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Elle commence de quelle manière, cette affaire ? Bicéphale au départ : Marmelard, Fauboursin. J’opte pour le premier. Voilà un type qui a hérité de son papa une grosse entreprise de transports. Il est coureur de culs et néglige son épouse et ses affaires. C’est Azzola, son bras droit, qui s’occupe de l’une et des autres. Pendant ce temps, Marmelard file le parfait amour avec la fille de sa maîtresse Mado, une ingénue perverse. Quelqu’un le prend en photo pendant qu’il embroque la polissonne et se met à le faire chanter.

Seconde tronche de l’histoire : Fauboursin Denis, ancien baroudeur-mercenaire, chômeur, patineur, en route pour la cloche. Il est abordé par une jeune femme en tailleur blanc se déplaçant à bord d’une Audi décapotable immatriculée en Suisse. Elle le paie pour qu’il accomplisse un simulacre d’assassinat sur Marmelard. Le gars accepte. Le voilà piqué profond car il y a des vraies bastos dans le chargeur à la suite des balles à blanc, et il tue bel et bien le transporteur en croyant seulement l’effrayer.

J’enquête. La veuve Marmelard se fout du drame comme de sa première culotte « Bateau ». Béru découvre dans sa salle de bains la fameuse photo compromettante.

Visite ensuite à la maîtresse qui chique les mijaurées, mais je la ramène à la modestie avec d’autres images hard de son cul.

Marmelard entretenait grassement les dames Ravachol. Ce, grâce à un trafic, encore mystérieux, qu’il avait mis au point avec des employés de lignes aériennes. Dans ce secteur, tout est à faire du point de vue des investigations.

L’araignée de passage est arrivée à destination et la voici qui fait de la varappe en partant de la tringle en bois des doubles rideaux de cretonne.

Où en étais-tu, Antoine ?

Antoine m’amène à Toinet, mon chérubin de choc. Il m’a demandé de le laisser aller en Suisse enquêter sur la fameuse Audi bleue. J’accorde. Il faut donner aux jeunes la possibilité de s’exprimer. Une fois à Genève, il a contacté les autorités compétentes et dressé la liste des Audi décapotables bleues. Trois noms sont sortis du chapeau. Deux des bagnoles appartiennent à un trafiquant de came (l’une étant réservée à sa femme, laquelle possède une galerie), la troisième est la propriété d’un sage gérant de fortunes qui possède un bambin exquis et une épouse qui ne rate pas les pafs passant à sa portée, à condition qu’ils ne soient ni trop chauds, ni trop lourds, et qu’il n’y ait pas besoin d’une échelle double pour les cueillir.

Les gens du chalet, forbans de haut lignage, mis à rude épreuve, nient énergiquement avoir kidnappé Antoine II alors qu’ils admettent s’être emparés des Bérurier père et fils et se livrer à un trafic de drogue.

Ça grince éperdument. Ne sais plus à quel singe me louer (Béru dixit).

Et je n’ai toujours pas sommeil. Demain, aux aubes pourpres, je retournerai voir Mme Strengerïnzenaïte pour lui demander si Toinet lui a rendu visite. Il est capital que je sois fixé sur ce point.

L’araignée a disparu : elle doit être embusquée.

Embusqué !

Je me lève d’un bond, me vêts et fonce récupérer ma chignole pour me rendre à Corsier.

* * *

Vingt broquilles plus tard, on peut en effet me traiter d’embusqué.

J’ai dégauchi une petite voie privée (un écriteau indique : « Réservé aux bordiers ») presque en face de la propriété des Bergovici. Ça remue-ménage. Des flics, des ambulanciers, des pompiers, des journalistes. Le « tragique accident » a rameuté Genève. Demain les baveux sortiront avec des affichettes spéciales du style : « Nuit rouge à Corsier. » J’ai rentré ma tire en marche arrière, prêt pour une décarrade d’urgence. Toujours se tenir en position de départ imminent, c’est l’une de nos recettes poulardières.

