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— Major Ardmore ! Major ! Réveillez-vous !

— Hmm… Pff… s’ qu’il y a ?

— Réveillez-vous ! La Citadelle vous appelle, et c’est urgent !

— Quelle heure est-il ?

— Bientôt huit heures. Vite, major !

Il était à peu près bien réveillé quand il atteignit le visiophone. Thomas attendait à l’autre bout du fil, et dès qu’il vit Ardmore, il se mit à parler :

— La situation a évolué, chef, mais en mal. Les Panasiates raflent systématiquement tous les membres de nos congrégations.

— Hmm… Il fallait s’y attendre, je suppose. Où en sont-ils ?

— Je l’ignore. Je vous ai appelé dès que j’ai reçu le premier rapport et il en arrive à jet continu, de tous les coins du pays.

— Bon, je crois qu’il vaut mieux ne pas perdre une minute.

Les prêtres, armés et protégés, pouvaient courir le risque d’une attaque, mais tous ces gens étaient absolument sans défense.

— Chef, vous vous souvenez de ce qu’ils ont fait après le premier soulèvement ? C’est très inquiétant, chef… J’ai peur !

Ardmore comprenait l’angoisse de Thomas : il l’éprouvait lui-même, mais il ne le laissa pas transparaître sur son visage.

— Ne vous affolez pas, mon vieux, dit-il avec douceur. Jusqu’à présent, il n’est rien arrivé aux nôtres. Et nous ne permettrons pas que cela change.

— Mais, chef, qu’allez-vous faire ? Nous ne sommes pas assez nombreux pour pouvoir les arrêter avant qu’ils aient tué des foules de gens.

— Nous ne sommes sans doute pas assez nombreux pour agir directement, mais il y a un autre moyen. Continuez à recueillir des renseignements et recommandez bien à tout le monde d’éviter toute action prématurée. Je vous rappelle dans un quart d’heure.

Ardmore coupa la communication avant que Thomas ait pu ajouter quoi que ce soit.

Cela demandait réflexion. Si Ardmore pouvait équiper chaque homme d’une crosse, tout serait simple. L’effet protecteur de la crosse était théoriquement à l’épreuve d’à peu près tout, sauf peut-être d’une bombe atomique ou de gaz asphyxiants. Mais l’atelier de fabrication et de réparation avait déjà dû fournir un gros effort pour que chaque nouveau prêtre ait sa crosse. En avoir une pour chaque fidèle était hors de question, puisque la Citadelle n’en était qu’au stade de la fabrication artisanale. Et, de toute façon, il en aurait eu besoin sur-le-champ.

Un prêtre pouvait étendre son bouclier à n’importe quelle superficie ou n’importe quel nombre de gens, mais, avec cette utilisation intensive, le champ de protection devenait si ténu qu’une boule de neige adroitement lancée pouvait le briser.

— Zut !

Ardmore se rendit compte qu’il considérait de nouveau le problème sous l’angle d’une action directe, bien qu’il sache parfaitement que toute recherche en ce sens était vaine. Ce qu’il lui fallait inventer, c’était une sorte de jiu-jitsu psychologique, un moyen de retourner la force des Panasiates contre eux-mêmes. Les dérouter, voilà ce qu’il fallait faire ! Chaque fois que les Panasiates pouvaient s’attendre à une réaction spécifique, il fallait l’éviter, et réagir tout à fait autrement.

Mais quelle autre réaction adopter ? Quand il pensa avoir trouvé la réponse à cette question, Ardmore appela Thomas :

— Jeff, dit-il dès qu’il le vit apparaître sur l’écran, branchez le circuit A.

Le major parla quelques minutes à ses prêtres, s’exprimant avec lenteur et minutie, en soulignant bien certains points.

— Et maintenant, conclut-il, avez-vous des questions ?

Et il passa encore plusieurs minutes à répondre à des demandes de précisions qui lui parvinrent, par relais, de différents diocèses.

Ardmore et le prêtre de la paroisse quittèrent le temple ensemble. Le prêtre avait bien essayé de le persuader de rester à l’abri, mais le major avait balayé ses objections. Le prêtre avait raison ; Ardmore savait, au fond, qu’il n’aurait pas dû courir personnellement des risques qu’il pouvait éviter, mais il éprouvait une sorte de volupté à s’affranchir des recommandations timorées de Jeff Thomas.

