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— Où ça ?

— Dans ta chambre.

— Pour quoi faire ?

— Tu le verras, mais si c’est pour ta vertu que t’as des inquiétudes, ne te court-circuite pas le bulbe, le jour où je virerai ma cuti je choisirai des partenaires plus sexy que toi !

Nous montons chez lui. Vous me connaissez, mes amis, et vous savez qu’entre une fillette au cœur tendre et moi, il y a autant de différence qu’entre une violette blanche et un rouleur de fil de fer barbelé, mais franchement, je commence à prendre des vapeurs. Après un pareil coup fourré, la Terre ne sera plus assez grande pour que je puisse planquer mon humiliation !

Nous pénétrons dans la chambre 22. La pièce est vide. Sur la table, bien en évidence, j’aperçois une enveloppe portant comme libellé :

« À cette crêpe de Riri Belloise. »

Je décachette et je lis cette simple phrase :

« Tu as bonne mine, tueur de flic ! »

C’est tout. Mais ça veut en dire long. Le message signifie que les correspondants de Belloise n’ont pas été dupes de ma ruse et qu’ils ont su, avant même que le meurtre soit commis, que Riri les doublait.

— Tiens, dis-je, lis, c’est pour toi !

Il lit et devient jaune comme un grain de courge.

— Vous m’avez foutu dans une belle m… ! dit-il. D’ici que ces gens-là m’envoient dans l’espace, il n’y a pas loin !

— Dis-moi, Riri, ta môme était au courant de notre petit cinéma ?

Il hausse les épaules.

— Mais non, voyons !

Je le cramponne par les endosses, le forçant à me regarder.

— Tu as l’air aussi franc qu’un marchand de fonds qui essaierait de vous vendre une usine à gaz désaffectée en vous faisant croire que c’est le château de Chambord ! Tu crois vraiment que c’est encore le moment de me berlurer, Riri ?

Il baisse la tête.

— Oh ! bon, d’accord, la gosse sait. Mais elle est régulière, vous savez !

— Régulière comme les rayures d’un zèbre. Félicie, ma brave femme de mère, m’a toujours dit que la plus noble conquête de l’homme c’était le cheval et que la moins noble c’était la femme.

— Vous faites erreur, m’sieur le commissaire !

— J’adore ça, Baby. Si j’étais riche je ne ferais que ça. Seulement, voilà : mes moyens ne me le permettent pas.

Je le plaque pour aller rejoindre Lormont dans ma chambre. Le moment est venu de subir les premiers sarcasmes !

Ma piaule est aussi vide que celle de Riri. Je me dis que l’industriel est peut-être allé aux toilettes et je décide de patienter un moment lorsque je fais une double constatation : mon couvre-lit a disparu et on a sectionné les cordes à rideaux de ma fenêtre.

Qu’en pensez-vous, tas de nécrophages ? Bizarre, hein ?

CHAPITRE V

Mon petit camarade Belloise ressemble à un monsieur qui viendrait d’allumer sa cigarette avec un numéro gagnant de la Loterie Nationale. Il a le gloufanou baladeur à fléchissement désemparé qui se conjugue au troisième groupe sanguin, les gars ! Tout comme celui du valeureux San-A. d’ailleurs !

J’ai dans ma petite tronche une minuscule idée qui prend ses quartiers d’hiver. Cette idée, c’est que cette histoire va faire parler d’elle, et de moi for the same occasion ! Va y avoir du cri dans le landerneau !

Je descends l’escalier aussi vite que les pentes de la Loze et j’interviewe miss « on vous cause », la délicieuse standardiste à lunettes. C’est une petite brunette aux yeux gris comme la mer du Nord.

— Dites, belle enfant, vous n’auriez pas vu sortir un monsieur en robe de chambre ?

Elle secoue sa tête de linotte.

— Vous plaisantez, monsieur San-Antonio ! En robe de chambre, dans Courchevel !

Elle a raison, même une pomme de terre n’oserait pas se montrer en robe de chambre dans un patelin aussi sélect !

