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— Et vous n’avez rien vu le long de la côte ?

— Il y a trop de minuscules détails pour qu’une recherche soit possible. J’ai vu une cinquantaine, et même une centaine d’objets dont la dimension pourrait correspondre à celle du bateau. Dès que le soleil sera levé, je pourrai les examiner avec plus de précision. Mais rappelez-vous qu’il fait encore nuit à cet endroit-là.

— Nous apprécions votre aide. Si vous découvrez quelque chose, faites-nous le savoir.

* * *

A Clavius City, le directeur du Comité Touristique prit connaissance de ce rapport avec résignation. Voilà qui réglait les choses : il valait mieux maintenant diffuser la nouvelle. Il n’aurait pas été sage – et il eût probablement été impossible – de garder le secret plus longtemps.

Il appela l’officier du Contrôle du Trafic et lui demanda :

— Avez-vous la liste des passagers ?

— Elle vient d’arriver à l’instant par « téléfax » de Port Roris. La voici.

Il tendit la feuille de papier à Davis en lui demandant :

— Y a-t-il quelqu’un d’important à bord ?

— Tous les touristes sont importants, répondit froidement le directeur, sans lever les yeux.

Mais presque aussitôt il poussa une exclamation.

— Oh ! Mon Dieu !

— Qu’y a-t-il ?

— Le Commodore Hansteen est à bord du Séléné !

— Quoi ? Je ne savais pas qu’il était sur la Lune.

— Nous avions gardé la chose secrète. Nous pensions que ce serait une bonne idée, maintenant qu’il est à la retraite, de l’avoir dans notre conseil d’administration. Avant de se décider, il désirait voir un peu les choses, incognito.

Il y eut un silence tendu tandis que les deux hommes méditaient sur l’ironie de cette situation : un des plus grands héros de l’espace mis en danger, tout comme un touriste ordinaire, par un accident stupide survenu dans cette banlieue de la Terre qu’était la Lune !

— C’est très triste pour le Commodore, dit enfin le Contrôleur du Trafic, mais c’est une bonne chose pour les passagers… S’ils sont encore vivants.

— Oui… Il leur faudra énormément de chance pour s’en tirer, maintenant que l’observatoire de Lagrange II s’est déclaré impuissant.

Davis avait raison sur le premier point, mais pas sur le second, car Tom Lawson avait encore quelques tours dans sa manche.

Et il fallait compter aussi avec le Père Vincent Ferraro, de la Société de Jésus, un savant d’une sorte très différente. Il était dommage que Tom Lawson et lui ne se fussent jamais rencontrés : cela aurait fait un très intéressant feu d’artifice. Le Père Ferraro croyait en Dieu et en l’homme. Lawson ne croyait en rien du tout.

Le prêtre avait commencé sa carrière scientifique comme géophysicien, puis, changeant de monde, il était devenu un sélénophysicien – bien que ce fût là un titre dont il ne faisait usage que dans ses moments de pédanterie. Aucun autre homme n’avait une connaissance plus approfondie que la sienne de l’intérieur de la Lune. Il disposait d’une batterie d’instruments stratégiquement placés sur toute la surface du satellite.

Or ces instruments venaient de lui donner des indications intéressantes. A 19 heures 35 minutes 47 secondes G.M.T. il y avait eu un important séisme dans la zone générale du Golfe de l’Arc-en-ciel. La chose était assez surprenante, car cette zone était habituellement des plus stables, et passait même pour très tranquille sur la paisible Lune.

Le Père Ferraro mit au travail ses computeurs pour déterminer le foyer de la secousse. Il les laissa pour aller déjeuner, et c’est alors qu’un de ses collègues lui apprit ce qui était arrivé au Séléné.

Aucun computeur électronique ne peut rivaliser avec l’esprit humain pour établir des rapports entre des faits apparemment sans liens. Le Père Ferraro n’eut que le temps d’avaler une cuillerée de potage avant d’arriver à une conclusion parfaitement raisonnable mais qui pouvait avoir des conséquences désastreuses.

Chapitre V

— Mesdames et Messieurs, telle est la situation, conclut le Commodore Hansteen. Nous ne sommes pas dans un danger immédiat, et je n’ai pas le moindre doute que nous serons bientôt repérés. En attendant, il nous faut prendre les choses au mieux.

Il fit une pause, tout en examinant rapidement les visages anxieux tournés vers lui.

Déjà il avait noté, parmi les passagers, ceux qui pourraient causer des ennuis : ce petit homme avec un tic nerveux, cette dame au visage acide, couleur de prune, et qui tordait son mouchoir entre ses mains. Peut-être pourraient-ils se neutraliser mutuellement si on les faisait s’asseoir l’un à côté de l’autre.

— Le capitaine Harris et moi-même – c’est lui le maître à bord et je ne suis que son conseiller – avons préparé un plan d’action. La nourriture, qui est des plus simples, sera rationnée, mais elle restera suffisante, d’autant plus que vous n’aurez à vous livrer à aucun effort physique. Nous demanderons à quelques-unes des dames d’aider Miss Wilkins. Elle aura un tas de travail supplémentaire à faire et aura besoin de quelque assistance. Franchement, notre plus grand problème sera de lutter contre l’ennui. A ce propos, certains d’entre vous ont-ils apporté des livres ?

Plusieurs personnes se mirent à fouiller dans les sacs à main et les paniers. Au total, on découvrit tout un assortiment de guides lunaires, un exemplaire d’un best-seller L’Orange et la Pomme, dont le thème était une histoire d’amour entre Nell Gwynn et Sir Isaac Newton, une édition de Shane sortant des Harvard Press avec des annotations par un professeur d’anglais, une introduction au positivisme d’Auguste Comte et un numéro vieux d’une semaine du New York, Times, édition terrestre. Tout cela ne faisait pas une bien grosse bibliothèque, mais en rationnant aussi les lectures, cela pouvait aider à passer les heures à venir.

— Je pense qu’il serait bon de former un Comité des Loisirs pour établir un programme, et d’abord pour décider de la façon dont nous utiliserons ces ouvrages, bien que je ne voie pas bien ce que nous pourrons faire d’Auguste Comte. Et maintenant que vous connaissez notre situation, y a-t-il quelques points sur lesquels vous aimeriez que le capitaine Harris ou moi-même nous vous donnions une explication plus détaillée ?

— Il y a une chose que j’aimerais vous demander, monsieur, fit la même voix britannique qui avait prodigué des compliments à propos du thé. Y a-t-il quelque chance pour que nous puissions remonter à la surface ? Je veux dire, si cette substance qui nous entoure est comme de l’eau, ne remonterons-nous pas tôt ou tard, comme un bouchon ?

Cette question déconcerta le Commodore. Il regarda Pat et lui dit en grimaçant un sourire :

— A vous de répondre. Avez-vous quelque idée sur ce point ?

Pat secoua la tête.

— Je crains bien, dit-il, que nous ne remontions pas de nous-mêmes à la surface. Il est exact que l’air qui est dans notre coque pourrait nous faire flotter, mais la résistance de cette poussière est énorme. Il est possible que nous flottions… dans quelques milliers d’années.

L’Anglais, sembla-t-il, ne se laissa pas aisément décourager.

— J’ai remarqué, dit-il, qu’il y avait un scaphandre dans la valve d’entrée. Quelqu’un pourrait-il sortir et nager jusqu’à la surface ? Ceux qui nous cherchent nous retrouveraient plus facilement.

Le capitaine Harris eut un très léger mouvement de mécontentement. Il était le seul qualifié pour mettre ce scaphandre, qui d’ailleurs n’était là que pour les cas d’urgence.