Выбрать главу

William Shakespeare

Roméo Et Juliette

Tragédie en cinq actes en vers et en prose (1595)

Traduction de François-Victor Hugo

Personnages

Juliette : Fille de Capulet

Roméo : Fils de Montague

Montague et Capulet : Chefs des deux maisons ennemies

Lady Montague : Femme de Montague

Lady Capulet : Femme de Capulet

La nourrice : Nourrice de Juliette

Mercutio : Parent du Prince et ami de Roméo

Benvolio : Neveu de Montague et ami de Roméo

Tybalt : Neveu de Lady Capulet

Frère Laurence : Moine franciscain

Samson et Grégoire : Valets de Capulet

Balthazar : Page de Roméo

Abraham : Valet de Montague

Pierre : valet de la nourrice

Pâris : Jeune seigneur

Escalus : Prince de Vérone

Un vieillard : Oncle de Capulet

Frère Jean : Religieux franciscain

L’apothicaire

PROLOGUE

Le Chœur

Deux familles, égales en noblesse,

Dans la belle Vérone, où nous plaçons notre scène,

Sont entraînées par d'anciennes rancunes à des rixes nouvelles

Où le sang des citoyens souille les mains des citoyens.

Des entrailles prédestinées de ces deux ennemies

A pris naissance, sous des étoiles contraires, un couple d'amoureux

Dont la ruine néfaste et lamentable

Doit ensevelir dans leur tombe l'animosité de leurs parents.

Les terribles péripéties de leur fatal amour

Et les effets de la rage obstinée de ces familles,

Que peut seule apaiser la mort de leurs enfants,

Vont en deux heures être exposés sur notre scène.

Si vous daignez nous écouter patiemment,

Notre zèle s'efforcera de corriger notre insuffisance.

ACTE PREMIER

SCÈNE PREMIÈRE

Vérone. – Une place publique.
Entrent Samson et Grégoire, armés d'épées et de boucliers.

Samson. – Grégoire, sur ma parole, nous ne supporterons pas leurs brocards.

Grégoire. – Non, nous ne sommes pas gens à porter le brocart.

Samson. – Je veux dire que, s'ils nous mettent en colère, nous allongeons le couteau.

Grégoire. – Oui, mais prends garde qu'on ne t'allonge le cou tôt ou tard.

Samson. – Je frappe vite quand on m'émeut.

Grégoire. – Mais tu es lent à t'émouvoir.

Samson. – Un chien de la maison de Montague m'émeut.

Grégoire. – Qui est ému, remue; qui est vaillant, tient ferme; conséquemment, si tu es ému, tu lâches pied.

Samson. – Quand un chien de cette maison-là m'émeut, je tiens ferme. Je suis décidé à prendre le haut du pavé sur tous les Montagues, hommes ou femmes.

Grégoire. – Cela prouve que tu n'es qu'un faible drôle; les faibles s'appuient toujours au mur.

Samson. – C'est vrai; et voilà pourquoi les femmes étant les vases les plus faibles, sont toujours adossées au mur; aussi, quand j'aurai affaire aux Montagues, je repousserai les hommes du mur et j'y adosserai les femmes.

Grégoire. – La querelle ne regarde que nos maîtres et nous, leurs hommes.

Samson. – N'importe! je veux agir en tyran. Quand je me serai battu avec les hommes, je serai cruel avec les femmes. Il n'y aura plus de vierges!

Grégoire. – Tu feras donc sauter toutes leurs têtes?

Samson. – Ou tous leurs pucelages. Comprends la chose comme tu voudras.

Grégoire. – Celles-là comprendront la chose, qui la sentiront.

Samson. – Je la leur ferai sentir tant que je pourrai tenir ferme, et l'on sait que je suis un joli morceau de chair.

Grégoire. – Il est fort heureux que tu ne sois pas poisson; tu aurais fait un pauvre merlan. Tire ton instrument; en voici deux de la maison de Montague. (Ils dégainent.)

Entrent Abraham et Balthazar

Samson. – Voici mon épée nue; cherche-leur querelle; je serai derrière toi.

Grégoire. – Oui, tu te tiendras derrière pour mieux déguerpir.

Samson. – Ne crains rien de moi.

Grégoire. – De toi? Non, Morbleu.

Samson. – Mettons la loi de notre côté et laissons-les commencer.

Grégoire. – Je vais froncer le sourcil en passant près d'eux, et qu'ils le prennent comme ils le voudront.

Samson. – C'est-à-dire Comme ils n'oseront. Je vais mordre mon pouce en les regardant, et ce sera une disgrâce pour eux, s'ils le supportent.

Abraham, à Samson. – Est-ce à notre intention que vous mordez votre pouce, monsieur?

Samson. – Je mords mon pouce, monsieur.

Abraham. – Est-ce à notre intention que vous mordez votre pouce, monsieur?

Samson, bas à Grégoire. – La loi est-elle de notre côté, si je dis oui?

Grégoire, bas à Samson. – Non.

Samson, haut à Abraham. – Non, monsieur ce n'est pas à votre intention que je mords mon pouce, monsieur; mais je mords mon pouce, monsieur.

Grégoire, à Abraham. – Cherchez-vous une querelle, monsieur?

Abraham. – Une querelle, monsieur? Non, monsieur!

Samson. – Si vous en cherchez une, monsieur, je suis votre homme. Je sers un maître aussi bon que le vôtre.

Abraham. – Mais pas meilleur.

Samson. – Soit, monsieur.

Entre, au fond du théâtre, Benvolio; puis, à distance, derrière lui, Tybalt.

Grégoire, à Samson. – Dis meilleur! Voici un parent de notre maître.

Samson, à Abraham. – Si fait, monsieur, meilleur!

Abraham. – Vous en avez menti.

Samson. – Dégainez, si vous êtes hommes! (Tous se mettent en garde.) Grégoire, souviens-toi de ta maîtresse botte!

Benvolio, s'avançant la rapière au poing. – Séparez-vous, imbéciles! rengainez vos épées; vous ne savez pas ce que vous faites. (Il rabat les armes des valets.)

Tybalt, s'élançant, l'épée nue, derrière Benvolio. – Quoi! l'épée à la main, parmi ces marauds sans cœur! Tourne-toi, Benvolio, et fais face à ta mort.

Benvolio, à Tybalt. – Je ne veux ici que maintenir la paix; rengaine ton épée, ou emploie-la, comme moi, à séparer ces hommes.

Tybalt. – Quoi, l'épée à la main, tu parles de paix! Ce mot, je le hais, comme je hais l'enfer, tous les Montagues et toi. À toi, lâche!