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« Et maintenant, tous ensemble, nous allons chanter l'hymne national : La Marseillaise », qu'il écriait, le Générai. Exaguetement ainsi, j'change rien, mot pour mot.

Il a entonné le premier, pas feignant de la glotte. J'ai rien cont' sa chère mémoire, mais c'tait pas Caruso, le Gaulle. Je mordais son astuce de faire chanter les autres : ça permettait de couvrir ses fausses notes. La foule y a été av'c les zenfants d'la patriiiiii-i-e. Tout le populo, sans excession. Y compris les putes, à leurs fenêtres, y compris toujours la celle que je fourrais à la langoureuse.

« Aux armes, citoiliens ! »

Embroquer une polka qu'est en train de mugir les féroces soldats de la Marseillaise, crois-moi, mauviette, pour un tendeur comme tonton, c'est d'là sensation surchoix.

Tu vois : de Gaulle…

Il aura passé sa vie à être immortel.

Et puis il est mort.

Et maintenant, à tête reposée, j'me demande s'il a de beaux restes. C'est ça, français : à poser des questions. Toujours, sur n'importe qui…

Je m'ai enterrompu pour écluser. La jacte, ça t'affûte la pépie. Je me serais bien cogné une boutanche de picrate, mais le pinard, ici, est inconnu au bataillon.

J'ai dégauchi qu'une sorte de limonade trop sucrée. Pouhâ ! A présent j'ai encore plus soif. Tiens, ça, ça me fait tarter, la perspective de mourir en ayant soif.

Salaud de Vieux ! C't'à cause de lui que je vas agonir av'c une menteuse comme un os de seiche. Y'a des mecs que leur conscience ressemble à un mur de chiottes publiques.

Note, je dis : les chiottes publiques, mais y'a qu'en France et dans les pays sud qu'elles sont détéroriées pareillement. Oui, que chez des peuples comme nous, ou pire que nous, qu'on saccage le bien public : les taxiphones, les gogues, les parcotaumètres, les esquares, tout ce qu'est gratissement à la portée des vandaux. Il est destructif, le Français, ayons pas crainte d'affirmer. Il enrogne de tout ce qu'est pas à lui. Et ce qu'est pas à lui commence à partir de ce qui appartient aussi aux autres. Lui suffit pas de l'usurfruit des choses. Il s'les veut pour lui tout seul, l'apôtre.

Mais enfin, c'est pas à l'instant de crever que j'te vas ratiochiner sur des chiottes esquintées, alors que j'te causais politique. Tout de même, reconnais, ma souris, que chier en Suisse ou en Allemagne, c'est un vrai bonheur. Quoi d'mieux qu'd'se soulager dans des cagoinsses proprets, que la chasse fonctionne, que l'abattant n'est point arraché, le siphon pas ostrué et qu'tu disposes même de vrai faf à train satiné pour t'torchonner l'oigne. Dans un coinceteau où qu'les usagers usagent rien, ni n'dépaquettent à côté de la gagne. Moi, j'serais suisse, suédois, n'importe, je chierais la tête haute. En France, tu n'peux pas, t'as trop besoin d'r'garder où qu'tu fous les pieds !

Martin Martin, je m'ai mis à enquêter en loucedé sur son propos. Sa mort, y'avait j'sais pas quoi d'bizarre. Tu l'imagines, sortant du théâtre des Champs-Élysées en compagnie d'sa dame grincheuse, tu sais : l'ancienne escrétaire d'venue rombière guindée ? Il serre des louches au vestiaire : des artisses, d'aut' politicards, des industriels, le gratin parisien. Et puis il suit à pincebroque l'avenue Montaigne jusqu'à la rue Jean-Goujon où qu'il a garé sa chignole. Il est seul, sa bergère ayant monté dans la tire d'un couple d'aminches dont y doivent tous se r'trouver pour une jafouille de nuit au Coupe-Chou, rue de Lanneau.

