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Sans mot dire, il se dirigea vers l’escalier.

Ils choisirent une table à l’écart, et Malko, qui n’avait pas encore déjeuné, commanda une portion de caviar et de la vodka. L’autre se contenta d’un thé vert. Quand le garçon se fut éloigné, le Russe parla :

— Vous devez être étonné de mon intervention, SAS, puisque c’est ainsi qu’on vous appelle. Vous n’avez pas tellement l’habitude d’être en rapports avec nous.

Malko sourit. Inutile de jouer les idiots. L’autre savait très bien à qui il avait affaire.

— J’ignore encore de quelle intervention il peut s’agir, répliqua-t-il. J’ignore même qui vous êtes.

L’autre s’inclina légèrement :

— Vladimir Micalef Sederenko, troisième secrétaire à l’ambassade d’Union soviétique.

— Vous connaissez mon nom, donc…

— Parfaitement. Et je sais aussi pourquoi vous êtes ici.

— Ah !

La surprise de Malko n’était pas feinte. En principe il n’y avait que deux personnes qui étaient au courant de sa mission, le Président des États-Unis et le patron de la CIA.

— Oui, vous êtes venu enquêter sur une tentative de révolution, fomentée par ce fasciste de Schalberg et par cet assassin de Khadjar.

— Comment pouvez-vous affirmer cela ?

— Le blé, mon cher SAS ! Nous le suivons depuis son départ. Une telle quantité d’armes ne passe pas inaperçue. Nous avons été prévenus de la commande, mais nous ignorions à qui elle était destinée. Pas au chah. Pas à vous non plus, vous avez d’autres moyens, plus pratiques. Et ce n’était pas pour nous, acheva-t-il dans un sourire. Cela laissait peu de possibilité… Votre arrivée nous a ouvert les yeux, ainsi que les petits incidents qui l’ont accompagnée. Maintenant, nous savons à quoi nous en tenir. Et il faut agir vite.

Il se pencha en avant.

— Monsieur SAS, vous savez peut-être que nos gouvernements respectifs ont conclu un accord en vue de neutraliser l’Iran. Le chah est au courant. Si le plan du fasciste Khadjar se réalisait, l’équilibre n’existerait plus. Nous serions obligés d’intervenir, ce qui ne manquerait pas de créer une situation explosive… Imaginez-vous des chars de l’armée rouge entrant dans Téhéran ?

— Mais des problèmes aussi graves doivent être résolus à l’échelon gouvernemental, protesta Malko.

— Je sais. Seulement, pour l’instant, le gouvernement américain ne peut rien faire. Schalberg est trop engagé, il ne reculera pas. Khadjar non plus. Le problème doit se résoudre sur place.

— Que puis-je faire ?

— Prévenir le chah. De nous, il ne croira rien. Khadjar est son homme de confiance depuis dix ans. Il a écrasé notre parti, le Toudeh. Vous, il vous croira. Ou du moins il prendra certaines précautions qui empêcheront le plus grave.

— Vous êtes certain que Schalberg marche avec Khadjar ?

— Absolument. Et c’est lui qui a décidé d’assassiner le chah.

Malko ne broncha pas. Ça, c’était nouveau !

— Mais ces armes, à quoi doivent-elles servir ?

— A provoquer des désordres, de façon à justifier la proclamation de la loi martiale. Après, les conjurés agiront plus facilement. Quand l’armée se rendra compte qu’elle a été manœuvrée, il sera trop tard.

— Je vois.

— Il faut que vous rencontriez le chah.

— Je vais essayer. Est-ce que je peux vous joindre ?

— Il vaut mieux pas. Je vous contacterai moi-même, mais agissez vite.

Le Russe se leva et s’éloigna, après s’être incliné.

On apportait le caviar de Malko. Il pressa un citron sur les grains grisâtres et les étala sur un toast. C’était vraiment le meilleur caviar du monde. Il valait une révolution.

Quand il eut fini de déjeuner, Malko remonta dans sa chambre où il rédigea un câble à l’intention de Washington. Le tout c’était de le faire parvenir. S’il passait par les services du chiffre de l’ambassade, Schalberg en aurait sûrement connaissance. Malko récrivit trois fois le texte, et finalement s’arrêta à une formule sibylline, qu’il enverrait en clair de la grande poste.

Il avait juste le temps d’y passer avant de se rendre au rendez-vous de Tania. Il choisit un taxi un peu moins délabré que les autres, et se détendit. Mais il arriva dix minutes en retard à la Belougette.

C’était un endroit étrange, au premier étage d’un immeuble peu reluisant, près de la grande avenue Tachtejamchid. L’intérieur ressemblait à un bar américain un peu démodé.

Tania était là, sur une banquette. Il n’y avait personne d’autre dans la salle. Malko eut une bouffée de chaleur. Cette fille respirait l’amour, avec ses longues jambes et sa poitrine agressive. Elle portait une robe noire de soie imprimée, qui découvrait ses genoux gainés de bas très foncés et lui moulait la poitrine.

— J’allais partir, dit-elle d’une voix basse.

— Je ne m’en serais jamais consolé, répliqua Malko, en lui baisant la main.

Il commanda une vodka-lime et elle l’imita. Les consommations posées, le garçon disparut, et ils restèrent seuls dans la petite salle, avec un fond de musique douce.

— Voulez-vous dîner avec moi ? demanda Malko. Après, je vous emmène danser au Colheh.

La jeune fille secoua la tête :

— Impossible. Je ne peux pas sortir seule avec un étranger.

— Et ici ?

— Ce n’est pas pareil. Personne ne nous voit.

— Si quelqu’un venait ?

— Impossible. J’ai loué la salle pour une heure.

Malko resta songeur devant cette secrétaire qui louait un bar entier pour ses rendez-vous…

Elle continuait :

— Si vous êtes libre après-demain, je vous emmène à une soirée amusante chez des amis.

— D’accord. Mais j’espère que nous ne resterons pas toute la soirée avec vos amis ?

— Que voulez-vous dire ?

Il lui prit la main, la porta derechef à ses lèvres et la garda entre les siennes.

— Que vous me plaisez terriblement.

Elle rit.

— Ce que vous êtes charmeurs, vous autres, Européens ! Vous faites la cour à toutes les femmes.

— Pas à toutes. Vous êtes la première Iranienne à qui j’adresse la parole.

C’était honteusement faux, mais ce qu’elle avait envie d’entendre.

— Alors, entendu pour après-demain. Je vous enverrai ma voiture à votre hôtel, parce que vous ne trouveriez pas tout seul. C’est loin dans la montagne…

— Vous voulez m’enlever ?

Ils rirent tous les deux. Insensiblement, Malko s’était rapproché ; sa jambe touchait maintenant celle de Tania. Elle ne se retira pas.

— Si nous dansions ?

Elle le regarda avec un sourire indéfinissable et se leva sans mot dire, dégageant une bouffée de Diorissimo.

Ils étaient de la même taille. Tout de suite elle incrusta son corps dans le sien, avec naturel, comme s’ils avaient toujours dansé ensemble. Le léger complet d’alpaga ne protégeait guère Malko des formes agressives de sa partenaire. Il la serra un peu plus. Elle appuya sa joue contre celle de son danseur.

Il laissa traîner ses lèvres dans le cou de la jeune fille, qui eut un petit frisson. La bouche de Malko remonta lentement et atteignit celle de Tania. La bouche était déjà entrouverte, et c’est elle qui prit violemment l’initiative du baiser, qui fut interminable. Ensuite, ils restèrent enlacés, titubant. Malko caressait doucement la poitrine de la jeune fille et la sentait frémir sous ses doigts.