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— Dites, demande tout de go l’ami Casimir, au fait, qu’est-ce que vous cherchez ?

— Je l’ignore, réponds-je gravement, c’est bien pour cela que cette perquisition est passionnante.

Nous descendons maintenant à la cave. C’est un sous-sol très classique : chaufferie, cave à vin, débarras. Dans la chaufferie, la chaudière est entièrement rouillée et il ne reste presque plus de charbon. Dans la cave à vin nous ne trouvons que des bouteilles vides et des casiers. Le débarras ne renferme que des outils de jardinage aussi rouillés que la chaudière.

Fernaybranca n’a pas l’air content. Il avait une belote prévue au café de la Marine et de la Croix des Vaches réunis et au lieu de ça je le trimbale dans une villa pourrie où tout sent le vieux et la putréfaction. L’illustre collègue de Paname commence à lui courir sur le haricot. Il le goberge, le gave de pieds lacsompems, et en guise de remerciements…

— Vous voilà pas plus avancé, ricane-t-il.

Au moment où il prononce ces mots fatidiques, d’un ton fatigué, un gros rat part entre mes jambes. Ç’a été si fulgurant que je n’ai pas eu le temps de lui filer un coup de savate.

— Oh ! la sale bête ! gronde mon collègue. Mais d’où sortait-il donc !

— De par ici.

Je désigne un trou dans le sol de la cave. Chose étrange, ce trou de rat n’est pas situé au pied d’un mur mais au beau milieu du sol cimenté. Je saisis une tige d’osier qui se trouve là et je l’enfile dans le trou. La tige descend à la verticale d’un bon mètre avant de stopper.

Je me tourne vers Fernay.

Le roi du pastis ne ricane plus. Il est troublé.

— Ça veut dire quoi ? demande-t-il.

— Nous allons voir.

Je fouille parmi les outils et je découvre un pic. Je plante l’extrémité dans le trou à rat et j’exerce une forte pression. Un gros éclat de ciment part sur mon soulier.

— Vous ne remarquez rien, Casimir ? je demande à l’illustre poulardin de la Côte d’Azur.

— Si, répond-il. Sur une certaine surface, le ciment n’est pas pareil.

En soupirant, il se saisit d’une pioche et m’aide à creuser. Au bout de cinq minutes nous tombons la veste, au bout de dix nous remontons les manches, au bout de quinze nous nous crachons dans les mains, et au bout de vingt nous avons fait sauter une croûte de ciment épaisse d’une trentaine de centimètres. Il devient plus aisé d’agrandir le trou. Cette couche de ciment a été coulée par des gens qui n’avaient que des notions très élémentaires de maçonnerie. Trop de sable ! Quand on bille dessus il s’effrite ou fait des éclats. Nous dégageons plus d’un mètre carré de ciment. Nous suons comme au sortir d’un sauna.

— Vous me parlerez du digestif ! rouscaille Fernaybranca.

Nous posons les pics et les pioches pour saisir des pelles. J’ai des ampoules de 200 watts dans les paluches. Mais ça ne fait rien, une force incommensurable m’anime. Je déblaie la terre à tout berzingue, établissant un record pour la région Côte d’Azur où les terrassiers utilisent leurs pelles comme supports.

Une demi-heure d’efforts. Fernaybranca déclare forfait.

— Oh ! bonne mère ! soupire-t-il en s’asseyant sur une caisse, vous m’escagassez complètement, collègue. Du jardinage en cave, c’est la première fois que j’en fais !

Je ne réponds rien car je touche au but. Et ce but c’est un squelette tout tordu auquel adhèrent encore des lambeaux d’une étoffe qui fut une robe.

— Venez voir, Casimir…

Il vient, se penche et siffle.

— Vous pensiez trouver ça ?

— Avant de creuser, non. Je venais because mon sixième sens. Mais mon subconscient devait songer confusément à un truc de ce genre.

— Vous avez une idée sur qui ça peut être ?

