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Hervé Joncour vécut encore vingt-trois années, la plupart d’entre elles serein et en bonne santé. Il ne s’éloigna plus de Lavilledieu et ne quitta pas, jamais, sa maison. Il administrait sagement ses biens, ce qui le garda pour toujours à l’abri de tout travail qui ne fût pas l’entretien de son parc. Avec le temps, il commença à s’accorder un plaisir qu’auparavant il s’était toujours refusé : à ceux qui venaient lui rendre visite, il racontait ses voyages. En l’écoutant, les gens de Lavilledieu apprenaient le monde, et les enfants découvraient l’émerveillement. Il racontait avec douceur, regardant dans l’air des choses que les autres ne voyaient pas.

Le dimanche, il allait jusqu’au bourg, pour la grand-messe. Une fois l’an, il faisait le tour des filatures, pour toucher la soie à peine née. Quand la solitude lui serrait le cœur, il montait au cimetière, parler avec Hélène. Le reste de son temps s’écoulait dans une liturgie d’habitudes qui réussissait à le défendre du malheur. Parfois, les jours de vent, Hervé Joncour descendait jusqu’au lac et passait des heures à le regarder, parce qu’il lui semblait voir, dessiné sur l’eau, le spectacle léger, et inexplicable, qu’avait été sa vie.

FIN

[1] En français dans le texte (N.d.T.)