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— Alors, pourquoi tu m’as fait garder par tes deux types ?

— Parce que j’avais peur qu’il t’arrive quelque chose. Leila éclata de rire.

— Tu veux dire qu’ils sont là pour me protéger ?

— Oui. Et à propos, comment t’ont-ils laissée partir ? Elle rit de plus belle.

— Laissée partir ! Mais, mon chéri, je suis partie, c’est tout. Ils sont dans la salle de bains.

— Quoi ?

Malko s’était dressé tout nu. Il enfila son pantalon pendant que Leila continuait modestement :

— Ils étaient assez énervés. Alors je leur ai promis un strip-tease oriental. Mais il fallait qu’ils aient la surprise et qu’ils me laissent m’habiller seule. Je leur ai juré sur la Bible que je ne m’en irais pas.

— Sur la Bible ! Mais tu es musulmane.

— Ils ne le savaient pas. Quand ils ont été dans la salle de bains, je me suis habillée, parfumée – je leur ai même jeté un flacon de parfum pour les faire patienter – et j’ai donné un tour de clef avant de partir.

Malko était habillé.

— Mets ta robe et viens.

Elle s’exécuta docilement, et lui offrit un dos cambré pour qu’il remette la fermeture Éclair.

Ils prirent l’ascenseur pour monter au sixième. Leila mit doucement la clef dans la serrure. La chambre était vide. Mais la porte de la salle de bains se mit à trembler sous un déluge de coups. Espiègle, Leila tourna la clef deux fois.

La porte fut presque arrachée de ses gonds. Leur énorme colt au poing, Chris Jones et Milton Brabeck jaillirent, écarlates de rage. Ils stoppèrent pile en voyant Malko et crièrent en même temps :

— Cette, cette… danseuse, continua Leila, les mains sur les hanches.

— Bon, ça va, conclut Malko. J’ai compris. Il ne faut pas vous donner de femme à garder. Pour des cracks de la C.I.A., ce n’est pas beau. Allons dîner.

Ils dînèrent tous les quatre dehors, sur la véranda où s’était écrasé le pauvre Watson. On leur apporta des chiches-kebabs dont la flamme illumina tout l’hôtel. Après le café, les deux gorilles regardèrent Malko et Leila prendre l’ascenseur ensemble, d’un air réprobateur.

— Si on allait au ciné ? proposa Milton. On joue Cléopâtre.

Jones le foudroya.

— T’en as pas assez avec les garces pour aujourd’hui ? Moi, je vais me coucher.

La journée du lendemain fut très calme. Malko était occupé. Il reçut seulement par porteur un câble du State Department, lui enjoignant de faire l’impossible pour tirer l’histoire du Memphis au clair. C’était d’une importance vitale.

Comme s’il ne s’en doutait pas ! Le soir, il alla dîner au restaurant en plein air, avec un orchestre style musette qui jouait des danses endiablées. Leila était ravie. Les gorilles qui, dignement, s’étaient mis à une table voisine, l’étaient moins. Ils saupoudraient tout ce qu’on leur servait d’une poudre vitaminée et bactéricide et trouvaient un drôle de goût à la bière.

Après ils tinrent à assister au numéro de Leila, ce qui les laissa sur leur faim et fit considérablement monter Malko dans leur estime.

Le lendemain matin, Malko reçut un coup de fil de Cooper.

— Nous avons fait votre petit travail, annonça l’amiral. Je vous envoie quelqu’un pour vous rendre compte. Il sera là dans une heure et viendra directement dans votre chambre.

Une heure plus tard on frappa à la porte. Malko se trouva en face d’une espèce de géant qui le dépassait de vingt centimètres, le visage tanné, le crâne rasé. Il se présenta : « Lieutenant Hill, du Marine Corps. »

— Alors ? interrogea Malko, après que son visiteur se soit assis sur le bord d’un fauteuil.

— Eh bien, j’y ai été hier moi-même avec deux de mes gars. En homme-grenouille. Nous avons plongé trois fois.

— Alors ?

Hill se frotta la joue.

