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« Savants S.S., je salue le couronnement de vos recherches eugéniques ! Généralissime Remler, je salue l’esprit d’abnégation et de fanatisme que vous avez su inspirer à chacun dans les rangs des S.S. ! Peuple de Heldon, je salue votre dévouement total à la cause du Svastika et à ma personne ! Vive Heldon ! Vive le Svastika ! Vive la Race des Maîtres !

— Vive Jaggar ! » rugirent les savants S.S., claquant les talons de leurs hautes bottes de cuir noir et lançant leurs bras dans un fantastique salut du Parti.

Puis ces nobles héros exécutèrent un splendide demi-tour et se mirent au travail sur la première rangée de cuves de porcelaine. Les liquides nutritifs s’écoulèrent des bassins immaculés par les trous de vidange. Les clones blonds et bien découplés furent alors définitivement éveilles à l’aide de chocs galvaniques.

Quelques minutes plus tard, vingt géants blonds aux yeux bleus se tenaient devant leurs cuves, leurs traits éclairés d’une intelligence surhumaine, mais lisses comme du parchemin vierge. La vue de ces magnifiques spécimens fit bondir le cœur de Feric. Leur grande stature et la perfection de leur physionomie étaient surprenantes, et on ne pouvait se méprendre sur la lueur qui brillait dans leurs yeux. Derrière eux, cent quatre-vingts spécimens d’égale perfection attendaient d’être mis au monde, des milliers d’autres dans ce laboratoire-ci, des millions l’année suivante, puis des dizaines de millions dans les années à venir. Au cours de sa vie, Feric verrait chaque pouce de terre habitable investi et occupé par la Race Supérieure de Heldon, les merveilleux clones S.S. Et ensuite…

L’idée qui frappa alors Feric, le submergea de sa magnificence. Face à lui, chaque savant S.S. grand et blond se tenait aux côtés d’un géant nu dont le génotype égalait le sien. Ces savants rayonnants firent alors en silence le salut du Parti.

À la stupéfaction et à la joie sans mélange de Feric, une bonne moitié de ces S.S. éveillés depuis peu imitèrent le geste patriotique de leurs tuteurs avec un enthousiasme puéril et touchant. Peut-être était-il possible de graver dans les gênes eux-mêmes la loyauté au Svastika !

« Aujourd’hui, le monde est finalement et véritablement à nous, Commandeur ! s’écria le bouillant Remler, le visage enflammé d’une indicible extase patriotique.

— En effet, Remler, dit Feric. Et ce n’est qu’un début. Demain, nous conquerrons les étoiles ! »

Jamais une aussi vaste foule ne s’était rassemblée dans un même endroit et au même moment dans l’histoire du monde. Le grand vaisseau spatial, cylindre de métal argenté de soixante mètres de haut, se dressait sur ses ailerons dans la grande plaine du nord-est de Heldon. Une petite plate-forme avait été érigée à bonne distance du puissant propulseur de la fusée ; sur cette plate-forme se tenait Feric, et tout autour d’elle un cercle de clones S.S. grands et blonds en vêtements de cuir noir et luisant aussi parfaits qu’eux-mêmes.

Deux cent mille clones S.S. pareillement blonds et gigantesques, en uniformes noirs et capes écarlates à croix gammée, entouraient en ordre parfait le pilier central du vaisseau, prêts à entamer leur marche circulaire de cérémonie. Derrière cette formation, peut-être un million d’autres clones S.S. sanglés dans leurs cuirs noirs bouchaient tout l’horizon ; au-delà, hors de la vue de Feric, des centaines et des centaines de milliers de Helders de la vieille génération s’étaient rassemblés pour assister de loin au lancement.

Debout devant la grappe de micros disposés sur la plate-forme, Feric vibrait d’une excitation qu’il ne se souvenait pas d’avoir jamais ressentie. Chaque molécule de son corps se mit à frémir d’extase anticipée alors qu’il commençait à parler.

