ; ses paroles guideraient le cours de l’évolution humaine vers de nouveaux sommets de pureté raciale, et ce par la seule force de sa propre volonté. De ses lèvres sortirait la voix collective de l’humanité pure. À ce moment précis, il était le Parti, il était la volonté raciale. Il était Heldon.
Au point culminant de l’ovation, Feric étendit le bras pour le salut du Parti, et le silence quasi instantané qui s’établit alors fut presque plus terrifiant que le tumulte qui l’avait précédé. Le souffle du monde entier semblait suspendu dans l’attente de ses paroles.
« Amis Helders, dit-il simplement, l’écho de sa voix dans le stade comblant le silence profond, je suis devant vous aujourd’hui pour annoncer ma candidature au Conseil d’État. Je me présente seul en tant que messager des Fils du Svastika, non pas pour me traiter d’égal à égal avec les dégénérés qui mènent cette farce, mais plutôt pour rejeter ce gang de traîtres et de couards invertébrés dans les égouts de l’Histoire. L’élection d’une majorité à croix gammée au Conseil ne parviendrait pas à sauver l’humanité pure des périls qui la menacent ; même un Conseil composé uniquement de Fils du Svastika n’y suffirait pas. Les défis héroïques appellent des actes héroïques ! »
Posément, afin que son geste n’échappe à personne, Feric posa sa main droite sur la garde de la Grande Massue de Held, se gardant toutefois de dégainer la noble arme.
« Jadis, cette Grande Massue était le sceptre des rois de Heldon ; aujourd’hui, je la porte non pour réclamer un quelconque titre royal mais parce qu’elle est l’instrument de notre volonté raciale. Je prends part à cette élection sordide uniquement pour faire connaître la volonté raciale par mon élection à un siège de conseiller ! Une fois élu, je baserai mon action non point sur les désirs de quelque majorité numérique, non point sur l’allégeance à quelque légalisme mesquin, mais sur le principe de la loyauté constante à la volonté raciale, à la pureté génétique de Heldon, et à la victoire totale de l’humanité sur les mutants et les métis du monde entier ! »
À nouveau, la foule du stade éclata en une ovation prolongée et assourdissante, tandis que les S.S. de la formation en svastika répétaient à plusieurs reprises leur salut avec une perfection admirable et une force fanatique.
La main de Feric abandonna la garde de la Grande Massue et se leva pour demander le silence. Instantanément, un grand calme se fit dans le stade ; Feric crut sentir, pareil à celui-ci, le silence anxieux de millions d’âmes dans les squares publics du pays tout entier, puisqu’en cet instant tout Heldon prenait part à la communion mystique de la volonté raciale.
Parlant sur un ton plus mesuré, Feric dissipa l’attente avec des paroles qui firent vibrer une corde sensible dans la poitrine de tous les Helders. « Aujourd’hui, je demande à chaque homme de Heldon, à chaque patriote, à chaque spécimen du pur génotype humain, à chaque habitant de ce vaste royaume, de se lever pour former un grand corps de héros furieux et de conduire les Fils du Svastika, représentants de notre cause raciale et de la cause de l’évolution, à la victoire finale ! »
Une fois encore, Feric porta sa main droite sur la garde de la Grande Massue de Held. « Je ne mendie pas vos voix comme ces politiciens bourgeois et efféminés ! s’exclama-t-il. Je n’essaie pas non plus de les soutirer par la ruse, comme le font les Universalistes, ces laquais des Dominateurs sous-humains. En tant que personnification de la volonté raciale, j’ai le droit de les exiger ! Plus encore : j’ordonne à chaque vrai fils de Heldon de sortir ce soir dans les rues pour les submerger d’une force invincible ! Mettant à profit votre présence en masse et votre fanatisme patriotique, je vous commande de convaincre tous ceux que vous rencontrerez de la justesse de notre cause, de la toute-puissance de notre volonté, et de la certitude de notre victoire finale ! Si les vermines universalistes montrent leurs visages difformes, écrasez leurs crânes et écrasez leurs corps sous la semelle de vos bottes ! Si des membres d’autres partis protestent, de la voix ou du geste, persuadez ceux qui sont encore capables de raison, et balayez les autres ! Que les forces du Svastika marchent dans Heldon cette nuit et jusqu’à l’aube ! Occupons les rues ! »
À ces mots, Feric dégaina la Grande Massue de Held et la pointa vers le ciel, immense joyau de métal brillant dirigé vers les étoiles ; le pommeau étincelant absorba la lumière des torches rassemblées et projeta les éclairs de cette manifestation tangible de la force raciale en chaque endroit du stade et, via les ondes, dans tout Heldon.
À ce signal, les milliers de Chevaliers et de S.S. entamèrent une marche circulaire en ordre serré autour de l’axe de la tribune, le roulement de tonnerre de leurs bottes à semelles d’acier levées haut se répercutant au-delà du stade dans tout Heldon. Vu d’en haut, le large cercle de flammes semblait pratiquement immobile tandis que le grand svastika noir des S.S. effectuait, telle la roue inexorable du destin, une rotation irrésistible autour de Feric.
Celui-ci avait l’impression d’être le centre du monde, Heldon tournant à ses pieds, la volonté raciale évoluant autour de son être pendant que son discours atteignait un paroxysme explosif.
« Vive Heldon ! hurla-t-il de toutes ses forces physiques et psychiques. Vive le Svastika ! Vive la victoire finale ! »
Debout au centre de la grande croix en mouvement, tel l’épicentre de l’éruption nationale de la volonté raciale, le corps vibrant sous le tonnerre de plusieurs milliers d’individus en marche, Feric se sentit en communication totale avec son peuple, comme si tous les Helders qui se répandaient à présent dans les rues par tout le pays eussent été le prolongement de sa chair, de son être.
Des cent mille gorges, dans le stade, et des millions de nouveaux fanatiques du Svastika qui envahissaient toutes les places publiques du pays, la réponse vint, portée par une seule fantastique voix jaillie de la forêt des bras tendus ; la volonté raciale elle-même éclata dans un rugissement transcendant, secouant de son tonnerre le pays tout entier : vive jaggar ! vive jaggar ! vive jaggar ! »