Bon, v'là qu'un soir, on dérogue d'nos habitudes, moi et Berthe, rapport à m'sieur Firmin, un pensionnaire qu'c'était l'anniversaire. On avait arrosé ça trop copieus'ment, tout l'monde. Café, pousse-café, mousseux, re-pousse-café, re-mousseux, et beaujolais villages pour terminer. Mais à flot, l'beaujolpif ! Ma Berthaga était cointchée raide. A peine qu'on a pu l'hisser, moi et l'taulier, jusqu'à not' chamb'. Elle s'est abattue su' l'dodo comme le chêne dans l'bouquin de Juste Fontaine après qu'y s'soye payé la frime au roseau, c'grand con glandeux. Et d'ronfler, ma pauvre choute, de ronfler pis qu'un banc d'essayage chez Mercédès ! Ah, sacrée Berthe !
S'l'ment ça n'arrangeait pas mes bidons, sa beurranche. Dis, j'voulais pas faire ballon d'brosse, mézigue. J'avais contrasté des habitudes, déjà, et j'eusse pas parv'nu à pioncer sans la lime du soir. Alors j'm'mets à bricoler la Berthe, essayer d'lu placer mon bidule à la volée. J't'en fous ! Une vraie vache crevée, ma jeune épousée. N'importe quelle posture qu'j'essayais d'la mett', poum, ça déjantait ! Bon, à la fin du compte, j'comprends qu'y m'faudra écraser l'coup pou' c'soir-là. Et j'maudissais les cinquante carats à m'sieur Firmin, c'vieux con, l'idée qu'il avait eue, une gueule pareille, de s'payer un vrai Quatorz'juliet pou' son d'mi-siècle, l'espèce d'ganache. Mais qu'est-ce y's'croivent, les gensss, bordel ! Quelle prétention ! C'te marotte d'faire des fiestas pour n'importe : un môme qui leur naît, un anniversaire, un enterr'ment, un gain au tiercé ! Leur modestie, tu r'pass'ras ! Y s'prendent pour' l'cent' d'l'universel, tous.
Et j'étais là, à l‘maudire, l'enflure d'm'sieur Firmin. A m'dire qu'à pareille heure, s'chercher un produit d'remplac'ment au pied levé, tu parles, mon œil ! Asnières, tu connais, à une plombe du mat ? Bon, j'insiste pas.
Quand y'm'vient une idée.
Mais alors une…
Merde, la bande !
ONZIÈME BOBINE
— FACE 1 —
C'est en m'd'mandant qui donc y'aurait à fourrer, dans c't'hôtel, à une heure tell'ment avancée.
« On voira bien, j'me fais ! ».
Et j'cigogne à coups d'poings la cloison, comme chaque soir « après », pour qu'on apporte l'eau chaude à Berthe.
J'craignais un peu qu'y fusse trop tard, et qu'la p'tite Louise dormisse. Mais point du tout. Dedieu de Dieu, c'qu'é l'était valiante, c't'enfant, pou' son âge et si mal payée !
Trois minutes plus tard, la v'là qu'ent', portant son broc fumant.
Elle mate l'lit. Voye Berthy d'sus, toute loquée et l'plumzingue pas défait, et d'mande :
— Y'a eu contrord' ?
Moi, j'ai visionné l'couloir. Vu l'heur' tardif et surtout l'état d'Berthy, les pantins avaient pigé qu'aurait r'lâche, et s'étaient zonés comm' des r'traités. Donc, nobaudruche in the couloir, comme disent les Anglais, ces cons !
J'mets la targette.
— Écoute, ma p'tite frimousse, j'dis à Louise, comme tu voyes, ma bonne femme est bourrée comme une vache et rien qu'l'idée d'lu faire l'amour dans c't'état m'convulse le bigoudi.
Elle a fait la grimace, Louise.
— Ça, j'vous comprends !
Les gonzesses, entre elles, c'est peau de bite et consœurs. Quand é peuv' s'attribuer une pique, compte-z'y !
— Alors pourquoi que vous m'avez fait venir l'eau chaude ? demande la petite.
J'lu mets la main su' le cou.
— Parc'que j'avais besoin d'te voir, ma petite frimousse. Tu m'eusses manqué. Si j'te disais que, l'soir venu, j'calce ma femme uniqu'ment pou' avoir une occasion qu'tu viennes !
Et toc, balancé de première, non ? Faut pas craindre, jamais, d'en dire trop. Elles croivent tout, sitôt qu'y l'est question d'elles.
— Oh, monsieur Bérurier, si je me doutais…
— Eh ben, doute-toi z'en doré d'l'avant, ma chérie. Tu me plais, j'pense qu'à toi, et c'est vers toi qu'monte tout mon désir, comme on dit au cinéma, d'allieurs, regarde comme quoi j'te mens pas.