« Aujourd’hui, après avoir conquis la Terre et l’avoir peuplée d’une Race Supérieure de surhommes dont la perfection transcende celle de toute créature jamais engendrée par le grossier processus de l’évolution naturelle, Heldon fait son premier pas vers les étoiles ! »

À ces mots, un incroyable rugissement spontané jaillit de l’immense foule, un son à défier les cieux et faire trembler de joie la Terre sur son axe. Il se mua en un chœur de « Vive Jaggar ! » tel que le monde n’en avait jamais connu, et des millions de bras pompèrent frénétiquement une série de saluts répétés, mouvante forêt d’hommages qui combla le champ de vision de Feric et submergea son âme de bonheur. Il laissa libre cours à cette démonstration pendant deux bonnes minutes avant de lever la main pour ordonner le silence : nul ne pouvait nier que ce peuple magnifique avait largement gagné le droit de manifester sa jubilation.

« Dans ce vaisseau spatial – summum du génie scientifique helder – ont pris place trois cents des meilleurs clones S.S., en état d’animation suspendue. Ils resteront ainsi hors du temps pendant les longues années qu’il faudra au vaisseau pour traverser l’immensité vers Tau Ceti. Une fois sa destination atteinte, un mécanisme automatique posera l’appareil et décongèlera les colons, afin qu’ils s’éveillent et répandent la graine de Heldon sur une nouvelle planète. Trois années encore, et nous lancerons annuellement cinquante fusées, ajoutant cinquante planètes au domaine du pur génotype humain, non pour un an, dix ans, cent ans, mais pour toujours ! L’univers est infini et la Race Supérieure de Heldon se répandra indéfiniment d’étoile en étoile, et notre noble espèce sillonnera les espaces infinis entre les galaxies ! »

Cette fois, la manifestation d’extase fanatique surpassa même la précédente, et il fallut à Feric cinq bonnes minutes pour calmer les chœurs de « Vive Jaggar ! » dont l’incroyable puissance menaçait de faire tomber la fusée de son aire de lancement.

« Mais, amis Helders, j’ai gardé pour la fin la dernière nouvelle glorieuse, reprit-il enfin, incapable de contenir un large sourire. J’ai moi-même confié mes cellules aux cuves. Cette fusée, et toutes celles qui la suivront dans les étendues vierges de l’espace interstellaire au cours des prochains millions d’années, sera commandée par un clone né de ma propre chair et donc mon équivalent génétique, voué par le destin et par son ascendance à être un chef. Ainsi nos colonies n’échoueront-elles jamais, quelle que soit l’hostilité des créatures qu’elles rencontreront sous des astres lointains, car les troupes qui extermineront ces horreurs inhumaines seront la crème des pur-sang S.S., et leurs chefs seront créés à mon image génétique ! Vive Heldon ! Vive le Svastika ! Vive la Race des Maîtres ! Vive la conquête de l’univers ! »

Alors qu’en réponse un chœur tellurique de « Vive Jaggar ! » se répercutait dans chaque molécule de l’air, l’immense anneau de S.S. s’ébranla autour de la fusée et de la plate-forme de Feric, projetant haut les talons de leurs bottes ferrées à chaque pas, puis les abattant au sol avec une force littéralement sismique. Ces magnifiques spécimens sanglés de cuir noir marchèrent de plus en plus vite, jetant leurs pieds de plus en plus haut : bientôt, la plate-forme et la fusée furent entourées par une roue de cuir noir et luisant, et l’univers secoué par le tonnerre des bottes helders.

Puis, comme un seul homme, les deux cent mille S.S. grands et blonds lancèrent leurs bras dans le plus grand salut du Parti que l’Histoire eût connu et les maintinrent dans cette position tandis que les « Vive Jaggar ! » continuaient à jaillir vers les cieux, de millions de gorges ferventes.

Toujours plus vite, les troupes tournèrent autour de Feric, lançant leurs bottes en avant avec toujours plus de vigueur et de force, comme pour crever la voûte céleste avec leurs talons ferrés, tandis que les ovations massives soutenaient le rythme de la marche, rafales de tonnerre qui habitaient et secouaient l’univers, battant à l’unisson du sang dans le crâne de Feric.