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Peu d’hommes, à cette époque, s’étaient trouvés dans le cas d’avoir à se montrer courageux.

De leur naissance jusqu’à leur mort, ils n’avaient jamais à affronter le danger. Les hommes et les femmes qui se trouvaient dans la cabine du Séléné n’avaient aucun entraînement pour faire face à ce qui les attendait peut-être, et Hansteen ne pourrait pas indéfiniment occuper leur esprit avec des jeux et autres distractions.

Il calcula que d’ici douze heures, les premières défaillances allaient se produire. A ce moment-là, il semblerait clair à tout le monde que les équipes de secours qui les recherchaient se heurtaient à de sérieuses difficultés, et que si malgré tout elles finissaient par découvrir le bateau, ce serait peut-être trop tard.

Le Commodore Hansteen jeta un rapide coup d’œil autour de la cabine. En dehors de leurs vêtements légers et du fait qu’ils n’avaient guère pu se livrer à des soins de toilette, ceux qui étaient là gardaient tous l’allure de gens raisonnables, en possession de leur sang-froid.

Quel serait le premier à perdre la tête ?

Chapitre X

Le docteur Tom Lawson, ainsi que l’Ingénieur en Chef Lawrence en fut rapidement convaincu, était une exception au vieux dicton : « Tout savoir, c’est tout pardonner. »

La science que l’astronome avait accumulée en lui, au cours d’une jeunesse sans amour, passée dans une morne institution, il l’avait acquise – réussissant ainsi à échapper au sort que lui réservait son origine – par des prodiges d’intelligence et de persévérance, mais au détriment de certaines autres qualités humaines. Tout cela aidait à mieux le comprendre, sinon à l’aimer davantage.

C’était une malchance, pensait Lawrence, qu’il fût le seul savant, dans un rayon de trois cent mille kilomètres, à avoir un détecteur à infrarouge et à savoir s’en servir.

L’astronome était maintenant assis sur le siège d’observation de Glisseur II, apportant les derniers ajustements au grossier mais efficace dispositif qu’il avait aménagé. Un trépied de caméra avait été fixé sur le toit de l’esquif et le détecteur avait été monté sur ce trépied de façon à pouvoir se mouvoir dans toutes les directions.

Il semblait fonctionner, mais il était difficile de l’affirmer avec certitude dans ce petit hangar pressurisé où il y avait dans tous les coins des sources de chaleur. Le seul test valable serait celui qui serait fait dans la Mer de la Soif.

— Tout est prêt, dit bientôt Lawson à l’Ingénieur en Chef. Mais je voudrais dire un mot à l’homme qui va s’en servir.

Lawrence le regarda pensivement. Il semblait hésiter. Il y avait de très forts arguments pour et contre ce qu’il envisageait. Mais il ne fallait pas que ses sentiments personnels influent sur la décision qu’il allait prendre. Le problème était trop important pour cela.

— Vous savez porter un scaphandre, n’est-ce pas ? demanda-t-il brusquement à Lawson.

— Je n’en ai jamais porté de ma vie. Sur Lagrange II, on ne s’en sert que quand il est nécessaire de faire un travail à l’extérieur, et nous laissons cela aux ingénieurs.

— Eh bien, je vais vous donner une occasion d’apprendre, dit Lawrence, en feignant d’ignorer le geste de refus de Lawson. (Si toutefois c’était un geste de refus : la plupart des attitudes rogues de l’astronome, pensa l’ingénieur, n’étaient peut-être qu’indifférence envers les bonnes manières plutôt que franche hostilité). Ce n’est pas très compliqué quand vous voyagez dans un « glisseur ». Vous n’avez qu’à rester assis dans le siège de l’observateur, et l’auto-régulateur prendra soin de l’oxygène, de la température et du reste. Il n’y a qu’un seul problème…

— Qui est ?

— Êtes-vous sujet à des malaises quand vous êtes enfermé dans un espace étroit ?

