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Il tira à lui en tordant. Le Turc poussa un cri de douleur et lâcha l’arme qui tomba. Le couloir étroit empêchait toute lutte. Krisantem comprit que s’il voulait utiliser sa force pour étrangler proprement Malko, il lui fallait de la place.

D’une poussée violente il catapulta Malko dans la chambre et plongea la main dans sa poche pour prendre son lacet, tout en fonçant en avant.

Il arriva en vue des lits juste pour voir Malko atterrir sur les deux gorilles et les trois hommes tomber en une mêlée confuse dans la ruelle du lit. Le lacet était dépassé. Un instant, le malheureux Krisantem resta pétrifié par sa malchance… Jamais, il n’aurait pensé qu’un monsieur aussi convenable puisse partager sa chambre avec deux individus pareils.

La seconde suivante les gorilles bondissaient.

Ils s’étaient réveillés vite. Krisantem tourna les talons.

— Stop ! hurla Brabeck.

Jones, mal réveillé, ne dit rien, il avait la bouche pâteuse. Mais la balle de son 357 magnum s’enfonça à deux centimètres du bouton de la porte que Krisantem lâcha instinctivement.

— Ne le tuez pas ! cria Malko.

Le Turc se tourna à moitié et reçut la crosse de Brabeck en plein sur la tempe. Pour faire bon poids, le gorille lui balança encore un coup sur le menton, avec le canon. Elko eut l’impression qu’il recevait une caisse sur la tête et qu’on lui avait arraché toutes les dents de devant. Il esquissa un geste, puis glissa le long de la porte. La dernière chose qu’il vit fut la chaussure délacée de Brabeck.

Lorsqu’il se réveilla, il était étendu sur un des lits, amarré par les mains et les pieds aux montants par des menottes. Jones le giflait méthodiquement en prenant bien soin que sa chevalière accroche chaque fois le menton tuméfié du Turc.

Krisantem essaya de bouger la tête et poussa un cri. Brabeck eut un bon sourire et proposa, jovial :

— Qu’est-ce qu’on fait, patron, on le balance tout de suite par la fenêtre ou on le travaille un peu d’abord ?

Le Turc le regarda avec des yeux de poisson.

— Il va t’arriver un accident, continua Brabeck. Juste comme à Watson. Tu te souviens de Watson, celui que tu as accidenté ?

Krisantem essaya de dire qu’il n’était pour rien dans « l’accident » mais cela lui faisait vraiment trop mal de bouger la tête, et c’est avec fatalisme qu’il attendit l’inévitable balle dans la tête ou le plongeon.

Mais Malko en avait décidé autrement. Il vint s’asseoir près de Krisantem. Il avait eu le temps de se raser et de mettre une chemise propre. Il regarda le Turc avec insistance.

— Vous savez que j’aurais le droit de vous tuer ou de vous livrer à la police, à notre ami le colonel.

Ce n’était pas une perspective réjouissante. Les cris qui sortaient régulièrement des caves de la police secrète avaient fait baisser le prix des loyers dans tout le quartier.

— Je vais vous laisser une dernière chance, continua Malko. À deux conditions. D’abord que vous nous racontiez tout votre rôle exact dans cette histoire. Sans rien oublier…

Le Turc opina de la tête.

— … et qu’à partir de maintenant vous nous soyez entièrement dévoué. C’est-à-dire que vous trahissiez votre ancien employeur. Sans qu’il s’en doute, ce qui vaut mieux pour vous, de toute façon…

— Moi je trouve qu’une balle dans sa mignonne petite gueule ça serait beaucoup plus sûr, coupa Brabeck. Et je suis volontaire.

— Allons, allons, laissez-le réfléchir, dit Malko. Il peut encore servir.

C’était tout réfléchi. Krisantem secoua la tête autant qu’il le pouvait.

— Bon. Alors, je vous écoute, continua Malko. Et n’oubliez rien.

Réconforté par un grand verre d’eau, Krisantem parla près d’une heure. Malko enregistrait comme un magnétophone. Quand le Turc eut terminé Malko ordonna :

— Détachez-le.

