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— Bob ne marchera pas. Il est un peu puritain, vous savez.

— Bon, alors, dans ce cas, je les marierai simplement en ma qualité de premier magistrat de ce prospère petit village. Et vous, ne soyez pas aussi formaliste… Ou alors, envoyez-moi un véritable prêtre !

— Et des femmes, faut-il vous en expédier d’autres, major ? En vous envoyant Estelle, j’ai obéi plus ou moins à une impulsion, mais il y a quantité de jeunes femmes qui se trouvent dans la même situation qu’elle.

Ardmore mit un long moment à répondre :

— Capitaine, vous me posez là une question très délicate. Bien à contrecœur, je suis obligé de vous dire que nous sommes en guerre, et que notre organisation a un caractère militaire et non humanitaire. À moins que vous ne recrutiez une femme qualifiée pour une fonction militaire bien spécifique, vous devez vous garder de le faire, même pour la sauver des bordels panasiates.

— Bien, major. J’y veillerai. Je n’aurais pas dû vous envoyer Estelle.

— Ce qui est fait est fait, et Estelle se débrouille très bien. On peut s’attendre à une guerre assez longue, et je pense que le moral des troupes sera meilleur au sein d’une organisation mixte que dans un environnement strictement masculin. Sans les femmes, les hommes s’effondrent, ils ont du mal à se fixer des buts. Mais la prochaine fois, essayez de nous envoyer une femme plus âgée, une sorte de mère supérieure ou de chaperon. Une infirmière senior serait bien le genre. Elle servirait à la fois d’assistante de laboratoire à Brooks et de gouvernante pour nos chères têtes blondes.

— Je vais voir ce que je peux trouver.

— Et envoyez-nous cet horloger. Nous en avons vraiment besoin.

— Je vais le soumettre à l’hypo-test dès ce soir.

— Est-ce bien nécessaire, Jeff ? Si les Panasiates ont massacré toute sa famille, vous pouvez être assuré de ses sentiments.

— C’est l’histoire qu’il raconte, mais je me sentirai beaucoup plus tranquille s’il me la répète sous l’influence de la drogue. Il pourrait très bien être un mouchard, vous savez.

— Bon, vous avez raison, comme toujours. Faites votre travail, je ferai le mien. Quand pensez-vous pouvoir installer Alec à la tête du temple, Jeff ? J’ai besoin de vous ici.

— Alec pourrait entrer en fonction dès maintenant. Mais j’ai cru comprendre que mon devoir primordial était de repérer et d’enrôler d’autres “prêtres” capables d’aller sur le terrain, et d’ouvrir seuls une nouvelle cellule.

— C’est exact, mais Alec ne peut-il pas faire cela ? Après tout, c’est ici que nous effectuons les tests décisifs. Nous avons décidé que jamais, en aucune circonstance, la véritable nature de notre organisation ne serait révélée à quiconque avant que cette personne ne se trouve dans la Citadelle et entièrement sous notre contrôle. Donc si Alec commettait une erreur d’appréciation en recrutant un homme, les conséquences ne seraient pas tragiques.

Jeff ne savait comment aborder le sujet qui le préoccupait.

— Écoutez, patron, ça peut paraître très simple, vu depuis la Citadelle, mais ici, c’est différent. Je…

Il s’interrompit.

— Qu’y a-t-il, Jeff ? Vous avez la trouille ?

— Apparemment.

— Pourquoi ? Il me semble que l’opération se déroule selon le plan prévu.

— Euh… Oui, peut-être. Mais, major, vous avez dit que ce serait une guerre assez longue…

— Oui ?

— Eh bien, c’est impossible. Si c’est une guerre qui se prolonge, nous la perdrons.

— Mais elle ne peut qu’être longue ! Nous ne nous risquerons pas à entreprendre une action directe, tant que nous n’aurons pas des hommes de confiance prêts à attaquer simultanément dans tout le pays.

— Oui, oui, bien sûr, mais il faut que le délai soit le plus bref possible. Quel est, selon vous, le plus grand danger que nous courons ?

