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— Oui, nous avons fait, il y a deux ans, quelques petits travaux en utilisant l’infrarouge… Nous prenions des spectrogrammes des planètes rouges géantes. Mais, voyez-vous, l’atmosphère de la Lune, bien que quasi nulle, était néanmoins trop gênante pour permettre des observations absolument correctes, et ce travail a été confié à ceux qui sont dans l’espace. Voyez Lagrange.

Ayant appris tout cela, Lawrence s’adressa alors au Contrôle du Trafic pour connaître les horaires des astronefs venant de la Terre et pour constater qu’il avait de la chance.

Mais la démarche qu’il allait faire ensuite impliquait une dépense assez considérable, et seul l’Administrateur en Chef pouvait l’autoriser.

Olsen avait un bon côté : il ne discutait jamais avec les techniciens sur les questions qui étaient de leur ressort. Il écouta très attentivement ce que lui dit Lawrence, puis il alla tout droit au point principal :

— Si la théorie que vous m’exposez est exacte, dit-il, il y a peut-être une chance, après tout, pour que ces gens soient encore vivants.

— Plus qu’une chance, dit Lawrence. A mon avis, c’est même infiniment probable. Nous savons que la mer est peu profonde. Donc ils ne peuvent pas être enfouis sous des couches très épaisses de poussière. La pression sur la coque doit être relativement faible. Elle doit être encore intacte.

— Ainsi donc vous désireriez avoir ce Lawson pour vous aider dans vos recherches ?

Lawrence eut un geste résigné.

— Il est bien la dernière personne que je désire avoir. Mais je crains bien que nous ne puissions pas nous passer de lui.

Chapitre IX

La capitaine de l’astronef-cargo Auriga était furieux. Et son équipage l’était aussi.

Alors qu’ils avaient déjà navigué pendant dix heures depuis la Terre, et qu’ils n’étaient plus qu’à cinq heures de la Lune, ils reçurent l’ordre de faire une halte à Lagrange II, avec tout ce que cela comportait de gaspillage de vitesse et de calculs supplémentaires. Et comme si on avait voulu rendre les choses plus désagréables encore, ils étaient détournés de Clavius City et avaient mission d’aller se poser dans ce misérable petit trou de Port Roris, pratiquement sur l’autre face de la Lune.

Il y eut ce jour-là beaucoup de messages annulant des dîners et des rendez-vous en divers points de l’hémisphère sud.

Le disque d’argent de la Lune, presque totalement éclairé, avec ses chaînes de montagnes orientales parfaitement visibles, formait une stupéfiante toile de fond à Lagrange II tandis que l’Auriga se préparait à faire halte à une centaine de kilomètres de la station, du côté de celle-ci tourné vers la Terre.

Il ne lui était pas permis d’approcher plus près. Les interférences produites par ses appareils et par ses réacteurs auraient gravement contrarié le bon fonctionnement des instruments hyper-sensibles qui se trouvaient sur le satellite artificiel.

On ne pouvait approcher de celui-ci qu’en utilisant de vieilles fusées à propulsion chimique : tout autre mode de locomotion plus moderne était strictement interdit.

Emportant une petite valise de vêtements et une caisse où était son matériel, Tom Lawson pénétra dans le cargo vingt minutes après avoir quitté Lagrange. Le pilote de la fusée-navette avait refusé de se presser davantage malgré l’impatience des gens de l’Auriga.

Le nouveau passager fut accueilli à bord sans aucune chaleur. Il aurait sans doute été reçu d’une façon différente si on avait connu sa mission. L’Administrateur en Chef, toutefois, avait exigé qu’elle fût tenue secrète pour le moment. Il ne voulait pas susciter de faux espoirs parmi les parents des passagers disparus.

Le directeur du Comité Touristique avait demandé, au contraire, que la nouvelle fût aussitôt diffusée, pour bien montrer qu’ils faisaient de leur mieux. Mais Olsen avait déclaré avec fermeté :

— Attendez qu’il y ait un résultat… Alors vous pourrez donner quelque chose à vos amis des agences d’information.

