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— Tu vas la boucler, bordel d’enfant de pute ! crié-je silencieusement en le bichant par le colback, ce qui ne fait qu’accroître ses cris. Dis à ton demeuré de la boucler, Gros, sinon on va se faire équarrir comme des chevaux de mine après usage !

Pour une fois, le Mammouth se range de mon côté.

— Tonton Antoine a raison, fait-il à son héritier. Si tu crilles, les vilains qui nous ont bouclarès vont s’la radiner et cracher des noyaux calibrés, p’tit mec ! Quand est-ce on s’ra barrés, j’te payerai la choucroute du siècle, mon bijou, aye confiance en ton paternel.

Suivent, à mon intention, trois phrases explicatives. Après mon départ, il a acheté de la briffe à son monstre, puis a frété un taxi auquel il a répercuté l’adresse que j’avais donnée au précédent. Une fois à Corsier, il a tenté de pénétrer dans la propriété par-derrière. A peine eurent-ils franchi la clôture que deux mecs se pointaient avec un vilain cador et les embastillaient, non sans l’avoir fouillé. Voilà, that’s all ! Histoire brève et presque sans paroles.

— Deux gaziers, dis-tu ?

— Yes, sœur.

— T’as vu personne d’autre ?

— Une grosse bonniche à la con.

— Tu n’as pas entendu une quelconque présence dans ce sous-sol ? Je pense à Toinet.

— Nada, mec.

Ma tocante indique dix heures du soir. Un peu jeune pour tenter, sans arme, un coup de main dans cette crèche.

Une chaufferie proche se met à bourdonner. Fort. S’y mêle un autre bruit. Je crois reconnaître le système d’épuration d’une piscine.

— Essaie de trouver quelque chose qui puisse servir à nous défendre, dis-je à Béru, moi je vais en reconnaissance. Et surtout empêche ton lardon de gueuler !

A l’extrémité du couloir, une clarté verte bouge au plaftard. Sur la droite, il y a une cloison vitrée. Mon pif ne m’a pas berné : de l’autre côté se trouve une piscine d’environ vingt mètres sur dix, carrelée en pâte de verre couleur jade et éclairée par des hublots sous-marins.

Une allégresse à se chier parmi m’explose l’intime. Trois personnes sont en train de batifoler dans la tisane. Deux zobs et une chatte.

Alors là, c’est du gâteau de chez Lenôtre ! Des gens qui se baignent sont des gens à merci. Mais je réfrène mon exaltation, toujours mauvaise conseillère. Tu sais, la peur de gagner des tennismen ? Ils ont trois balles de match dans la raquette et dominent techniquement leur adversaire, et puis ils se mettent à foirer, à accumuler les doubles fautes, à balancer la boule jaune dans la frite des spectateurs !

Alors calmos, Antoine. Prends ton temps ! Tout ton temps.

Au lieu de foncer, je passe en rampant devant la cloison de verre afin de poursuivre l’exploration des lieux.

Je parviens dans un vaste garage où dorment trois bagnoles pimpantes, dont deux Audi bleues décapotables.

Et ce que je cherchais, sans savoir de quoi il s’agirait, me bondit dans les châsses. Une prise de courant électrique sur un enrouleur. Je branche la fiche et me mets à haler le câble. La piscaille est contiguë. Le fil sera suffisamment long.

J’y entre tranquillement, de l’allure d’un machiniste se déplaçant sur un plateau de cinoche.

— Bonsoir, les amis ! hélé-je. Elle est bonne ?

Les deux mecs et la fille en restent comme deux ronds de flan à la vanille.

— J’ai trouvé ce fil dans le garage, annoncé-je en brandissant l’extrémité que je tiens. Si je le jette dans votre eau, bonnes gens, vous êtes électrocutés sans coup férir.

A leurs expressions, je réalise que si on leur pratiquait un électrocardiogramme à cet instant, les ondes de Pardee seraient en dôme et les ondes « Q » vachement profondes.

La situation m’étant acquise, je hèle Béru qui ne tarde pas à se (j’allais dire profiler, comme si le Gros possédait un profil !) pointer.

— J’voye qu’tu tiens l’bambou, apprécie le seigneur des comptoirs (des Indes et autres lieux moins lointains).

