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Faut la voir, dans sa combinaison vert tilleul, driver son hélico. Césarine, tu veux parier qu’elle s’explique au karaté et t’aligne le gusman qui voudrait la chahuter de trop près ? Ce ne sont pas les demandeurs qui doivent manquer ! Sa frime, tu peux pas t’empêcher de faire tilt quand tu coltines au moins une livre et demie de bas morceaux entre les jambes.

Je suis installé sur le siège voisin du sien, ce qui me permet de la frimer de profil. Brune, avec une étrange mèche blanche, des taches de rousseur signées U.S.A., un petit pif ravissant, une bouche que t’aimerais voir à l’œuvre sur ton casque à trou, des yeux marron très clair, « ombragés » de longs cils, que disent mes collègues du tout-à-l’égout.

Seule chose contrariante pour moi : elle fume. Son clope se consume seulâbre dans le coin de sa bouche, mais ne lui fait pas fermer un œil comme c’est le cas habituellement.

Ma pomme, privé de dorme, moulu, énervé comme un pou de corps en vacances dans la culotte de Stéphanie de Monaco, malgré mes préoccupances, j’arrive pas à oublier ce que je serais capable de pratiquer comme voies de fait navigables sur cette fascinante personne.

Bien qu’étant d’un Q.I. légèrement inférieur à celui du protozoaire domestique, tu n’es pas sans avoir pigé que ma fameuse idée qui m’a fait crier euréka devant la villa clandestine des Clay, c’était d’affréter un hélico pour tenter de courser le fugitif.

Aux States, l’usage de ce mode locomotoire est très répandu ; nombre de particuliers possèdent leur propre appareil, quant aux compagnies privées, elles sont légions, dirait César.

On n’a eu aucune peine à dégauchir celle qui assure les besoins de Fresno. La gérante en est Mistress Simpson (nom fameux, grâce à la bite de feu le fugace roi Edouard VIII d’Angleterre). Elle n’a fait aucune difficulté pour accepter, moyennant finances confortables, l’étrange mission que nous projetions, à savoir de rattraper avant la frontière mexicaine un mec au volant d’une Porsche décapotable blanche. Histoire de la rassurer, je lui ai montré ma carte de police, mais il est clair qu’elle s’en tartinait le mont de Vénus. J’eusse été Al Capone en personne qu’elle aurait accepté le travail dès l’instant où, moi, j’acceptais ses conditions. On a décidé la stratégie suivante : survol de l’autoroute pour l’aller et si ça ne donne rien, on rebrousse chemin en longeant cette fois la route en corniche. Banco ! Nous sommes partis comme trois bons petits diables héliportés.

Elle vole à assez basse altitude, et le ruban qui se dévide à nos pieds se lit comme un album d’images. Elle a même mis une paire de jumelles à ma disposition, ce qui faciliterait l’identification de Clay si, par chance, on le repérait.

L’appareil est tout neuf. Pimpant. Blanc et orange, c’est très seyant. Il tourne rond (chose essentielle quand on est rotor). Mrs. Simpson y va plein gaz, sachant que notre mec a trois heures environ d’avance sur nous. Ce qui la rassure, c’est que sa vitesse à lui est limitée par la loi, alors que pas la nôtre. Selon le calcul de notre jolie pilotesse, s’il a pris l’autoroute, on devrait l’apercevoir d’ici quatre-vingt-dix minutes environ. Il n’empêche que je scrute dur pour le cas où Irving ne se serait pas élancé sur l’autoroute tout de suite. Derrière moi, Sauveur en fait autant. L’image de la haine, le vieux forban. Il n’en casse pas une broque et reste ramassé sur lui-même, le cou tendu, le regard coagulé, comme s’il était décidé à sauter de l’appareil dès que nous le retapisserons.

A un certain moment, je dérouille une volute de fumaga dans le lampion. La chérie s’en avise.

— La fumée du tabac vous gêne ? demande-t-elle.

— A peine, rétorqué-je ; seulement son goût.

Elle sourit.

— Alors vous ne risquez rien.