— Comment pensez-vous découvrir où ils ont emmené les nôtres ? s’enquit le prêtre.

C’était un ancien agent immobilier nommé Ward, intelligent et plein de ressources. Ardmore l’appréciait beaucoup.

— Eh bien, que feriez-vous si je n’étais pas là ?

— Je l’ignore. J’irais sans doute au poste de police le plus proche essayer de soutirer des renseignements par la menace au Chinetoque de service.

— Ça me paraît raisonnable. Où y a-t-il un poste ?

Le poste central de la police panasiate se trouvait à proximité du palais, à quatre ou cinq cents mètres au sud. Sur leur chemin, les deux hommes rencontrèrent de nombreux Panasiates, mais aucun d’eux ne chercha à les arrêter. Les Orientaux étaient stupéfaits de voir deux prêtres de Mota circuler paisiblement sans paraître se soucier de rien. Même les policiers en uniforme ne semblaient savoir quelle attitude adopter, comme si leurs instructions ne prévoyaient pas ce cas-là.

Toutefois, quelqu’un avait téléphoné pour annoncer leur approche. Un officier asiatique les attendait nerveusement sur le seuil et leur cria :

— Rendez-vous ! Vous êtes en état d’arrestation !

Les deux hommes se dirigèrent aussitôt vers lui, puis Ward leva la main et le bénit en disant :

— La paix soit avec vous ! Conduisez-moi auprès des miens.

— Vous ne comprenez pas mes paroles ? glapit l’autre, tandis que sa voix prenait une intonation suraiguë et qu’il portait une main tremblante à son étui de revolver. Vous êtes en état d’arrestation !

— Vos armes terrestres ne vous permettent pas de vous mesurer au grand dieu Mota, dit calmement Ardmore. Le dieu Mota vous commande de me conduire auprès des miens. Prenez garde !

Le major continua d’avancer jusqu’à ce que son bouclier individuel heurte l’homme.

Cette pression impalpable de l’écran invisible était plus que n’en pouvait supporter le Panasiate. Il recula d’un pas, sortit brusquement son arme de l’étui et tira à bout portant. Le rayon vortex s’écrasa sans dommage contre le bouclier, qui l’absorba.

— Le Seigneur Mota s’impatiente, remarqua Ardmore paisiblement. Obéissez à son ordre avant qu’il ne s’attaque à votre âme et ne l’aspire hors de votre corps.

À ces mots, le major utilisa une autre variante de l’effet Ledbetter, qui n’avait jamais encore été employée à l’égard des Panasiates.

Le principe en était fort simple. L’appareil projetait une stase cylindrique formée par des rayons de traction et de pression, ce qui créait un tube, dont Ardmore recouvrit le visage du Panasiate. Il activa ensuite un rayon de traction dans le tube. L’infortuné essayait en vain de respirer et de s’arracher le tube du visage. Quand le nez de l’Asiatique se mit à saigner, Ardmore le libéra en demandant à nouveau avec douceur :

— Où sont mes enfants ?

L’officier de police, sans doute instinctivement, voulut s’enfuir en courant. À l’aide d’un rayon de pression, Ardmore le cloua contre la porte, puis il activa de nouveau le tube, cette fois jusqu’à la taille :

— Où sont mes enfants ?

— Dans le parc, haleta l’homme, avant d’être pris de violentes nausées.

Ardmore et son compagnon, l’air très digne, firent demi-tour et redescendirent posément les marches du perron, balayant placidement hors de leur chemin, à l’aide du rayon, ceux qui s’approchaient de trop près.

Le parc entourait ce qui, jadis, avait été le capitole de cet État. Les deux hommes y trouvèrent la congrégation parquée derrière des barrières érigées en hâte, et gardée à vue par des rangées de soldats panasiates. Non loin de là, sur une plate-forme, des techniciens étaient en train d’installer une caméra pour la retransmission télévisée. Il apparaissait clairement qu’une nouvelle “leçon publique” était sur le point d’être infligée aux esclaves. Ardmore ne vit nulle part l’appareil, assez volumineux, qui émettait les rayons épileptogènes. Soit on ne l’avait pas encore apporté, soit on se proposait de recourir à un autre mode d’exécution – peut-être que les soldats présents constituaient un immense peloton d’exécution.