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Ardmore fut un instant tenté d’utiliser sa crosse pour assommer tous les militaires se trouvant là. Ils étaient au repos, avec leurs armes en faisceaux, et le major aurait vraisemblablement pu les neutraliser avant qu’ils ne s’attaquent non pas à lui, mais aux prisonniers sans défense. Néanmoins, le major se ravisa. Quand il avait donné ses ordres aux prêtres, il avait eu raison : il fallait y aller au bluff. Il lui était impossible d’anéantir sans exception tous les soldats que les autorités panasiates pouvaient lancer contre lui, et il lui fallait pourtant emmener toute cette foule jusqu’à l’abri que constituait le temple.

Les prisonniers, massés derrière les barrières, avaient reconnu Ward et peut-être aussi le grand prêtre, qu’ils connaissaient au moins de réputation. Ardmore vit l’espoir fleurir sur leurs visages angoissés et ils se pressèrent en avant, confiants. Mais, quand le major se contenta de les bénir rapidement et continua son chemin, suivi de Ward, en direction du commandant panasiate qu’il gratifia de la même bénédiction, le doute et l’incertitude s’emparèrent de nouveau de l’âme des prisonniers.

— La paix soit avec vous ! cria Ardmore. Je suis venu vous prêter assistance.

L’officier panasiate aboya un ordre dans sa langue natale, et deux soldats se précipitèrent vers Ardmore pour tenter de s’emparer de lui. Ils glissèrent contre le bouclier, firent une nouvelle tentative, puis s’immobilisèrent, regardant leur supérieur dans l’attente d’instructions, comme deux chiens déconcertés par un ordre impossible à exécuter.

Ardmore ignora leur intervention et continua d’avancer jusqu’à ce qu’il se trouve juste devant le commandant.

— On m’apprend que mes fidèles ont péché, déclara-t-il. Le Seigneur Mota va les punir.

Sans attendre de réponse, Ardmore tourna le dos à l’officier perplexe et cria, tout en allumant le rayon vert de sa crosse :

— Au nom de Shaam, Seigneur de la paix !

Il balaya de son bourdon la masse des prisonniers qui tombèrent comme si le rayon avait été un vent furieux fauchant des épis. En quelques secondes, hommes, femmes et enfants furent étendus, inertes, sur le sol, avec toutes les apparences de la mort. Ardmore fit alors de nouveau face à l’officier panasiate et s’inclina profondément :

— Le serviteur demande aux maîtres d’agréer ce châtiment.

Dire que l’Oriental fut déconcerté serait rester bien au-dessous de la vérité. L’officier savait comment agir en cas de résistance, mais cette coopération spontanée le laissait pantois. Ça n’était pas prévu par le règlement.

Ardmore ne lui laissa pas le temps de réfléchir :

— Le Seigneur Mota n’est pas satisfait, affirma-t-il. Il m’ordonne de vous faire un don, à vous et à vos hommes. Un don d’or !

À ces mots, il actionna sa crosse et promena un éblouissant rayon blanc sur les faisceaux d’armes se trouvant à sa droite. Ward l’imita, mais du côté gauche. Dès que le rayon passait sur les armes, elles se mettaient à briller et à scintiller ; le métal prenait un nouvel et rutilant éclat. C’était de l’or ! De l’or massif !

Les simples soldats panasiates n’étaient pas mieux payés que dans d’autres armées. Un frémissement parcourut leurs rangs ; on aurait dit des chevaux de course attendant le signal du départ. Un sergent s’approcha d’un des faisceaux, en sortit une arme et l’examina. Puis il se mit à la brandir en clamant quelque chose dans sa langue, d’un ton surexcité.

Les soldats rompirent les rangs.

Ils s’agglutinèrent autour des faisceaux en criant, en dansant. Ils se disputaient les armes, devenues aussi précieuses qu’inutiles, sans accorder la moindre attention à leurs officiers, eux-mêmes gagnés par la fièvre de l’or.

Ardmore regarda Ward et hocha la tête :

— On va leur en flanquer un bon coup ! dit-il, braquant son rayon sur le commandant.

Le Panasiate s’effondra sans même avoir su ce qui le frappait, préoccupé qu’il était par sa perte d’autorité sur ses troupes. Pendant ce temps, Ward s’occupait des autres officiers.

Ardmore administra alors aux prisonniers américains son rayon, afin de renverser l’effet, tandis que Ward utilisait l’effet de désintégration pour ouvrir une large issue dans l’enclos. C’est alors, contre toute attente, qu’il leur resta à accomplir la partie la plus difficile de leur tâche : persuader quelque trois cents personnes, hébétées et désorganisées, de les écouter et de les suivre en bon ordre. Mais en criant des ordres avec énergie et détermination, les deux hommes y parvinrent. Ils durent utiliser les rayons de traction et de pression pour se frayer un chemin au sein de la mêlée formée par les Orientaux luttant furieusement pour la conquête des armes d’or. Cela donna une idée à Ardmore, qui employa les rayons pour faire avancer ses propres troupes, un peu comme une gardeuse d’oies se sert d’une longue baguette pour guider son troupeau.

Ils ne mirent que dix minutes pour franchir la distance les séparant du temple. Nombre des fidèles de Mota haletaient et protestaient, mais ils avançaient quand même au petit trot, et ne furent interrompus dans leur progression par aucun obstacle majeur, même si Ward et Ardmore utilisaient de temps à autre les rayons pour assommer les Panasiates qu’ils venaient à rencontrer.

Quand il franchit enfin le seuil du temple, Ardmore essuya la sueur qui ruisselait sur son front, et qui n’était pas due seulement à cette marche précipitée. Puis, il dit dans un soupir :

— Ward, avez-vous quelque chose à boire ici ?

Avant qu’il ait eu le temps de finir une cigarette, Ardmore fut appelé par Thomas.

— Chef, dit Jeff, nous commençons à recevoir des rapports. J’ai pensé que vous aimeriez être tenu au courant.

— Je vous écoute.

— Jusqu’à présent, l’opération paraît réussir. À l’heure actuelle, environ vingt pour cent des prêtres nous ont fait savoir, par l’intermédiaire de leurs évêques, qu’ils étaient de retour dans leurs temples avec leurs fidèles.

— Des pertes ?

— Oui. À Charleston, en Caroline du Sud, nous avons perdu toute une congrégation. Ils étaient déjà morts quand le prêtre est arrivé. Ce dernier s’est alors déchaîné contre les Panasiates avec sa crosse et en a massacré deux ou trois fois autant qu’ils avaient tué de fidèles, avant de regagner son temple en continuant à se battre et de faire son rapport.

— Très regrettable, dit Ardmore en secouant la tête. Je suis navré qu’il ait perdu tous ses fidèles, mais je déplore encore plus qu’il ait perdu son sang-froid et massacré des Panasiates. Cela m’oblige à dévoiler mon jeu avant d’être prêt.

— Mais, monsieur, on ne peut pas le blâmer, sa propre femme était au nombre des victimes !

— Je ne le blâme pas. De toute façon, c’est fait, et nous devions tomber le masque, tôt ou tard. Cela signifie seulement qu’il nous faudra agir un peu plus rapidement. Rien d’autre ?

— Pas grand-chose. À plusieurs endroits, les nôtres ont subi des sortes d’attaques d’arrière-garde en regagnant les temples, et ont subi quelques pertes.

Sur l’écran, Ardmore vit un messager tendre à Thomas une liasse de feuilles. Thomas y jeta un coup d’œil et dit :