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Une rafale jaillit de l’endroit où il avait laissé Malko. Derieux vit la lueur des départs ; de petites flammes courtes et jaunes. Rapidement, il fit le tour des véhicules. Pas de sentinelle. Il monta dans la jeep, tâtonna pour trouver le contact et mit en marche.

Avant de démarrer, il disposa la mitrailleuse de façon à pouvoir tirer sur sa droite.

Tout doucement, il contourna le bâtiment et reprit l’allée par laquelle il était venu. Il n’avait pas fait cent mètres que Malko, sans arme, surgit et bondit dans le véhicule.

— Il était temps. Je viens de tirer ma dernière balle.

— La mienne a encore une bande toute neuve.

Tous phares éteints la jeep fonçait à travers le dépôt. Enfin ils virent la grille. Elle était fermée.

Malko descendit en vitesse et tourna la poignée. La grille s’ouvrit. Il fit de même pour l’autre battant et remonta dans la jeep. Un homme sortit de la guérite et courut vers eux.

Il n’eut que le temps de faire un saut de côté, pour ne pas être écrasé.

— J’espère que ma voiture est encore là-bas, dit Derieux. On risque de se faire remarquer, si on doit regagner Téhéran dans une jeep militaire.

Sur la grand-route, près de l’endroit où ils avaient laissé la Mercedes, Derieux ralentit. Malko braqua la MG 42 sur la maison et sauta à terre. Derieux stoppa la jeep et les deux hommes firent le tour de la maison.

La voiture était toujours là et il n’y avait personne.

En dix secondes, ils avaient démarré, laissant jeep et mitrailleuse.

Ils roulaient maintenant vers Khurramchahr, sur la route déserte.

— Quittons la ville au plus vite, dit Malko. Nous n’avons plus rien à faire ici. Nous ne sommes pas officiellement recherchés pour l’histoire de cette nuit. Les Iraniens peuvent difficilement ébruiter l’affaire des armes. Khadjar a eu vent de notre voyage et a tenté de nous éliminer discrètement. Mais ça lui est peut-être difficile de nous faire arrêter. Regagnons Téhéran au plus vite et contactons le chah.

— Bon. Alors on passe à l’hôtel et on file.

Un quart d’heure plus tard, ils stoppaient devant le Vanak. Un portier endormi vint leur ouvrir.

Malko prit la clef de la chambre de Van der Staern. Il empaqueta rapidement toutes les affaires du Belge et il fit ses propres bagages. Il prit quand même le temps de regarnir le chargeur de son colt.

Derieux était déjà dans le hall. Il avait expliqué au veilleur de nuit qu’ils étaient obligés de partir et il avait réglé les trois chambres.

Il était trois heures et demie du matin. Ils s’arrêtèrent à la sortie de la ville pour prendre de l’essence, et enfilèrent la route du nord.

Les premiers kilomètres furent tendus. Mais il n’y avait pas le moindre barrage sur la route. Ils ne croisèrent pas un véhicule avant cinq heures du matin, un vieil autobus qui allait au marché.

Malko s’endormit avec les premiers rayons du soleil levant. Ils avaient décidé de rouler sans interruption jusqu’à Téhéran. Derieux était une force de la nature ; après une nuit pareille, il était capable de conduire toute la journée. Et, à l’arrivée, ils avaient encore beaucoup à faire.

CHAPITRE VII

Un voyant rouge clignotait devant un gigantesque Persan au crâne rasé, tenant une mitrailleuse qui crachait feu et flammes. Il se rapprochait en ricanant…

Malko se dressa en sursaut dans son lit. La sonnerie du téléphone lui vrillait les oreilles. À tâtons, il saisit le récepteur.

— Allô.

— Monsieur Linge ?

— Oui.

— Pouvez-vous venir dans le hall, d’ici une heure ?

— Qui êtes-vous ?

— Mon nom ne vous dirait rien. Mais je crois que nous avons des intérêts communs, en ce moment.

— Je ne comprends pas.

— Du blé, par exemple…

Il y eut un petit silence. L’inconnu parlait l’anglais avec un léger accent. C’est cet accent qui décida Malko à répondre « oui ». C’était l’accent russe.

