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A celle qui, prête à donner ses lèvres à la tasse des épousailles, tremble un peu, ne sait que dire, consent à boire, – et n'a pas encore bu.

Stèle au désir

La cime haute a défié ton poids. Même si tu ne peux l'atteindre, que le dépit ne t'émeuve: Ne l'as-tu point pesée de ton regard?

La route souple s'étale sous ta marche. Même si tu n'en comptes point les pas, les ponts, les tours, les étapes, – tu la piétines de ton envie.

La fille pure attire ton amour. Même si tu ne l'as jamais vue nue, sans voix, sans défense, – contemple-la de ton désir.

*

Dresse donc ceci au Désir-Imaginant; qui, malgré toutes, t'a livré la montagne, plus haut que toi, la route plus loin que toi,

Et couché, qu'elle veuille ou non la fille pure sous ta bouche.

Par respect

Par respect de l'indicible, nul ne devra plus divulguer le mot GLOIRE ni commettre le caractère BONHEUR.

Même qu'on les oublie de toutes les mémoires: tels sont les signes que le Prince a choisis pour dénommer son règne,

Qu'ils n'existent plus désormais.

*

Silence, le plus digne hommage! Quel tumulte d'amour emplit jamais le très profond silence?

Quel éclat de pinceau oserait donc le geste qu'elle ingénument dessine?

*

Non! que son règne en moi soit secret. Que jamais il ne m'advienne. Même que j'oublie: que jamais plus au plus profond de moi n'éclose désormais son nom,

Par respect.

STÈLES OCCIDENTÉES

Libation Mongole

C'est ici que nous l'avons pris vivant. Comme il se battait bien nous lui offrîmes du service: il préféra servir son Prince dans la mort.

Nous avons coupé ses jarrets: il agitait les bras pour témoigner son zèle. Nous avons coupé ses bras: il hurlait de dévouement pour Lui.

Nous avons fendu sa bouche d'une oreille à l'autre: il a fait signe, des yeux, qu'il restait toujours fidèle.

*

Ne crevons pas ses yeux comme au lâche; mais tranchant sa tête avec respect, versons le koumys des braves, et cette libation:

Quand tu renaîtras, Tch'en Houo-chang fais-nous l'honneur de renaître chez nous.

Écrit avec du sang

Nous sommes à bout. Nous avons mangé nos chevaux, nos oiseaux, des rats et des femmes. Et nous avons faim encore.

Les assaillants bouchent les créneaux. Ils sont plus de quatre myriades; nous, moins de quatre cents.

Nous ne pouvons plus bander l'arc ni crier des injures sur eux; seulement grincer des mâchoires par envie de les mordre.

*

Nous sommes vraiment à bout. Que l'Empereur, s'il daigne lire ceci de notre sang, n'ait point de reproches pour nos cadavres,

Mais qu'Il n'évoque point nos esprits: nous voulons devenir démons, et de la pire espèce:

Par envie de toujours mordre et de dévorer ces gens-là!

Du bout du sabre

Nous autres, sur nos chevaux, n'entendons rien aux semailles. Mais toute terre labourable au trot, qui se peut courir dans l'herbe,

Nous l'avons courue.

Nous ne daignons point bâtir murailles ni temples, mais toute ville qui se peut brûler avec ses murs et ses temples,

Nous l'avons brûlée.

Nous honorons précieusement nos femmes qui sont toutes d'un très haut rang. Mais les autres qui se peuvent renverser, écarter et prendre,

Nous les avons prises.

Notre sceau est un fer de lance: notre habit de fête une cuirasse où la rosée cristallise: notre soie est tissée de crins. L'autre, plus douce, qui se peut vendre,

Nous l'avons vendue.

*

Sans frontières, parfois sans nom, nous ne régnons pas, nous allons. Mais tout ce que l'on taille et fend, ce que l'on cloue et qu'on divise…

Tout ce qui peut se faire, enfin, du bout du sabre,

Nous l'avons fait.

Hymne au Dragon couché

Le Dragon couché: le ciel vide, la terre lourde, les nuées troubles; soleil et lune étouffant leur lumière: le peuple porte le sceau d'un hiver qu'on n’explique pas.

Le Dragon bouge: le brouillard aussitôt crève et le jour croît. Une rosée nourrissante remplit la faim. On s'extasie comme à l'orée d'un printemps inespérable.

Le Dragon s'ébroue et prend son voclass="underline" à Lui l'horizon rouge, sa bannière, le vent en avant-garde et la pluie drue pour escorte. Riez d'espoir sous la crépitation de son fouet lancinant: l'éclair.

*

Hé! Las! hé, Dragon couché! Enspiralé! Héros paresseux qui sommeille en l'un de nous, inconnu, engourdi, irrévélé,

Voici des figues, voici du vin tiède, voici du sang: mange et bois et flaire: nos manches agitées t'appellent à grands coups d'ailes.

Lève-toi, révèle-toi, c'est le temps. D'un seul bond saute hors de nous; et pour affirmer ton éclat,

Cingle-nous du serpent de ta queue, fais-nous malades au clin de tes petits yeux, mais brille hors de nous, – oh! brille!

Serment sauvage

Tu ne sortiras d'ici que le débat clos entre nous. Vois ces lances, ces os sculptés; entends ces cris, ces fers choqués;

Tu me dois ce versant de la montagne, vingt et vingt esclaves jaunes à longue queue et douze femelles de cette espèce chinoise.

Ne compte sur aucun de ton clan pour régler cette affaire: toi ou moi ou tous les deux tués, – cela, je le jure:

Par ces deux grands chiens au poil fauve crucifiés là-bas dos à dos!

Courtoisie

J'accepte donc cet usage après la lutte: Si, vainqueur, tu le cèdes en dignité à ton vaincu, présente-lui la coupe honorifique (afin de marquer ta victoire décemment).

Vienne alors la bataille et le coup et le geste après le coup: je promets d'être cérémonieux.

Mais, emplissant la corne de vin tiède, – comme il boira, – je verserai, dans le puits sans fond de mon âme,

Tous tes flots doux d'un rire décemment cérémonieux.

Ordre au soleil

Mâ, duc de Lou, ne pouvant consommer sa victoire, donna ordre au soleil de remonter jusqu'au sommet du Ciel.

Il le tenait là, fixe, au bout de sa lance: et le jour fut long comme une année et plein d'une ivresse sans nuit.

*

Laisse-moi, ô joie qui déborde, commander à mon soleil et le ramener à mon auble: Que j'épuise ce bonheur d'aujourd'hui!

Las! il échappe à mon doigt tremblant. Il a peur de toi, ô joie. Il s'enfuit, il se dérobe, un nuage l'étreint et l'avale,

Et dans mon cœur il fait nuit.

STÈLES DU BORD DU CHEMIN

Conseils au bon voyageur

Ville au bout de la route et route prolongeant la ville: ne choisis donc pas l'une ou l'autre, mais l'une et l'autre bien alternées.