— Autre chose, personne n’a quitté cet établissement en emportant un gros paquet, style tapis roulé ?

Elle secoue sa chevelure sombre avec la même énergie souriante.

— Quelle idée ! gazouille cette bécasse.

La sonnerie du bigophone l’interpelle.

Elle susurre « Allô ! j’écoute » et je vais m’éloigner de son rade lorsque le larbin aux jambes arquées qui coltine les valoches, nettoie les pompes et distribue le papier water s’approche de moi.

— Moi, j’ai vu, fait-il avec un accent savoyard tellement forcé que ça pourrait bien être dans le fond un accent italien.

— Vous avez vu quoi ?

— Deux hommes qui emportaient un gros paquet bien long et tout mou. Même que quelque chose est tombé du paquet et que c’était une pantoufle noire !

— Par où sont-ils sortis ?

— Par le service. Ils ont pris la porte qu’on sort les skis.

— Et après ?

— Je les ai vus qui grimpaient dans une DS noire fourgonnée.

— Il y a longtemps de ça ?

— Vingt minutes.

Je me catapulte sur la standardiste et je lui saisis le combiné à pleines mains.

— La gendarmerie de Moutiers, vite ! glapis-je à la dame des pet et thé.

— Ici le commissaire San-Antonio des Services spéciaux ! lancé-je. Établissez immédiatement un barrage sur la route entre Salins et Moutiers afin d’arrêter une DS ou une ID noire carrossée en fourgonnette. À l’intérieur vous trouverez un type ficelé dans un couvre-lit.

— Faudrait voir à ne pas vous fout’ de nous ! rouspète le gendarme.

— Faites ce que je vous dis, nom de Dieu ! Pour confirmation de cet ordre, rappelez le Sapin-Bleu à Courchevel, vous verrez qu’il ne s’agit pas d’une blague. Arrêtez tous les occupants de la bagnole en question. Parallèlement, envoyez du monde à la gare et vérifiez si une ravissante fille brune, répondant au nom de Lydia…

Je mets la main sur l’écouteur et je lance à Belloise :

— Le blaze de ta gerce ?

— Roubier.

— Lydia Roubier, n’attend pas le train ! Compris ! Faites vite, ça urge ! D’ailleurs je vais vous rejoindre !

Je rends le combiné à la môme.

— Qu’est-ce qui est arrivé ? demande-t-elle.

Mais je n’ai pas le temps de lui répondre. Je suis en train de jouer ma carrière, les mecs. Et qui plus est : ma réputation.

Si je n’écrase pas ce coup, elle ne vaudra pas plus que celle d’un faussaire en timbres-poste qui aurait contracté la danse de Saint-Guy.

Je cours troquer mes lattes de skieur contre des bottes basses en cuir souple comme la conscience d’un marchand de voitures.

— Qu’est-ce qu’on fait ? bredouille Belloise.

Ce pluriel me force à examiner son cas. J’hésite une paire de secondes et je le biche par le collet.

— Toi, tu vas rester ici, crème de nouille ! Si tu essaies de mettre les adjas, ce qui t’arrivera par la suite sera impubliable dans les journaux. Si par hasard ta souris rappliquait, motus ! Tu lui dis que tu as fait ton turbin et que je te couvre. N’essaie pas de la cuisiner, surtout, compris ?

— Compris, m’sieur le commissaire.

— J’ai pas de conseil à te donner, mais moi, à ta place, je m’achèterais les œuvres complètes de Simenon et je m’enfermerais à double tour dans ma piaule. Tu risques de graves ennuis, n’oublie pas.

Là-dessus, je file avec le larbin aux jambes arquées désenneiger ma charrette.

Je suis stoppé à Salins par le barrage de police que j’ai provoqué. Je me fais reconnaître de ces messieurs et je leur demande s’ils ont des nouvelles de ma Citroën. Ils répondent que non. Ils ont vu des DS noires, mais aucune n’était carrossée en fourgonnette. Ils les ont stoppées pourtant et les ont fouillées, sans résultat. On n’a repéré aucune Lydia à la gare. C’est plutôt mochard, hein, mes amis ?