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— Lequel ?

— La chaleur…

L’Australien, d’un geste de la main, eut l’air de désigner le monde extérieur.

— Nous sommes enveloppés par cette matière, reprit-il, et elle constitue le meilleur des isolants. A la surface, la chaleur engendrée par les machines et par nos corps pouvait se dissiper dans l’espace. Mais maintenant elle reste enfermée. Cela signifie qu’il va faire de plus en plus chaud – jusqu’à ce que nous cuisions.

— Oh ! Mon Dieu ! fit le Commodore. Je n’avais pas pensé à cela. Combien de temps pensez-vous que nous pourrons tenir ?

— Donnez-moi une demi-heure, pour calculer la chose approximativement. A vue de nez, nous ne devons pas pouvoir résister plus d’une journée.

Le Commodore sentit une vague d’impuissance passer sur lui. Il éprouva une horrible nausée au creux de l’estomac, comme la seconde fois où il s’était trouvé en chute libre. (Pas la première, car alors il était sur ses gardes ; mais pour la seconde, il s’était montré trop sûr de lui.)

Si l’estimation du physicien était correcte, tous leurs espoirs étaient balayés. En fait, ils étaient déjà minces, mais s’ils avaient pu disposer d’une semaine, il y avait une petite chance pour que quelque chose pût survenir. Mais avec une seule journée, c’était hors de question. Même si on les découvrait, on n’aurait pas le temps de les sauver.

— Vous pourriez vérifier la température de la cabine, reprit McKenzie. Cela nous donnera une indication.

Hansteen s’approcha du panneau de contrôle et se pencha sur les cadrans et les indicateurs.

— Je crains bien que vous n’ayez raison, dit-il. La température a déjà monté de deux degrés.

— Plus d’un degré à l’heure. C’est bien à peu près ce que j’avais calculé.

Le Commodore se tourna vers Harris qui avait écouté cette discussion avec une crainte grandissante.

— Y a-t-il quelque chose que nous puissions faire pour augmenter le rafraîchissement ? Quelle réserve d’énergie avez-vous dans vos appareils de conditionnement d’air ?

Avant que Harris ait pu répondre, le physicien intervenait.

— Cela ne servirait à rien, dit-il sur un ton légèrement impatient. Tout ce que les appareils de réfrigération peuvent faire consiste à pomper la chaleur dans la cabine et à la faire se dissiper au dehors par radiation. Or c’est exactement ce qu’ils ne peuvent plus faire maintenant que cette poussière nous entoure. Si nous essayons de les faire marcher plus vite, cela ne fera qu’empirer les choses.

Il y eut un pénible silence. Le Commodore le rompit en disant :

— Faites ces calculs, je vous prie, et donnez-moi le résultat dès que vous le pourrez. Mais, pour l’amour de Dieu, que personne d’autre, en dehors de nous trois, ne sache ce qui se passe.

Il se sentit soudain très vieux.

Au début, il s’était presque réjoui de ce commandement qui lui était inopinément échu. Maintenant il semblait bien que cela ne durerait qu’une seule journée…

* * *

A cet instant même – mais personne ne le sut – un des « glisseurs » qui effectuaient des recherches passait juste au-dessus de leurs têtes.

Construit pour la rapidité, l’efficacité et l’économie, et non pour le confort des touristes, ces « glisseurs » ne ressemblaient que fort peu au Séléné. En fait, ils avaient tout l’aspect de traîneaux ouverts avec deux sièges – l’un pour le pilote, l’autre pour un observateur, et tous les deux devaient être revêtus de scaphandres. Ils avaient au-dessus de leur tête un toit léger pour les protéger du soleil. Le tableau de bord était simple. Il y avait à l’arrière un moteur et deux propulseurs en éventails, un coffre pour les outils et l’équipement.

Les « glisseurs », quand ils allaient habituellement exécuter certains travaux, pouvaient emmener derrière eux un et même deux ou trois traîneaux-remorques destinés au matériel. Mais celui qui faisait en ce moment des recherches ne s’était pas encombré de remorques. Il avait déjà parcouru en zigzag plusieurs centaines de kilomètres carrés sur la Mer de la Soif, et il n’avait absolument rien découvert.

Avec son appareil d’inter-communication, le pilote dit à son compagnon :

— Que penses-tu qu’il a pu leur arriver, George ? Je ne crois pas qu’ils soient par ici.

— Et où pourraient-ils être ? Kidnappés par des créatures venues des étoiles ?

— Je serais presque tenté de le croire, répondit le pilote sur un ton à demi sérieux.

Tous les astronautes croyaient que tôt ou tard la race humaine rencontrerait ailleurs des êtres intelligents. Cette rencontre n’était peut-être que pour un très lointain futur, mais en attendant, ces êtres hypothétiques faisaient partie de la mythologie de l’espace, et on rejetait sur eux la responsabilité de ce qui ne pouvait pas être expliqué autrement.

Il était assez facile de croire à leur existence lorsqu’on n’était qu’avec une poignée de compagnons sur quelque monde étrange et hostile où même les rochers et l’air (s’il y avait de l’air) prenaient des apparences fantastiques. Rien ne pouvait être tenu pour certain, et l’expérience de mille générations humaines liées à la Terre devenait inutile.

De même que l’homme primitif avait peuplé les régions inconnues qui l’entourait de dieux et d’esprits, de même l’homo astronauticus regardait pardessus son épaule lorsqu’il se posait sur un monde nouveau, en se demandant qui était déjà là. Pendant quelques siècles l’homme s’était imaginé être le seigneur de l’univers, et il avait enfoui dans son subconscient ses craintes et ses espoirs primitifs. Mais maintenant ceux-ci étaient plus forts que jamais et il y avait pour cela de bonnes raisons, car plus il regardait la face brillante des cieux, plus il se demandait quelle puissance et quelle science inconnues pouvaient s’y cacher.

— Il vaut mieux faire notre rapport à la Base, dit George. Nous avons couvert la zone qui nous était assignée et il ne servirait à rien de recommencer. En tout cas pas avant le lever du soleil, car alors il nous sera possible de mieux voir. Ce maudit clair de Terre me flanque la frousse.

Il mit en marche la radio et donna son indicatif.

— Ici Glisseur II. J’appelle le Contrôle du Trafic.

— Ici Contrôle du Trafic à Port Roris. Avez-vous trouvé quelque chose ?

— Pas la moindre trace. Avez-vous une indication de votre côté ?

— Nous ne pensons pas que le sinistre se soit produit au large. L’Ingénieur en Chef voudrait vous parler.

— Très bien. Passez-le-moi.

— Allô, Glisseur II. Ici Lawrence. L’observatoire Platon vient de nous signaler qu’il y a eu une secousse sismique près des Montagnes Inaccessibles. Cela s’est produit à 19 heures 35, c’est-à-dire à peu de chose près au moment où le Séléné devait se trouver dans le Lac du Cratère. L’observatoire nous suggère qu’il a pu être pris sous une avalanche quelque part dans cette zone. Dirigez-vous donc vers les montagnes et voyez s’il n’y a pas eu quelques récentes chutes de rochers.

— Y a-t-il quelque risque de nouvelles secousses ? demanda le pilote du « glisseur » d’une voix un peu anxieuse.

— Les risques sont très faibles, d’après l’observatoire. Ils disent que maintenant que la pression a cessé, il s’écoulera peut-être mille ans avant qu’une chose semblable se reproduise.

— J’espère qu’ils ont raison. J’appellerai dès que nous serons dans le lac du Cratère, ce qui va demander une vingtaine de minutes.