Car il n’est onc de plus sagace que ce con. Me voyant au bord de la piscine avec un câble déroulé en main, il a tout de suite compris de quoi il retournait. La venue de ce pittoresque tandem ajoute encore à la stupeur des trois nageurs qui se demandent à qui mieux mieux comment j’ai pu pénétrer dans le chalet sans déclencher l’alarme.

— Si la demoiselle veut bien sortir de la flotte et venir me rejoindre, dis-je, ce serait aimable à elle, car je déteste exécuter les dames.

Génial, non, au plan psychologique ?

La fille ne se le fait pas répéter et saute hors de l’onde comme un dauphin savant. Bien bâtie, roulée conforme. Peu de nichabes, mais on fait avec ce qu’on trouve. Les cuisses sont appétissantes, le cul harmonieux. La touffe sûrement abondante. Elle doit avoir les tifs auburn ; mais comme ils sont mouillés, ils s’en trouvent assombris. Lèvres charmeuses, regard salace quand il n’est pas terrorisé.

— Messieurs, fais-je aux deux connards qui nageotent comme des chiots pour ne pas couler, vous allez me dire maintenant ce que vous avez fait du jeune homme que vous interceptâtes dans une cabine téléphonique.

Les deux gars patouillent sans mot dire, mais non sans maudire.

— Réponse ? fais-je en approchant le fil électrique de l’eau.

— Je ne sais pas de quoi vous parlez, répond l’un des deux brasseurs (ils font la brasse).

— N’entrez pas dans ce jeu-là, sinon vous allez dérouiller du 220 volts dans les testicules et ailleurs ! promets-je.

Le second barboteur s’écrie :

— On ne connaît pas de jeune homme. On ne comprend rien à ce que vous dites !

Je me tourne vers la fille grelottante qui se tient à quatre pas d’ici.

— Vos copains n’ont pas l’air de se rendre compte de leur position, chère créature de rêve. Quand on enlève mes proches, je les retrouve toujours, coûte que coûte. J’ai libéré ces deux honorables gorets auxquels je tiens, maintenant, il me faut le garçon. Pour le récupérer, mort ou vif, j’irai jusqu’au bout !

— Il n’y a pas de garçon ici ! répond-elle avec un accent qui pourrait bien être autrichien. Il n’a pas été question un instant de garçon, vous faites fausse route. On a capturé ce bonhomme et son gosse parce qu’ils s’occupaient de nous d’une manière insupportable. Mais pas de garçon !

Tu sais qu’elle ment admirablement. Comédienne de grand talent !

Tout à coup, une voix de rogomme retentit derrière nous. Accent suisse-allemand cette fois :

— Vasistas !

On se retourne et on constate une grosse matrone en blouse blanche, armée d’un pétard d’au moins 9 mm. Elle possède une trogne de grenadière et nous darde des yeux pareils à des baïonnettes ébréchées.

Elle voit le fil que j’ai déroulé et gueule, sauvagement :

— Posez cela où bien sinon je tire !

Fraction de seconde pour appréhender la situasse. Si je ne pose pas, elle me plombe recta ! C’est écrit en caractères d’affiche de mobilisation générale sur sa bouille.

Bon, je pose.

La grosse demande dans un français qui ne lui permettrait pas d’écrire une suite aux lettres de Madame de Sévigné :

— Par où est-ce vous êtes devenus ?

— Par la buanderie où vous planquez la cocaïne du ménage ! réponds-je, non sans humeur, je te prie d’en conviendre.

— Ach ! elle fait, ou un truc comme ça, que tu t’attends ensuite à ce qu’elle glaviote une belon triple zéro.

Et puis changement brusque dans les péripéties. La cantinière teutonnesque pousse un second cri et se précipite dans la piscaille. Sais-tu pourquoi ? Parce que Bérurier fils est passé derrière elle, sans que la grosse s’en inquiète, qu’il a pris de l’élan et que ce taurillon fougueux a catapulté la vioque à la flotte où elle plonge avec sa pétoire, elle qui ne sait pas nager ! Mais ce n’est pas grave, et tu vas comprendre pourquoi. Dans son rush involontaire, tatie Gertrude a accroché du bout de son soulier, le câble qu’elle m’a obligé de poser. Ledit trempe à présent dans la piscine dont les trois occupants sont instantanément foudroyés !