Il arrive à l'hauteur de sa grosse Jag noire à cocarde. Cherche ses clés dans sa vague pour délourder. A c't'instant, les témoins racontent, une D.S. noire s'est avancée, tous feux éteints. Elle devait poireauter d'vant t'une porte cachère. Un type à chapeau rabattu la drivait. Un aut' est descendu en souplesse, une rapière de fort calibre à la main. Y s'est présenté dans l'dossard à Martin, et, presque à bout de portant, te l'a seringué de première, calmement. Quatre dragées, dont deux dans le guignol : une épée ! L'est regrimpé dans sa charrette et y z'ont enfui, ces gribouilles. Martin Martin gésissait sur le trottoir, en raidissant d'urgence, comme mon zizi, lorsqu'au Service militaire, j'y accrochais un seau de moutarde de deux kilos pour montrer aux copains c'que c'est qu'de vraiment bander authentiquement, sauf le respect que j'te dois pas vu qu'après tout, tant que j'vis z'encore, je reste ton oncle et tuteur.

C'est tricstement ça, l'affaire Martin Martin. Sa bergère et le couple ami ont resté des heures à bouffer des amuse-gueules au Coupe-Chou en l'attendant. Le couple, s'agissait d'une fabrique de meubles de l'arrondissement que Martin était député. Devait y avoir de l'enveloppe rebondissante en vadrouille sous les tables quand ces gens croquaient ensemble. Du pas déclaré, espère. D'nos jours, c'qui se vend le mieux, et le plus cher, c'est le coup de tampon, ou bien le solo de piston. Une belle aubade en haut lieu ça n'a pas de prix. Ou plutôt si, et il est élevé !

T'es une fille, donc tu deviendras une femme, Marie-Marie. Et comme les nanas s'affranchissent sans cesse davantage, tu pourrais être tentée un jour par la politique. Je vais te donner mon avis absolu : garde-toi-z'en bien, mon rat.

La politique, parole de Bérurier, ça n'existe pas. C'est une illuse, un piège à cons, l'idée que s'en font les électeurs. La politique, telle qu'elle se pratique en tout cas chez nous, c'est pas la peine. Tu m'entends, mignonne ? Pas la peine. Ça l'a p't'ête été, ça ne l'est plus. Doré de l'avant, y'a plus qu'des nécessités ; des problos à résolver et pas trente-six moiliens pour y arriver. Écoute un gauchard et un droitier : y sont forcés de t'parler le même langage, parce que c'est plus possible de comporter autrement. Le monde tourne de plus en plus vite à cause qu'a dessus de plus en plus de pégreleux. Faut faire face. Alors, tomatiquement, on va vers l'unisson des opinions car les opinions c'est un luxe qu'on pourra bientôt plus s'offrir. Un rejoindrement général est obligé pour le salut public ; est-ce qu'tu m'entraves corréquement, tellement que c'est subtilisé comme argument ? Quand un barlu prend l'eau, on pompe la flotte, t'es bien d'accord ? Car on a beau se met' la cervelle en tire-bouchon, ma loute, il est pas question d'agir différentiellement. Eh ben, c'est ce qui nous arrive : l'univers fait de l'eau et on doit se remuer le cul à pomper, tout le monde. Que t'aies une faucille-marteau au revers ou une fleur de lys, tu dois acharner à vacuer la tisane qui risque d'nous entraîner dans les fins fonds. Seulement ils veulent pas admett', les uns les autres. Se barricadent dans leurs châteaux de sable. Y s'entre-engueulent hargneusement : « Mais non, faut pas pomper commak ! Regardez-le comme y pompe, lui, là-bas, ce sale Contre ! Tandis qu'nous aut', les gentils Pour, on a une techenique infaillib'. Au lieu d'pomper de bas z'en haut, on pompe de haut t'en bas, nuance ! ».

Tu veux mon n'aveu, Marie-Marie ? Si j'aurais pas eu le bonheur d'amour et çui de manger, j'en eusse crevé d'honte à la vue de ces simagrées qui continuent pis qu'toujours. Qu'enflent et déglinguent tout. Qui nous feront couler à pic bientôt, c'est certain, écrit, admis. Heureusement que pour moi, aimer est une fête, bouffer aussi…

En étudiant l'affaire Martin Martin, j'ai été introduit à étudier le problème politique. A confimer c'que je me doutais bien, et depuis toujours… A savoir que l'homme politique, son métier, son seul métier, c'est de faire semblant. Même quand il lu arrive d'êt' sincère, il fait semblant. C't'obligatoire. Il fait semblant de faire semblant, pour avoir l'air véridique, s'aligner sur le modèle breveté, passe-partout, le seul en vigueur, qu'autrement les zélecteurs n's'y retrouveraient plus et te l'enverraient chez Plumeau, le perruquier des zouaves, aux Législatives suivantes.