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Depuis le portail, j’avise trois automobiles rangées sur un terre-plein, devant la maison : une Rolls, une Audi décapotable et une japonouillerie à bord de laquelle je prendrais place pour rien au monde. Tous ces Européens qui fabriquent les plus belles tires de la planète et qui vont acheter jap ! N’ont donc pas le sens civique ? Va au Japon et compte les bagnoles italiennes, françaises, allemandes, anglaises ou suédoises ! Zob ! mon pote ! Ils fourguent à tout-va mais n’achètent pas, les Jaunisseux. Ils nous envahissent carrément, les photographes ! Nous le glissent vite fait, leur petit paf fiévreux ! Nous submergent de denrées. C’est ça le péril jaune que m’annonçait bonne-maman quand j’étais chiare. Economique, il est. Les Bridés ne nous réduisent pas par les armes, mais par la consommation de leurs produits. Ils nous enchômagent de fond en comble ! Alors vends vite ta Pigeot, ta Fiat, ta Mercedes pour t’offrir une Yamamoto ou une Zouzouski, grand con ! Elles sont moins chères et les balais d’essuie-glaces font de la musique !

Mais je t’en reviens à cette demeure opulente. Que décider ? Entrer ? Et après ? Demander « Madame, voire mademoiselle », s’il en est une ? Et puis dire quoi à l’une ou à l’autre ? « Est-ce vous qui avez fait assassiner, très ingénieusement d’ailleurs, un certain Roger Marmelard à Paris, voici quelques jours ? »

Là, y a comme un défaut, mon brave Sana. Si la clé du mystère se trouve ici, ta visite ne servira qu’à mettre ces gens sur leurs gardes. D’un autre côté, si tu n’entreprends rien, les choses resteront « en état », comme on dit puis.

Je remonte dans mon bahut.

— Conduisez-moi maintenant au Grand Saconnex, chemin des Courbes.

Intrigué par ma conduite, il modifie la sienne, se mettant à rouler bon vent et en jactant. Il est andalou, d’Estepona. Sa femme est suissesse. Il a un garçon à la faculté de médecine, un berger bernois, un jardinet, des rhumatismes articulaires, une montre gousset qui lui vient de son père et une assurance casco pour son véhicule. En final, il se risque à me demander ma profession. Fort heureusement, nous arrivons au Grand Saconnex, ce qui lui épargne ma réponse.

Seconde propriété, moins fastueuse que la précédente. Le parc est remplacé par un jardinet, le Léman par une usine de produits chimiques, l’opulent chalet par une maisonnette, pleine de charme au demeurant. L’Audi n’est point en vue et le garage jouxtant la demeure est vide.

Cette fois, je n’hésite pas et sonne.

Une agréable jeune femme survient, vêtue d’une robe en lainage abricot sur laquelle elle a noué un coquin tablier. Un marmot renifleur, blond et qui de loin fait craindre qu’il ne soit vaguement hydrocéphale, s’accroche à la jupe maternelle, ce qui est une heureuse initiative, cette dernière étant fendue assez haut.

La jeune femme s’enquiert.

Je lui dis.

Version : je suis chargé par la Maison Audi d’établir un annuaire des propriétaires de décapotables dans le but de créer un club qui fournirait de gros avantages à ses adhérents.

Le mot « avantages » fait partie du vocabulaire courant, en Suisse, et suffit à mobiliser l’intérêt de la maman à la jupe écartée.

Me fait entrer.

Joli séjour, à la vérité : bel aquarium de style où se font chier une ribambelle de poissons tellement exotiques qu’ils ont l’air faux, canapé de cuir vert, fausse cheminée à feu artificiel, meubles en merisier plaqué, tableaux forestiers tissés au point de croix pendant la puberté de l’hôtesse, tapis ramenés de souks évasifs. Charmant, quoi. Le confort helvétobourgeois.