Il se leva aussitôt et se jeta sous la douche. Il avait dû dormir deux heures, car il était midi. La veille, Derieux avait conduit à un train d’enfer, pour arriver à Téhéran dans la matinée.

Pendant que le jet d’eau brûlante lui fouaillait la peau, l’Autrichien pensait à Van der Staern. Le pauvre type ne reverrait jamais sa Belgique natale ! Involontairement, il avait pourtant rendu à Malko un immense service. Sans lui, jamais on n’aurait eu vent de cette histoire d’armes. C’était la preuve absolue que toutes les informations de la CIA étaient exactes : Khadjar et Schalberg préparaient bien leur révolution.

Khadjar, tout au moins. Malko ne pouvait arriver à croire que Schalberg trahissait délibérément ses chefs, avec les conséquences incalculables que cela pouvait avoir.

Il fallait tenter une dernière chance : prévenir le général américain de ce qui se passait. S’il était dans le coup, cela n’avait aucune importance, car alors il était déjà au courant de la bagarre de Khurramchahr. Si Khadjar avait mené en bateau le général, c’était le moment d’ouvrir les yeux à ce dernier.

Une serviette autour des reins, Malko décrocha le téléphone. Il eut rapidement le bureau de Schalberg, et le général en personne lui répondit. Malko se nomma, et l’autre fut très aimable :

— Vous me téléphonez pour les dollars, je parie. Je ne sais rien encore, mon vieux.

— Ce n’est pas pour cela, Général. J’ai besoin de vous voir au plus vite, pour une affaire extrêmement importante.

Schalberg parut surpris, mais non ennuyé.

— Dans ce cas, passez à mon bureau en fin d’après-midi. Vous m’exposerez votre affaire.

Malko remercia et raccrocha. Dans quelques heures, il serait fixé. Cette certitude lui donna envie de se détendre. Il demanda le numéro de Tania Taldeh.

Après plusieurs erreurs, il finit par tomber sur la jeune fille. Elle éclata de rire, quand Malko eut dit son nom.

— Je croyais que vous étiez mort, dit-elle. Si vous aviez téléphoné avant-hier, je vous aurais emmené à une grande partie chez les Massoudi. C’était très bien.

Malko s’excusa et ajouta :

— Voyons-nous aujourd’hui. À la sortie de votre bureau. Nous prendrons un verre.

— C’est difficile. Il n’y a pas beaucoup d’endroits à Téhéran.

Il insista. Finalement elle lui fixa rendez-vous dans un club près du Tachtejamchid, la Belougette. À cinq heures.

Malko appela ensuite Derieux. Le Belge dormait encore.

Mais l’heure du rendez-vous dans le hall approchait. Malko s’habilla rapidement. Il ne se sentit vraiment lui-même que lorsqu’il eut enfilé un complet d’alpaga presque noir, irréprochablement repassé et qu’il eut noué sa cravate de soie. Il se regarda dans la glace : à son âge, il pouvait encore se permettre de courtiser une jeune fille de l’âge de Tania. Ses cheveux blonds contrastaient avec les rides légères du visage qui en accentuaient la virilité.

Avec ce complet ajusté, impossible de prendre le colt. Malko enferma l’arme dans sa petite valise.

Il descendit. Le hall grouillait de monde. Un convoi de vieilles Américaines piaillait à la réception, et tous les divans étaient occupés par des groupes de businessmen. Près de la paroi vitrée qui surplombait la piscine, il faisait très chaud, beaucoup de gens étaient dehors, se baignant ou prenant des bains de soleil.

Malko était plongé dans la contemplation d’une blonde, qui devait être une hôtesse de l’air suédoise, lorsqu’on lui parla.

— Voulez-vous que nous allions prendre un verre au bord de la piscine, monsieur Linge ?

Malko se retourna. L’homme qui lui parlait avait une quarantaine d’années et l’air sérieux des hauts fonctionnaires des pays de l’Est. Il ne souriait pas, mais son attitude était amicale. Malko remarqua avec amusement la largeur inusitée des bas du pantalon : les Russes savaient fabriquer des fusées, mais s’habillaient comme des galapiats…