Elle en r'v'nait pas.
— C'est moi toute seule qui vous fais cet état, monsieur Bérurier ?
— Tu le voyes bien ! Ah, soye à moi, Louise. Soye à moi par c'te nuit enchantereuse qu'on est seuls, moi et toi.
— Mais… et elle ?
— Tu voyes bien qu'c'est comme si qu'elle n'serait pas là ! J'te vas la faire culbuter su' la carpette et à nous l'pageot, ma petite reine !
— Mais alors, vous m'aimez, moi ?
— J'sus fou d'amour !
— Et vous n'l'aimez pas, elle ?
Dans ces cas-là, qu'le b'soin s'fait sentir, tu renillerais père et mère, j'ai r'marqué.
— C'est comme si é n'existerait pas, Louise.
— Vous n'ferez jamais plus l'amour avec elle ?
— Jamais plus !
Mince, faudrait qu'j'm'dépatouille l'lend'main, mais l'essentiel c'tait d'assurer mon tout d'sute, non ?
Elle m'a j'té les bras au cou, la chère môme. Et elle m'a laissé lu faire tout c'que j'voulais. La Berthe ronflait plus fort qu'tout, couvrant les soupirs d'là soubrette. Franch'ment, ça n'a pas été mal du tout. Oh, pas d'quoi s'met' la queue en trompette, et é n'arrivait pas à la ch'ville d'ma bergère, c'te bonniche, mais pou' une soirée d'remplac'ment, et d'la part d'quéqu'un qui s'pointe en estra, j'avais pas l'droit d'rechigner.
Quand on a eu fini, ç'a été des bisous à n'en plus finir. Moi, alors, la tendresse d'après, quand c'est pas Berthy, fume ! J'ai qu'une hâte, c'est qu'on m'foute la paix.
— Tu m'as promis, juré, n'est-ce pas, gros minet ? elle m'roucoulait dans les feuilles.
— J't'ai promise quoi ?
— Jamais plus tu la r'toucheras, cette grosse vache.
— J'la r'touch'rai jamais plus, mais c'est pas une raison d'l'injurer. V'là une personne qu'a d'l'estime pour toi, mon p'tit, et que rien n'motive d'lu dire des horreurs. Allez, file te coucher.
L'lendemain, toute la journée, elle m'a traîné des regards lourds comme des serpillières mouillées, p'tite Louise. Elle avait des « je t'aime » plein les mirettes. Et par contre, ses quinquets s'chargeaient d'dynamite cont' Berthe, dont la tendresse qu'ell' m'f'sait preuve l'enrageait. Car Berthy, honteuse d'sa biture d'jeune mariée, cherchait à s'faire pardonner par des câlins mouillés.
L'soir, au moment qu'on est monté se pager, la Grosse et moi, la p'tite Louise s'tenait les bras z'en croix d'vant not' chambre, à jouer l'poilu d'Verdun : « On n'passe pas. » En faite d'poilu, Berthy entendait fort qu'j'm'occupasse du sien, espère !
— Louise, elle dit comme ça à Louise, pour mon eau chaude, ça ne traînera pas, c'soir, vous pouvez d'or et d'orgeat m'la préparer.
La bonne, j'ai cru qu'é l'esplosait. C'te manière qu'é m'a filé un coup de tatane dans la cheville au moment qu'j'l'ai passé devant. Berthy était déjà dans la turne, à s'décarpiller.
— Qu'est-ce tu veux, j'ai chuchoté à Louise, c'est mon épouse légitime, faut bien que j'accomplisse mon d'voir conjugaux.
Et j'sus entré.
La Berthe, le frifri la démangeait du tonnerre, en manque de la veille comme elle s'trouvait.
Chien du ciel, ça n'a pas traîné. T'aurais vu c'te course d'lévriers ! Pas l'temps de se dessabouler complet. Zou : à la casse, l'pot à médéme ! Rrrran, rrran, rrran ! La bigue fantasia !
Bon, on s'termine et on cogne cont' le garandage pou' sonner la baille. Louise s'pointe, son broc en main.
Berthy remplit son violon émaillé pour l'déminage intime. Et d'un coup, mon pauv' p'tit, la v'là qu'hurle, mais qu'hurle comme une damnée. C'te salope d'soubrette avait filé d'l'acide coridrique dans l'eau chaude, et Berthy qu'y s'tait aspergé la crènelure de c'méchant produit jouait Volga en Flammes av'c son gnougnouf. Madoué, ce circus ! On a app'lé l'docteur. Y l'a prescrivu un produit calmant, mais pendant six jours elle a eu la babasse hors d'usage, ma pauv' p'tite madame Béru. Le fion en drapeau russe, merde !