À Krisantem, il conseilla :

— Vous allez dire à votre employeur que vous n’avez pas pu m’abattre parce que je n’étais pas seul. Il faut qu’il ne se doute de rien. Et puisque vous continuez à être mon chauffeur ce sera facile de me tenir au courant.

Il se tourna vers Jones, pendant que Krisantem massait ses poignets.

— Rendez-lui son arme. Et ne boudez pas. Il peut être beaucoup plus utile comme ça. Ayez simplement l’œil sur lui.

— Ça…

Le Turc rempocha sa pétoire, toujours au cran de sûreté. Un peu tendu, il salua et sortit. Le soleil commençait à taper fort sur les vitres. Malko décrocha pour commander du thé.

On frappa à la porte. Avec un ensemble touchant Milton et Chris firent jaillir leur artillerie. La porte s’ouvrit brusquement et l’amiral Cooper sursauta devant les armes braquées. Il foudroya les trois hommes du regard.

— Vous êtes devenus fous ?

Penauds, les gorilles rengainèrent. Cooper n’avait pas la réputation d’avoir bon caractère. Malko s’excusa en quelques mots.

Cooper s’assit et dit alors :

— Nous avons fait une découverte intéressante.

Chapitre XVI

— À propos du Memphis ? demanda Malko. Cooper inclina la tête.

— Je sais maintenant par qui le Memphis a été coulé et pourquoi.

— Alors ?

Malko était sur le gril.

— Voilà : mes hommes ont trouvé un trou.

— Un trou ?

— Un tunnel, si vous préférez. L’amiral s’arrêta un instant pour donner plus de poids à ses paroles. Les Russes ont creusé le Bosphore, sous le filet anti-sous-marin. L’autre bout du tunnel aboutit en mer Noire. De là, il n’y a plus qu’à mettre le cap sur Sébastopol. C’est un travail gigantesque. Le tunnel a cent mètres de long. Au départ et à l’arrivée il se présente comme une tranchée profonde d’une vingtaine de mètres. Le tunnel doit avoir dix-huit mètres de haut… C’est suffisant. Il y a bien dix mètres de largeur. Voilà d’où venait la terre. 20.000 mètres cubes.

Malko secoua la tête, médusé.

— C’est incroyable. Moi je pensais que les Russes avaient seulement aménagé une base de sous-marins, de ce côté-ci du Bosphore, afin de pouvoir ravitailler secrètement leurs unités qui s’aventurent en Méditerranée. Mais c’est encore plus grave. Cela veut dire qu’en cas de guerre, leurs sous-marins munis de fusées atomiques seraient en Méditerranée alors qu’on les attendrait du côté de Vladivostok ou d’Arkhangelsk… Cooper acquiesça.

— J’ai déjà mis le Président au courant. C’est d’une importance capitale pour le pays. Moi-même je suis dépassé. Et il faut que cela se passe dans un pays allié et sûr, en plus !

— Mais, Amiral, coupa Malko, les dimensions de votre tunnel m’apparaissent bien étroites pour un sous-marin atomique. Le Memphis serait resté coincé là-dedans, non ?

— Autant vous le dire, répliqua Cooper. Nous savons depuis un an que les Russes sont parvenus à miniaturiser certains sous-marins atomiques, pour en faire des bâtiments « de poche ». Et ils sont, eux aussi, armés de fusées à longue portée. Six comme ceux-là pourraient anéantir la VIe flotte en un quart d’heure.

— Mais comment avez-vous découvert le tunnel ? L’entrée est assez loin de l’Arkhangelsk puisque celui-ci est échoué près de la rive ?

— Un coup de chance. Mes hommes ont commencé à explorer tout le fond autour du pétrolier et la coque. Ils ont facilement découvert le sas donnant sur le Bosphore, mais il n’y avait rien de spécial autour. Pendant plus d’une heure, ils ont effectué des recherches concentriques, sans résultat. Ils ont seulement trouvé dans la coque de l’Arkhangelsk une autre ouverture beaucoup plus grande, à l’arrière. C’est vraisemblablement par là que les hommes-grenouilles ont acheminé les plaques d’alliage léger qui tapissent les murs et le « plafond » du tunnel :