— Ben voyons…

Je désigne Casimir et je déclare en me penchant sur le squelette :

— Permettez-moi de vous présenter le Commissaire Casimir Fernaybranca, Mrs Mac Herrel.

CHAPITRE XV

Dans lequel la Vérité sort du puits avec tout ce qu’il faut pour se sécher

Le docteur Grattefigue, malgré son nom qui pourrait sembler comique à d’aucuns, est un homme extrêmement sérieux. Toujours malgré son blaze il n’est pas gynécologue mais spécialiste des affections rhumatismales. C’est un grand type maigre et brun, aussi folichon qu’une photographie en couleurs des établissements Borniol. Il a des lunettes cerclées d’écaille noire et un air soucieux qui trahit soit des déboires conjugaux, soit une crise de foie.

Il s’est rendu sans enthousiasme à notre appel. Penché sur le squelette il hoche la tête :

— Il est absolument certain qu’il s’agit là de mon ancienne cliente. Je reconnais parfaitement sa déformation des membres inférieurs ainsi que sa déviation de la colonne vertébrale. J’ai pris d’elle suffisamment de radiographies (que je possède encore du reste) pour être certain de la chose.

Fernaybranca risque une plaisanterie :

— Avec un peu de patience vous auriez pu vous éviter de tirer ces photos d’intérieur, toubib. La preuve : son squelette, vous l’avez en chair et en os !

Ça ne fait rire personne et surtout pas le praticien que je soupçonne d’être abonné au Figaro Littéraire.

Nous remontons à l’air libre et je demande au toubib de nous accompagner au bistrot voisin afin d’y tenir une conversation de qualité dans un cadre plus approprié que cette cave-cimetière. Il se fait un peu tirer le lobe, mais finit par accepter.

Devant un grand verre d’eau minérale, il répond à mes questions.

— Vous êtes pratiquement la seule personne à Nice qui ait bien connu Daphné Mac Gregor, docteur, quel genre de femme était-ce ?

— Elle souffrait beaucoup. Son caractère était aussi biscornu que ses jambes ! De plus, son atavisme écossais en faisait la plus ladre des clientes. Elle ne me réglait mes honoraires qu’avec six mois de retard et en rechignant. Elle exigeait des prix spéciaux ; bref, vous voyez le genre ?

— Je vois. Et sa nièce ?

Le doc ôte ses bésicles et les bourbit avec une petite peau de chamois.

— Une délicieuse jeune fille qui jouait les orphelines à charge ! Mme Mac Herrel la considérait davantage comme sa bonne que comme sa nièce.

— Parlez-moi d’elle…

J’ai le cœur qui bat. Des trois hommes ici réunis je suis sûrement celui qui pourrait en raconter le plus long sur Cynthia.

— Elle était douce, jolie, docile… Sauf peut-être sur la fin où j’ai cru déceler comme une révolte en elle. La férule de sa tante lui devenait insupportable. Elle m’a supplié un jour, en cachette naturellement, de prescrire à la vieille dame des somnifères car même la nuit elle la tourmentait.

— Vous l’avez fait ?

— D’autant plus volontiers que la malade en avait besoin. Ses rhumatismes la faisaient cruellement souffrir…

— Cynthia ne fréquentait personne ?

— Pas à ma connaissance, je n’ai jamais rencontré âme qui vive en me rendant chez elle.

— Et vous n’avez jamais aperçu Cynthia avec quelqu’un ?

— Non.

Mais il s’arrête pile et je le devine sollicité par une idée.

— Vous pensez à quelque chose, docteur ? insisté-je aimablement.

— En effet.

— Eh bien, je vous écoute.

— C’est-à-dire…

— Il s’agit d’une affaire très grave, docteur. Nous en sommes au deuxième meurtre et vous avez le devoir de tout dire…

— Eh bien, figurez-vous qu’un soir, une nuit plutôt, comme je rentrais avec ma femme de chez des amis Cannois, j’ai aperçu la jeune fille dehors…

— Quelle heure pouvait-il être ?