— Ma foi, que quelqu’un nous trahisse, soit involontairement, soit délibérément.

— Je ne suis pas du tout de cet avis, major. Votre opinion est due au fait que vous voyez les choses depuis la Citadelle. Moi, vu d’ici, j’appréhende un autre danger, totalement différent, qui m’angoisse continuellement.

— Mais de quoi s’agit-il, Jeff ? Parlez.

— Nous avons une véritable épée de Damoclès sur la tête, car je crains que les Panasiates ne deviennent soupçonneux à notre égard. Ils peuvent penser à tout instant que nous ne sommes pas ce que nous prétendons être, à savoir une de ces religions occidentales de pacotille, juste bonnes à faire tenir les esclaves tranquilles. Si cette idée leur vient avant que nous soyons prêts, nous sommes foutus.

— Jeff, ne vous mettez pas dans des états pareils. Au pire, vous êtes assez équipés pour regagner la base en vous battant. Ils ne peuvent pas utiliser une bombe atomique contre vous dans une de leurs villes principales, et Calhoun dit que le nouveau bouclier de la Citadelle est capable de la protéger même d’une bombe atomique.

— J’en doute, mais, même en l’admettant, quel bien cela nous ferait-t-il ? À supposer que nous puissions tenir le coup dans la Citadelle jusqu’à ce que nous mourions de vieillesse, si nous n’osons pas mettre le nez dehors, nous ne risquons pas de libérer le pays !

— Hmm… Non, mais cela nous donnerait le temps d’échafauder un autre plan.

— Ne vous faites pas d’illusions, major. S’ils comprennent, nous sommes liquidés… et le peuple américain perd son ultime chance d’être libéré, jusqu’à la prochaine génération tout au moins. Nous sommes encore trop peu nombreux, quelle que soit la puissance des armes que Calhoun et Wilkie peuvent concocter.

— Mais même si je dois vous donner raison, vous saviez tout cela avant de partir. Alors pourquoi cette panique soudaine ? C’est le traumatisme du soldat au front ?

— En un sens, oui, peut-être. Mais je veux vous exposer les dangers tels que je les entrevois ici, sur place. Si nous étions vraiment une secte religieuse, sans aucune puissance militaire, ils nous ficheraient la paix jusqu’à la Saint-Glinglin, pas vrai ?

— Exact.

— Alors, le danger réside dans ce qu’il nous faut faire pour dissimuler tout ce que nous ne sommes pas supposés posséder. Et toutes ces choses sont là, sur le terrain. Tout d’abord, dit Thomas en comptant sur ses doigts, oubliant que son supérieur ne pouvait pas le voir, il y a le bouclier du temple. Nous sommes obligés de l’avoir, car nous ne résisterions pas à une perquisition, mais le fait de l’utiliser serait presque aussi dangereux. Si une huile panasiate se met en tête d’inspecter les lieux en dépit de notre immunité, c’est la fin des haricots. Je n’oserai pas le tuer et je n’oserai pas non plus le laisser entrer. Jusqu’à présent, avec l’aide de Dieu, de mes beaux discours et de mes pots-de-vin généreux, j’ai pu les tenir à distance.

— Mais ils connaissent déjà les effets des boucliers, Jeff. Ils en ont été avertis dès le premier contact avec notre religion.

— Vous le croyez ? Moi pas. Quand je me remémore mon entrevue avec le gouverneur, je suis convaincu qu’ils n’ont pas cru l’officier ayant essayé de pénétrer de force dans le Temple suprême, quand il a fait son rapport. Et vous pouvez parier votre chemise que, à l’heure actuelle, il est mort. C’est comme ça qu’ils fonctionnent. Et les hommes de l’escouade, eux, ne comptent pas.

“Deuxièmement, il y a aussi le bouclier individuel que nous autres, les “prêtres”, nous portons. J’ai fait usage du mien une seule fois, et je le regrette. Fort heureusement, j’ai eu affaire à un simple soldat ; il ne racontera pas l’incident, car on ne le croirait pas et il perdrait la face.