Mais à bord de l’Auriga se trouvait Maurice Spenser, chef de service des Informations Interplanétaires. Il venait de Pékin où il avait travaillé précédemment et il rejoignait son nouveau poste à Clavius City. Il se demandait si pour lui c’était un avancement ou si au contraire on l’avait rétrogradé. Ce serait en tout cas un changement.

A l’inverse des autres passagers, il n’était pas du tout ennuyé par le changement d’itinéraire. Ce retard compterait dans son temps de travail, et comme tout vieux journaliste il accueillait avec faveur tout ce qui venait rompre la monotonie d’une tâche routinière.

Il est certainement bizarre, se disait-il, qu’un vaisseau de l’espace accomplissant un service régulier entre la Terre et la Lune perde plusieurs heures et consomme un supplément d’énergie considérable, pour faire une halte à Lagrange, afin d’y prendre un jeune homme au visage peu avenant et son maigre bagage. Pourquoi cette diversion de Clavius City à Port Roris ?

— Il s’agit d’instructions données en haut lieu sur la Terre, disait le capitaine.

Et celui-ci semblait être sincère lorsqu’il affirmait ne pas en savoir davantage.

C’était un mystère, et élucider les mystères faisait partie du métier de Spenser. Il réfléchit sur les motifs de tout cela, et du premier coup il les devina – ou presque.

Il songea aussitôt qu’il y avait quelque chose à tirer de cette histoire de bateau perdu qui faisait déjà tant de bruit au moment où il avait quitté la Terre. Ce savant de Lagrange II devait avoir quelques lumières sur ce sujet, ou en tout cas être appelé à participer aux recherches. Mais pourquoi tout ce secret ? Peut-être y avait-il là-dessous quelque scandale ou quelque faute que l’administration de la Lune essayait de cacher.

Au fond, Spenser ne découvrit pas tout à fait la simple et véritable raison.

Il évita d’engager la conversation avec Lawson pendant le reste du voyage qui fut rapide. Il nota avec amusement que les quelques passagers qui tentaient de parler au savant se heurtaient à de promptes rebuffades.

Spenser attendait son moment, et ce moment vint trente minutes avant l’atterrissage.

Ce n’était pas par hasard qu’il se trouvait assis à côté de Lawson quand la consigne fut passée d’ajuster les ceintures des fauteuils en vue de la décélération.

Avec les quinze autres passagers, il se trouvait dans la petite cabine obscure, contemplant la Lune qui approchait rapidement. Projetée sur un écran par un objectif qui se trouvait en dehors de la coque, l’image semblait encore plus intense et brillante qu’au naturel. C’était un peu comme s’ils se trouvaient dans un vieux cinéma à l’ancienne mode. Mais ce moyen de voir était beaucoup plus sûr que s’ils avaient eu une vision directe à travers un hublot d’observation. Les constructeurs d’astronefs avaient toujours lutté bec et ongles contre de tels dispositifs.

Le tragique paysage qui s’étalait sous leurs yeux était impressionnant et inoubliable. Pourtant Spenser ne lui accordait qu’une faible partie de son attention. Il observait l’homme qui était assis à côté de lui, son nez aquilin, ses traits ingrats, à peine éclairés par la lumière de l’écran.

— N’est-ce pas dans cette région que nous voyons, demanda le reporter de sa voix la plus neutre, que s’est perdu ce bateau de touristes ?

— Si, fit l’autre après un assez long moment.

— Je ne connais rien à la Lune… Avez-vous une idée du point où l’on pense que ça s’est produit ?…

Même l’homme le plus taciturne – et c’était une constatation que Spenser avait faite depuis longtemps – ne résiste guère au désir de vous donner un renseignement si, en lui posant une question, vous avez l’air de lui demander une faveur, et si vous lui donnez l’occasion de faire montre d’un savoir supérieur au vôtre. Neuf fois sur dix cette méthode donnait de bons résultats. Elle en donna avec Lawson.