Mme Strengerïnzenaïte (c’est son nom de mariage) ne demande qu’à bavasser, comme toutes les mères au foyer, qu’elles soient suisses, françaises ou moldo-valaques. Elle me raconte, bien comme il faut, que son mec est fondé de pouvoir à l’U.B.B. (Union des Banques Blanchisseuses), qu’ils ont un petit voilier à la Nautique, que sa mère à elle est d’origine savoyarde, qu’elle a fait une vraie fausse couche « cinq ans en arrière », à la suite d’un accident de vlanche à poile et que ç’aurait déjà été un garçon, à un moment où il ne naît pratiquement plus que des filles ! Et puis d’autres choses intéressantes. Comme quoi, oui, ils sont ravis de l’Audi et que ça change l’existence de pouvoir décapoter, regardez comme il me reste du bronzage de cet été !

Pendant qu’elle jacte, son gentil bébé continue d’écarter les jupes de sa mère, comme un qui serait déçu par ce qu’il aperçoit de la vie et qui aimerait retourner d’où il vient.

La manœuvre de mon mignon complice me permet de constater que p’tite mère porte une délicieuse culotte blanche d’honnête femme qui n’en est que plus affriolante pour un blasé de mon acabit, auquel on a fait le coup des slips rouge-bordé-noir, à fleurettes, fendus, à dentelle, à grelots, à moustache, à ficelle, à rien du tout.

Cet intérieur dégage une saine odeur de propre. On doit y être, sinon heureux, du moins en paix, pas plus con qu’ailleurs, mais pas moins et, en tout cas, plus économe.

Son Hubert (le mari se prénomme tel) est-il satisfait de sa bagnole ?

L’en est fou !

S’en sert-il tous les jours ?

Et comment ! Les cadres disposent d’un garage à la banque.

Se rend-il à l’étranger avec ?

Pas depuis les grandes vacances à Cassis.

En ce cas, le gars mézigue n’a plus rien à foutre ici. J’use de quelques formules remercieuses dont la banalité me déshonore et me lève pour lui prendre un grand congé.

Muguette (c’est son prénom usuel) en fait autant. Dans le mouvement, son petit Raymond (l’enfant porte ce prénom qui n’est point carré) cramponné à la fameuse jupe, dégrafe icelle, qui reste en ses petites mains chérubines.

La maman, envahie d’une confusion excédentaire qui la rend maladroite, n’arrive pas à reprendre son vêtement sud à l’innocent Helvète, aussi me porté-je à son secours. Ce manège incertain m’amène à la prendre dans mes bras, à soupirer : « Comme tu es belle ! » A lui rouler sans qu’on comprenne trop pourquoi, une galoche de huit centimètres de pénétration, de couler ma dextre dans sa chaste culotte et, ensuite de quoi, mon médius dans une chatte dont la lubrification est immédiate. Que nous voilà, sans nous être consultés, à effusionner comme des démons jaillis du feu de l’enfer, haletants, effrénants, perdant la tête et l’esprit qui s’y loge, emportés comme par magie dans ce tourbillon de désir dont parle Mme la comtesse de Paris dans son livre. Farouches, étreints, soudés, en rut complet. Qu’heureusement le petit Anatole (comment ? il se prénomme Raymond ? et alors ?) se désintéresse complètement de nous pour jouer avec la jupe qu’il convoitait, le sagouin ! Ce qui me permet de me laisser libre cours, comme à la Bourse de New York un jour de septembre ou d’octobre noir. De faire glisser l’exquise culotte, si peu adultère pourtant. De placer ma fulgurante conquête sur le canapé de cuir vert (dont je me mets à soupçonner qu’il est en skaï, tout bêtement, mais parfaitement imité). De la positionner de manière opérationnelle et d’entrer dans sa case trésor comme dans un moulin. Elle me talonne le michier, me griffe les reins, émet des grondements sismiques, des grimaces simiesques, sue orbi et urbi et ne se gêne pas pour accepter mon obole séminale quand les choses touchent à leur conclusion.

Quand elle a un peu récupéré, dans un silence quasi religieux, elle murmure :

— Je suis en pleine fécondation, car on en voulait un autre, comment saurai-je s’il est de mon mari ou de vous ?

— Vous ne pouvez pas vous tromper, assuré-je. Tous les enfants que je commets ont un trèfle à quatre feuilles sur la fesse droite. Si celui que vous espérez n’a rien, c’est qu’il est de votre époux. J’ai été charmé de faire votre connaissance.