Une vitre baissée, bien calé sur mon dossier, je visionne le va-et-vient. On emporte les corps dans un crépitement de flashes. Puis les pompiers, inutiles, se cassent sans brancher leur turlu pimpon, respectant ainsi la dorme d’une population paisible, aux nuits pasteurisées.

Ce sont les draupers qui jouent rip en dernier, flanqués des journalistes qui font toujours la voiture-balai pour si des fois…

Le calme est revenu. Le clair de lune (aussi beau que la lune de Claire) brave les nuages suisses. J’attends. Quoi ? Le sais-je ? Rien, probablement. Ou bien tout, sait-on jamais ? Le sommeil qui me fuyait dans ma chambre vient taquiner mes paupières en capotes de fiacre. Je bâille, ce qui me fait bâiller. Rien de plus communicatif.

Me mets à dormir insidieusement, sans toutefois perdre le contact avec les réalités. En état de veille, tu vois ? Tu sais parfaitement où tu es, ce que tu y fais, et pourtant t’en écrases, mon pote.

Il y a un aspect hallucinatoire dans cet état comme ma queue (que dit Béru pour comateux). Ça permet au temps d’aller l’amble. Le temps qui sur chaque ombre en jette une plus noire (que dit non pas Béru, mais Victor).

Et puis j’émerge, because un bruit de motocycle. Je vois radiner un Martien, casqué d’une coupole brillante comme un cafard sous la pluie.

Il se pointe devant la grille de Bergovici. Le chien qui, depuis lurette a récupéré, donne de l’olifant.

L’arrivant, sans peur, passe sa main gantée à travers les barreaux et lui flatte la caboche en lui prodiguant des mots tendres. Effet miraculeux : le molosse frétille de contentement.

Bientôt, une loupiote s’allume sur le perron et la « rescapée » de la nuit, ma « complice » autrement dit, vient ouvrir au visiteur nocturne. Lorsqu’ils sont en présence, ils s’étreignent ardemment et je perçois les sanglots de la femme. Puis ils remontent l’allée et disparaissent dans la casa.

Le gars mézigue compte posément jusqu’à 8 et demie avant d’abandonner mon poste de guet. Je m’approche de la ronfleuse de l’arrivé et lui baise une bougie. Après quoi j’examine l’espèce de « boîte à gloves » située sur le haut du réservoir. J’y trouve la carte grise du bolide et l’empoche, me promettant d’en prendre connaissance dès que je gagnerai une zone éclairée.

Je poursuis par la fouille des sacoches.

Bonne idée. L’une d’elles contient différentes choses usuelles, telles qu’une paire de mocassins souples, des outils de mécanicien, un rouleau de corde en nylon, une casquette, style anglais, à petits carreaux.

Dans la seconde sacoche, il n’y a qu’une trousse de pharmacie « premiers secours », lourde et de fortes dimensions. Ayant arraché la bande adhésive de fermeture, j’avise une vraie panoplie médicale : flacons, pinces, bandes de gaze, toutime. Plus une pochette de cuir fauve, très souple qui pèse son poids. Je l’ouvre. Elle contient un pistolet dont la crosse s’articule pour se placer dans l’alignement du canon, ce qui transforme l’arme en une espèce de tube chromé dont, à première vue, on ne décèle pas très bien l’usage. Il faut être homme d’expérience comme moi pour déterminer de quoi il s’agit.

Instrument intéressant : son conditionnement est astucieux puisqu’il se trouve en compagnie d’éléments susceptibles de réparer les dégâts qu’il commet !

Je remets le canon dans sa position de tir et fait jouer le chargeur. Il contient six délicates pralines de forme plus allongée que les balles traditionnelles. M’est idée qu’elles doivent offrir une particularité, ces prunes. Etre explosives, ou anesthésiantes, ou n’importe quoi de pas piqué des charançons.

Je coule le canon du feu dans mon bénouze, à l’arrière, car, en cas d’accide, je veux bien à la rigueur laisser un morceau de dargiflard dans l’aventure, mais pas les claouis !

Cela fait, je poursuis mon attente. Quel feu sacré nous dope, nous les guerriers de l’ombre, pour que nous soyons capables d’immobilité, malgré notre sang bouillonnant ?