— Pas maintenant, fais-je, mais tout à l’heure, sûrement que si.

Elle pige pas.

— Comment ça ?

— Depuis l’instant où je vous ai vue, je pense au baiser que nous échangerons fatalement. Une bouche comme la vôtre et une langue comme la mienne sont fabuleusement, complémentaires, j’espère que ça ne vous aura pas échappé ! Il est impossible que nous nous séparions sottement en se disant « bye ». Nous sommes des humains, Maryse, pas des robots parleurs.

— Je ne m’appelle pas Maryse !

— C’est vous qui le dites !

La voix sarcastique de Sauveur éclate dans mon dos :

— T’es un drôle de chargeur, poulet ! Et c’est pas la délicatesse qui t’étouffe ! Appeler cette polka Maryse, alors que ma gosseline est en train de se faire charcuter, c’est gracieux !

J’avais oublié qu’il a appris l’anglais en geôle, le Turc ! Ma bévue me malmène la thyroïde. Tu parles d’un galoup. Je comprends sa rogne, à beau-papa. Mais enfin, quoi, merde ! je ne suis pas fiancé à sa fille ! On peut prendre du bon temps avec une gerce sans se sentir happé par la chirie des convenances. Dis, faut pas qu’il s’envole, le taulard, qu’il chique à M. le comte dont le palefrenier a défloré la grande gourde !

— Ecoute, vieux crabe, je lui virgule, cette môme me fait penser à Maryse Bastié, l’aviatrice. Tu dois connaître, c’était de ton temps. Voilà pourquoi je lui ai refilé ce blaze. Ça, c’est le primo. Le deuxio, c’est que que si j’ai envie de tirer madame, c’est pas un métèque intégré comme toi qui m’en empêchera ! Si je ne me fais pas bien comprendre, dis-le, je te projetterai des diapos.

Mon coup de sang le fait regagner sa coquille. Pour lui prouver que ses états d’âme je me les mets là où d’autres s’introduisent des suppositoires, des thermomètres, voire des membranes flexibles, je reprends mon gringue avec Mrs. Simpson.

— Si j’avais un voyage de noces à faire, lui dis-je, je le ferais avec cet hélicoptère et vous le piloteriez ! Ainsi je n’aurais pas besoin d’amener une mariée avec moi.

— Vous ne seriez pas un foutu baratineur ? demande-t-elle en rigolant.

— Le bruit en court, mais il est faux, dis-je. Un baratineur est un type qui parle mais n’agit pas. Moi je parle et j’agis.

— Vous ne seriez pas un peu vantard, de surcroît ? demande Mrs. Simpson.

— Un vantard est un type qui se targue d’accomplir des actes qu’en réalité il n’exécute pas. Moi je suis capable de les perpétrer sans m’en vanter. Mais je pense vous prouver d’ici peu la réalité de ce que j’avance. Vous êtes mariée, j’espère ?

— Oui, pourquoi ?

— J’ai remarqué que les femmes mariées sont souvent davantage disponibles que celles dites « libres ». Des enfants ?

— Un garçon.

— Qui joue au base-ball ?

— Exactement.

— Votre époux travaille également dans les hélicos ?

— Non, il a une salle de sport.

— Fitness. Je vois. L’ennemi des ventres de P.-D.G., le masseur de ces dames qui prennent de la cellulite dans des bureaux vitrés. Sa journée terminée, il est fourbu et s’endort devant la télé pendant que vous faites le ménage. Un peu de récré ne vous fera pas de mal.

A l’arrière, Sauveur ronchonne :

— T’as une façon de pratiquer la chasse à l’homme, toi ! La chasse aux miches, oui ! Tu tires plus vite que ta bite, poulet !

— L’homme doit entretenir ses fonctions naturelles pour rester performant, mon drôle. Pour moi, vois-tu, il existe l’amour-cœur et l’amour-cul. Le premier est rare et n’a rien de commun avec l’autre. Il fait de la musique, il provoque les larmes ; le second n’est bruité que par le jet (rotatif de préférence) du bidet.