— Si y’a des gens qui vous ont dit qu’on n’avait pas pu renflouer ce bateau, ce sont des menteurs.

— Pourquoi !

— Parce que votre pétrolier, je vous le sors de là en trois jours avec deux bateaux-pompes et une équipe pour boucher un trou à l’avant. Il n’est pas enfoncé dans le sable ou dans la vase pour la bonne raison qu’ici le fond est rocheux et que la coque est juste coincée entre deux rochers.

Malko était rêveur. Il objecta :

— Mais il y a une drague qui a travaillé dans le coin pendant des semaines et qui a sorti des tonnes de terre. Je les ai vues. Il y avait une fosse rocheuse qui est comblée maintenant.

Hill secoua la tête.

— Ça ne vient pas de sous le bateau. Et de toute façon, ça ne vaut pas le coup de le sortir de là, ce rafiot, il est pourri jusqu’à l’os. Si on donnait un coup de poing à travers une tôle, ça traverserait. Je ne me risquerais pas en Méditerranée avec ça. Voilà.

L’officier se leva. Malko en fit autant. Perplexe, il prit congé de son interlocuteur. Décidément, le mystère s’épaississait. Non seulement l’Arkhangelsk n’était pas l’Arkhangelsk, mais il n’était pas échoué et ne valait même pas le coup qu’on s’en occupe ! Si ça ne cachait pas quelque chose, c’était à s’arracher les cheveux.

Il fallait coûte que coûte aller voir. Mais avant il y avait encore une chance à courir. Après avoir appelé Leila, il sortit, laissant les deux gorilles assurer la protection de la jeune femme.

Une fois de plus, il sortit par la porte de service. Dehors il faisait un soleil radieux et le Bosphore avait l’air d’une carte postale.

L’huissier barbu et sans col l’introduisit dans le petit salon et lui apporta l’inévitable tasse de thé. Mais cette fois, Malko n’attendit pas.

M. Goulendran n’était plus le même. Son visage graisseux s’était comme affaissé et ses petites mains potelées pendaient tristement le long de son corps.

— Asseyez-vous, dit-il d’une voix mourante.

— Alors, quelles sont les nouvelles ? demanda Malko, engageant.

Le petit homme leva les bras, découragé.

— C’est bien mauvais, bien mauvais. Je ne comprends pas ces Russes décidément. J’ai vu l’attaché commercial, un homme très poli et très gentil. Mais quand j’ai parlé de l’Arkhangelsk, je me suis heurté à un mur. Le bateau n’est pas à vendre. Il sera renfloué par le ministère de la Marine soviétique à qui il appartient.

— Vous avez insisté ?

— Si j’ai insisté ! Mais il m’a pratiquement jeté hors de son bureau tellement j’insistais. Et je lui ai offert un prix qu’aucun concurrent ne pouvait offrir, juste pour faire cette première affaire avec vous.

— J’ai même dévoilé toutes mes batteries. J’ai dit que j’avais déjà visité le bateau, qu’il était en très mauvais état, impossible à réparer, que tout était pourri. Il ne m’a même pas écouté.

— Mais, vous l’avez vraiment vu ?

— Oh, j’ai seulement été sur le pont avec deux de mes hommes. Bien sûr, il n’est pas brillant, mais, réparé, on pourrait très bien le vendre aux Grecs, ils achètent tout. D’autant plus que j’ai l’impression que le feu n’a pas causé tellement de dégâts. J’ai remarqué…

Le téléphone sonna. Et Goulendran entama une interminable discussion en turc au sujet d’un dock flottant qui ne flottait plus et qui aurait dû flotter. Lui, Goulendran, ne pouvait rien contre la volonté de ce dock qui s’obstinait à rester entre deux eaux. Après tout, on pouvait très bien y travailler, les ouvriers n’ayant de l’eau que jusqu’à la ceinture.

Goulendran raccrocha enfin, épuisé. Il avait dû convaincre son interlocuteur, car il ébaucha un pâle sourire. Mais Malko n’avait plus de temps à perdre.