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Mais il estima que toutes ces petites choses-là étaient en rapport étroit avec les conditions de vie sur la Lune.

La lutte contre les forces de la nature était si dure qu’il ne restait aux hommes ni le temps ni l’énergie nécessaires pour enjoliver les choses. Et cela était particulièrement notable dans le contraste qui existait entre la magnifique efficience des techniques et l’espèce de raideur bourrue qui existait dans tous les autres aspects de la vie. Si on se plaignait du téléphone, ou de la tuyauterie, ou de l’air (surtout de l’air) la chose qui clochait était réparée en quelques minutes. Mais si on voulait essayer d’activer le service dans un restaurant ou dans un bar…

— Je sais que vous êtes très fatigué, commença Spenser. Mais j’aimerais vous poser quelques questions. J’espère que cela ne vous ennuie pas que je fasse un enregistrement ?

— Non, dit Tom, qui avait dépassé le stade où l’on se soucie de faire ou de ne pas faire certaines choses.

Il s’était laissé tomber dans un fauteuil et buvait machinalement le verre que Spenser lui avait servi, sans même se rendre compte de ce qu’il avalait.

Le journaliste se mit aussitôt au travail.

— Ici Maurice Spenser, des Informations Interplanétaires. Je suis en compagnie du docteur Tom Lawson qui va vous dire un mot. Eh bien, Docteur, tout ce que nous savons pour le moment est que vous et l’Ingénieur en Chef Lawrence, qui s’occupe de la partie de la Lune faisant face à la Terre, vous avez retrouvé le Séléné et que les gens qui sont à l’intérieur de ce bateau sont vivants et en bonne condition. Peut-être nous direz-vous, sans entrer dans trop de détails techniques, comment vous… Ah ! Sacrebleu !

Spenser rattrapa de justesse, et sans laisser tomber une goutte, le verre que Lawson venait de laisser échapper de sa main.

L’astronome s’était tout simplement endormi…

L’autre le prit délicatement et le porta sur le lit.

A quoi bon grommeler ! C’était la seule chose qui n’avait pas marché selon le plan fixé par le reporter. Et encore pouvait-elle tourner à son avantage. Car personne d’autre ne pourrait trouver Lawson, et encore moins l’interviewer, tant qu’il serait endormi dans cette chambre que l’Hôtel Roris, avec un joli sens de l’humour, appelait un « appartement de luxe. »

* * *

A Clavius City, le directeur du Comité Touristique avait finalement réussi à convaincre tout le monde qu’il n’avait favorisé personne.

Le soulagement qu’il avait éprouvé en apprenant qu’on avait retrouvé le Séléné avait été rapidement ébranlé par une avalanche de coups de téléphone émanant de Reuter, de Time-Space, des Publications Triplanétaires et des Informations Lunaires. Toutes ces agences lui demandaient comment il pouvait se faire que les Informations Interplanétaires aient été les premières à lâcher la nouvelle.

En fait, grâce à l’ingéniosité de Spencer et à la surveillance qu’il avait exercée sur les «glisseurs », cette nouvelle avait été sur les ondes avant même que le bureau central de l’Administration ait été prévenu.

Dès qu’elles eurent compris ce qui s’était réellement passé, et qui fut vite évident, les autres agences virent leurs soupçons se transformer en une franche admiration pour l’habileté et la chance de Spenser. Mais il leur faudrait encore quelques heures pour se rendre compte que celui-ci gardait dans sa large manche un tour encore plus sensationnel.

Le Centre des Communications, à Clavius City, avait déjà vécu bien des moments dramatiques, mais celui-ci était le plus inoubliable.

Tout se passait, ainsi que le pensait Davis, comme si brusquement on s’était mis à entendre des voix venues d’outre-tombe.

Quelques heures plus tôt, ces hommes et ces femmes étaient présumés morts. Et maintenant on les retrouvait, bien vivants et joyeux.

Dans la cabine engloutie, ils étaient pendus au microphone pour envoyer des messages afin de rassurer leurs parents et leurs amis. Grâce à la sonde métallique que Lawrence avait laissée sur place, et qui servait à la fois de point de repère et d’antenne, la couverture de poussière de quinze mètres d’épaisseur n’isolait plus le Séléné du reste de l’humanité.

Les reporters, impatients, durent attendre qu’il y ait une interruption de la transmission des messages familiaux et amicaux pour pouvoir prendre des interviews.

Miss Wilkins se tenait devant le micro. Elle dictait les télégrammes que lui tendaient les passagers. Le bateau devait être plein de gens gribouillant des mots rapides dans les marges des guides touristiques et s’efforçant de faire tenir le maximum de choses dans le minimum de phrases.

Rien de ce qui était ainsi transmis, naturellement, ne pouvait être cité ou reproduit, car il s’agissait d’une correspondance strictement privée, et le chef du service des communications serait entré dans une belle fureur si un reporter avait été assez fou pour l’utiliser !

En fait, les reporters n’auraient même pas dû écouter ce qui se transmettait sur ce circuit, ainsi que le préposé à ces communications le leur avait déjà fait remarquer à maintes reprises avec une indignation croissante.

«… dites à Martha, Jan et Ivy de ne pas se faire du souci pour moi. Je serai bientôt de retour à la maison. Demandez à Tom comment marche son affaire avec Ericson, et faites-le moi savoir dans votre réponse. Avec toute mon affection. George. Fin de message. Avez-vous bien tout pris ? Séléné vous parle. Terminé. »

« Central Lunaire appelle Séléné. Oui, nous avons tout pris correctement et tout va être retransmis sans délai. Nous vous relaierons les réponses dès qu’elles arriveront. Et maintenant nous voudrions parler au capitaine Harris. Terminé. »

Il y eut une brève pause, durant laquelle les bruits, dans la cabine du bateau, purent être nettement entendus, des rumeurs de voix, qui résonnaient curieusement dans cet espace clos, le craquement d’un fauteuil, un « excusez-moi » étouffé. Puis :

— Le capitaine Harris appelle Central Lunaire.

Davis, le directeur du Comité Touristique, prit l’appareil.

— Capitaine Harris, c’est Davis qui vous parle. Je sais que vous avez encore tous des messages que vous voudriez expédier, mais les agences d’informations sont là et leurs représentants sont très impatients de recueillir quelques mots de vous. Avant toute chose, pouvez-vous nous donner une rapide description des conditions de vie à l’intérieur du Séléné ?

— Eh bien, il fait très chaud dans la cabine, et nous ne sommes qu’assez peu vêtus. Mais je ne crois pas que nous ayons le droit de nous plaindre de cette chaleur, car c’est grâce à elle que nous avons été retrouvés. Et de toute façon nous y sommes maintenant habitués.

« L’air que nous respirons est toujours excellent et nous avons suffisamment de nourriture et d’eau, bien que le menu soit… comment dirai-je… un peu monotone. Que désirez-vous savoir encore ?

— Demandez-lui comment est le moral… dit le représentant des Publications Triplanétaires. Demandez-lui s’il n’y a pas quelques signes de tension nerveuse ?

Le directeur du Comité Touristique transmit la question, sous une forme moins directe et un peu plus nuancée. Cette question parut causer quelque embarras à l’autre bout de la ligne.

— Oh ! fit Pat après une brève hésitation, tout le monde s’est très bien comporté. Naturellement nous nous demandons combien de temps il faudra maintenant pour nous tirer de là. Pouvez-vous nous donner quelques indications à ce sujet ?