Tom hésita. Il n’aimait pas avouer ses faiblesses. Il avait naturellement passé les tests pour pouvoir séjourner dans l’espace, et il soupçonnait – à juste raison d’ailleurs – qu’il avait eu des notes assez basses après certaines épreuves. Il ne souffrait évidemment pas de claustrophobie aiguë, sans quoi il n’aurait jamais pu monter dans un astronef. Mais il y avait une grosse différence entre un astronef et un scaphandre.

— Je pourrai faire ce que vous me demandez, dit-il finalement.

— N’essayez pas de nous faire croire que vous le pourrez si vous ne le pouvez pas, insista Lawrence. Je pense qu’il serait bon que vous veniez avec nous. Mais je ne veux pas vous pousser dans la voie d’un héroïsme mal placé. Tout ce que je vous demande, c’est que vous preniez raisonnablement votre décision avant que nous quittions ce hangar. Ensuite, quand nous serons à vingt kilomètres en mer, il serait un peu tard pour que vous ayez des arrière-pensées.

Tom regarda le « glisseur » et se mordit la lèvre. L’idée de naviguer sur ce frêle engin à travers cette infernale mer de poussière lui semblait folle. Mais ces hommes le faisaient tous les jours… Et si quelque chose n’allait pas avec le détecteur, il y avait au moins une chance pour que lui, Lawson, pût le remettre en marche.

— Nous avons un scaphandre qui vous ira, lui dit Lawrence. Essayez-le. Cela vous aidera peut-être à prendre votre décision.

Tom dut lutter pour se glisser dans ce vêtement à la fois souple et rêche. Il tira sur la fermeture éclair qui bouclait le devant. Il n’avait pas encore mis le casque. Il se sentait passablement ridicule. La bouteille d’oxygène fixée à son harnachement lui parut absurdement petite, et Lawrence nota son regard anxieux.

— Ne vous inquiétez pas, dit-il. Cette bouteille constitue simplement la réserve pour quatre heures.

Vous n’aurez même pas à vous en servir. La réserve principale est sur le « glisseur ». On va vous mettre le casque. Faites attention à votre nez…

Tom put voir, à l’expression de ceux qui l’entouraient, qu’il s’agissait d’un acte important.

Tant que vous n’aviez pas le casque sur la tête, vous faisiez encore partie de l’espèce humaine. Ensuite, vous étiez seul, à l’intérieur d’un minuscule univers mécanique. Même s’il y avait des hommes à quelques centimètres de vous, vous ne pouviez plus les voir qu’à travers une épaisse plaque de matière plastique, vous ne pouviez plus leur parler que par radio. Vous ne pouviez même pas les toucher, sauf à travers une double couche de peau artificielle.

Quelqu’un a écrit un jour que la mort dans un scaphandre était une mort affreusement solitaire. Pour la première fois en cet instant, Tom comprit combien cela devait être vrai.

Soudain il entendit la voix de l’Ingénieur en Chef : elle sortait des petits microphones qui se trouvaient à l’intérieur du casque.

— Le seul appareil dont vous ayez à vous occuper, lui disait Lawrence, est l’appareil d’intercommunication, qui est sur le petit panneau à votre droite. Normalement, vous êtes relié au pilote. Le circuit fonctionnera tant que vous serez tous les deux sur le « glisseur ». Vous pouvez parler tant que vous le voulez. Mais dès que vous coupez cette connexion, il faut vous servir de la radio – comme vous le faites en ce moment avec moi. Pressez sur le bouton de transmission, et parlez.

Tom fit ce que l’autre lui disait, puis il demanda :

— Qu’est-ce que c’est que ce bouton rouge qui a l’air de commander un signal d’alarme ?

— Vous n’aurez pas à vous en servir… du moins je l’espère. Il actionne en cas de péril un signal spécial qui fonctionne jusqu’à ce qu’on vienne vous chercher. Mais ne touchez à aucun de ces appareils qui sont sur le scaphandre, et surtout pas à celui-là. Si vous aviez à les utiliser, nous vous le dirions.