Comme un troupeau de bœufs paniqués ou de porcs fous de terreur, les pauvres bougres reculèrent frénétiquement, écrasant des dizaines des leurs dans leur lâche désir d’échapper à la colère irrésistible des forces du Svastika. Tandis que la colonne remontait l’avenue Torn, des escadrons de Chevaliers et de S.S. pénétrèrent dans les taudis sordides et en sortirent de louches individus qui s’étaient tenus à l’écart de la mêlée, certainement des Doms ; aussi furent-ils exécutés sur-le-champ. Puis, une fois les habitations débarrassées de leur vermine, on y mit le feu pour faire bonne mesure.
Tandis que la colonne avançait de plus en plus vite vers le Parc des Chênes, la voiture de Feric traversa un couloir de feu et de fumée : les habitations et les taudis malodorants de Borburg se consumaient dans les flammes purificatrices. La rue était jonchée, en plus des ordures habituelles, des corps brisés des Dominateurs et de leurs laquais universalistes. Une silhouette furtive jaillie de l’embrasure d’un immeuble en flammes fut coupée en deux par une rafale de Best.
Tout à coup, l’un des corps qui allait passer sous les roues du véhicule de Feric se dressa d’un bond, s’agrippa à la carrosserie et, pointant une longue dague souillée de sang vers la gorge de Feric, hurla : « Meurs, ordure humaine ! » Incapable de mettre en œuvre le Commandeur d’Acier, Feric empoigna de sa main gauche la gorge du Dom hurlant et serra jusqu’à ce que les yeux de la créature lui sortent de la tête ; puis il renvoya le corps d’où il était venu.
La colonne eut tôt fait d’atteindre la rue Lormer, en bordure du Parc des Chênes. C’était une vaste étendue d’herbe en friche couverte d’un monceau d’immondices. Les miasmes putrides caractéristiques du Borburg régnaient également sur cet espace libre, et le socle de béton du récepteur de télévision publique avait été barbouillé de graffiti obscènes et d’ignobles slogans politiques. Le parc disparaissait sous une multitude composée de la pire racaille ; dix mille crapules pour le moins, armées de bâtons, de couteaux, de massues et d’armes à feu, assoiffées de sang par leurs maîtres invisibles.
Feric agita par trois fois le Commandeur d’Acier au-dessus de sa tête, et à ce signal s’exécuta une manœuvre compliquée, avec une précision et un allant magnifiques. Les S.S. jaillirent de la cabine du vapeur, fers de lance des deux grandes phalanges de Chevaliers, qui avancèrent dans la rue Lormer, chacune dans une direction opposée, poussant la populace devant elles et débarrassant la route de l’ennemi. D’autres Chevaliers remontèrent l’avenue Torm vers la rue Lormer pour faire leur jonction avec les phalanges. Toute la longueur de la rue face au parc se trouva bientôt entièrement occupée par une formation serrée de Chevaliers.
Un bref silence s’appesantit sur la scène, brisé seulement par les crépitements du feu et le vrombissement des moteurs, quand la lâche canaille peuplant le parc se découvrit soudainement confrontée à un véritable mur de héros vêtus de cuir brun. Leur terreur s’exprima dans un énorme gémissement collectif. Puis, à un second signal de Feric, le centre de la formation s’ébranla, et les motards S.S., noir et chrome, avancèrent en tête de la ligne des tirailleurs, formant devant les fantassins un bouclier résolu de motos d’acier. Puis la voiture de Feric émergea pour prendre position au centre de cette ligne de héros. Les Chevaliers motorisés et les autres fantassins, sous les ordres de Stag Stopa, firent un large crochet à travers les rues en flammes de Borburg pour atteindre l’autre côté du Parc des Chênes et couper toute retraite.
Feric jeta un regard aux misérables créatures affolées, qui vociféraient sans conviction en brandissant leurs armes dans une piteuse démonstration de fausse bravoure, puis contempla les formations impeccables et les élégants uniformes de ses vigoureux Chevaliers et de son élite de fanatiques S.S., appréciant en connaisseur le magnifique contraste qu’ils formaient avec la racaille qu’ils combattaient. Quel spectacle frappant ce serait là sur les récepteurs de télévision de toutes les places publiques de Heldon !
