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« Je crois qu’il faudrait le transférer sur un autre bâtiment, poursuivit-il. Choisissez un commandant dont vous aurez bonne opinion. Vous pourrez alors communiquer librement dans l’espace conventionnel, et les distances vous interdiront tout manquement au règlement tout en vous permettant d’affronter les bouleversements qui se sont produits depuis votre séparation. »

Desjani opina de nouveau puis lui jeta un regard égaré : « Et si cet autre bâtiment était détruit pendant un combat ? Celui sur lequel je l’ai envoyé ? »

Il se demanda s’il n’avait pas déjà entendu ça quelque part. « Pourquoi n’étiez-vous pas sur le même à Quintarra ?

— Nous… Nous avions besoin de prendre un peu de recul. » Elle crispa les mâchoires. « Moi, tout du moins. On a perdu le vaisseau sur lequel il avait été transféré. »

Geary soupira en songeant au fardeau de culpabilité que devait se coltiner Tanya Desjani depuis cette bataille. « Il ne faudrait pas que cela se reproduise. Écoutez, Tanya, tout ce que je peux vous dire, c’est que je ferai mon possible pour ne plus perdre aucun vaisseau. Choisissez un bon commandant, comme Duellos, Tulev ou Cresida, quelqu’un dont vous savez qu’il combattra intelligemment, et demandez-lui comme un service personnel d’accepter Riva à son bord. Si vous vous sentez gênée, je m’en chargerai moi-même.

— Merci, capitaine.

— Et je tiens à ce que vous expliquiez au lieutenant Riva, avant qu’il ne quitte le bord et en termes clairs, que ce n’est pas parce que vous avez encore besoin de prendre un peu de distance avec lui ni parce que vous préférez le voir sur un autre vaisseau, ordonna-t-il. Ne le laissez pas dans l’expectative car, s’il vous arrive malheur à l’un ou à l’autre, il ne saura jamais ce que vous ressentiez vraiment.

— Oui, capitaine. » Elle le scruta, l’incitant à se demander ce qu’il avait bien pu divulguer de son propre passé. « Excusez-moi, capitaine.

— C’est de la vieille histoire, tout ça », répondit-il en détournant les yeux. C’était vrai de presque toute son existence. « Quoi qu’il arrive, j’espère que tout se passera pour le mieux entre vous. »

Il resta assis un bon moment après son départ, hanté par le souvenir d’une femme morte depuis longtemps, tout en se demandant pourquoi il regrettait que Victoria Rione ne fût pas là pour en discuter. Mais Victoria Rione restait persuadée qu’il avait cédé aux pires tentations offertes par la situation et elle ne lui parlait plus de rien. Elle hors circuit, les derniers amis qu’il avait connus étaient disparus depuis des lustres.

Geary posa le pied sur la passerelle de l’Indomptable et fronça les sourcils en voyant le capitaine Desjani tourner vers lui un visage furibond ; mais sa colère, visiblement, n’était pas dirigée contre lui, le personnel de quart donnant l’impression d’avoir récemment subi l’équivalent verbal de dix coups de chat à neuf queues. « Que se passe-t-il ?

— Le capitaine Falco n’est plus à bord, annonça-t-elle. Il s’est arrangé pour se faire transborder par une navette à mon insu. »

Geary jeta un regard aux vigies. « Nous avons présumé qu’il en avait l’autorisation », expliqua l’une d’elles, dont le regard hésitait entre Desjani et lui.

Geary s’assit en secouant la tête. Il aurait dû deviner que Falco saurait suborner de jeunes officiers. « Où pourrait-il aller ?

— Sur le Guerrier, capitaine.

— Le Guerrier ? » Geary aurait plutôt jeté son dévolu sur l’Orion de Numos ou le Majestic de Faresa. « Qui donc commande le Guerrier ? » marmonna-t-il en même temps qu’il manipulait les commandes pour obtenir cette information.

Le capitaine Kerestes. Une touche permettait d’accéder à ses états de service et il les consulta rapidement. Évidemment. Kerestes avait réussi à survivre plus longtemps que la plupart des autres officiers et il avait servi sous les ordres de Falco lors de cette bataille dont avait parlé Duellos. Sur le même vaisseau que Duellos, d’ailleurs. Le verbiage ampoulé des états de service de Kerestes ne lui apprit pas grand-chose, mais, qu’il ne se rappelât point avoir beaucoup prêté attention à lui jusque-là (ni d’ailleurs au Guerrier) l’incita à soupçonner cet homme de n’être pas le plus dynamique et performant de ses commandants.

Il ouvrit un canal privé et appela le capitaine Duellos du Courageux. « Que pouvez-vous me dire du capitaine Kerestes ? Vous étiez sur le même bâtiment à Batana. »

La question eut l’air de surprendre Duellos. « Se serait-il distingué ?

— Le capitaine Falco a réussi à se faire transférer sur le Guerrier. Je me demande pourquoi il a choisi ce bâtiment.

— Parce que Kerestes compense son manque d’initiative et d’intelligence par une obéissance servile. Il fera tout ce que lui demandera Falco. »

Geary hocha la tête en réprimant un sourire. Ne me cachez rien, capitaine Duellos. Dites-moi ce que vous pensez sincèrement de lui. « Kerestes n’est donc pas un problème en soi ?

— Ne vous en préoccupez pas, lui conseilla Duellos. Considérez désormais le capitaine Falco comme le commandant du Guerrier, à tous les sens du terme.

— Merci. » La conversation achevée, Geary contrôla hâtivement la formation qu’il avait planifiée. Il avait posté le Guerrier sur un flanc pour appuyer les unités légères qui le composaient. Il était trop tard, à présent, pour le ramener là où Falco pourrait nuire le moins possible. Je vais devoir faire avec en espérant qu’il est plus accessible aux compromis que je ne le crois.

Il plissa le front, s’efforçant de se rappeler la question qu’il voulait poser juste avant que l’annonce du départ de Falco ne l’eût troublé. « Capitaine Desjani… cet autre officier dont nous avons parlé… La question a-t-elle été réglée de manière satisfaisante ? » Pourvu qu’on ait passé assez de temps dans la flotte, on pouvait exprimer n’importe quoi dans le jargon officiel.

« Il a été transféré sur le Furieux, capitaine, répondit-elle sur le ton d’un rapport de routine. J’ai veillé à ce qu’il soit dûment informé avant son départ de la situation et des raisons qui président à sa réaffectation, comme vous l’avez suggéré.

— Quel effet lui a fait son transfert ?

— Les ouvertures qu’il lui offrait ont paru l’enchanter, capitaine.

— Parfait. » Tout cela avait une tonalité si officielle que Geary parvenait difficilement à se rappeler qu’ils débattaient de problèmes personnels. Il espérait que son conseil aurait des conséquences plus heureuses pour Desjani et Riva que celles qu’il avait lui-même connues. « Dégageons d’ici », déclara-t-il plus ou moins à la cantonade. Après un dernier bref coup d’œil aux images décalées de plusieurs heures des unités légères du Syndic qui filaient sa flotte, et une consultation plus attentive de la longue liste de ses propres vaisseaux afin de vérifier si tous affichaient le signal vert indiquant qu’ils étaient parés, il donna l’ordre de sauter vers Strabo.