Feric se dressa dans sa voiture de commandement et, s’appuyant de la main gauche sur le dossier du siège de Best, de la droite il pointa vers les cieux le luisant poing d’acier qui couronnait la Grande Massue. « Vive Heldon ! » hurla-t-il, sa voix de stentor perçant le tumulte. « Mort aux Dominateurs et à leurs esclaves universalistes ! » Il fit décrire un arc majestueux au Commandeur d’Acier, et, dans un terrible rugissement de « Vive Jaggar ! », les forces du Svastika se ruèrent en avant.
La rangée de motos s’enfonça dans les premières lignes de la horde, accompagnée par le feu croisé des escouades de mitrailleurs S.S… Avec de grands cris d’épouvante et de douleur, des centaines de fripouilles aux yeux fous tombèrent, noyées dans leur sang, tandis que l’acier ouvrait les crânes et que les roues écrasaient les membres épars. À travers les interstices de la première ligne de motards, les Chevaliers chargèrent, brandissant leurs massues et faisant tournoyer leurs chaînes, brisant des membres et pulvérisant des crânes, et exploitant la percée faite par les S.S. à moto. Le chauffeur de Feric dirigea la voiture droit au cœur de la bataille. Alors que Best et Remler tiraient de longues rafales dans la populace terrorisée, Feric imprimait au Commandeur d’Acier de grands moulinets ravageurs, brisant des dizaines de têtes, arrachant des dizaines de membres, coupant en deux les torses ennemis, déclenchant à chaque coup une panique indescriptible. Quel extraordinaire spectacle pour les téléspectateurs de Heldon, et quel exemple pour ses hommes !
Après quelques minutes d’un furieux assaut, les rangs des Universalistes étaient en proie à un chaos total et une panique aveugle. Ceux qui se trouvaient au cœur de la mêlée étaient si terrifiés par l’efficacité et la force des troupes du Svastika que la volonté des Doms ne réussissait même plus à maintenir un semblant d’ordre. Ils ne pensaient qu’à s’échapper avant que leur cervelle n’éclabousse le sol, et, dans la frénésie de leur fuite, beaucoup entreprirent la lutte avec ceux qui, derrière eux, continuaient d’être assoiffés de sang par les Dominateurs. Le résultat fut qu’ils abattirent autant de leurs frères que d’hommes du Svastika.
Alors que la voiture de commandement s’enfonçait plus avant dans le parc, elle fut soudain attaquée par deux douzaines d’ennemis armés de bâtons et de longs couteaux, apparemment poussés au sacrifice fanatique par quelque Dom proche. La moitié d’entre eux tombèrent sous les furieuses rafales des mitraillettes de Remler et de Best ; Feric en expédia cinq autres d’une volée du Commandeur d’Acier. Puis il aperçut une créature grise et rébarbative aux yeux noirs et brillants, en arrière des attaquants.
Prenant appui de la main gauche sur le rebord de la carrosserie, Feric se pencha au-dessus des combattants et abattit le pommeau de son arme droit sur le crâne de ce lâche Dom, faisant gicler une fontaine de cervelle grise. Instantanément, les viles créatures universalistes, qui un moment auparavant s’étaient ruées sans peur sur la voiture de commandement, refluèrent dans toutes les directions avec des cris d’épouvante.
Ce que voyant, les fanatiques S.S. concentrèrent leurs attaques sur tous les Doms qu’ils pouvaient reconnaître ; la déroute n’en fut que plus rapide et plus complète. L’issue du combat ne fut jamais douteuse. Les Universalistes, sous l’emprise d’un Dom, avaient beau combattre avec une férocité animale, ils manquaient de volonté et de discipline, sans parler d’un commandement inspiré, pour maintenir au moins un semblant de résistance. Au corps à corps, chaque Chevalier valait au moins dix de ces créatures ; quant aux S.S., leur supériorité en ardeur et en technique guerrière sur la canaille relevait du calcul astronomique.