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Il coupa la transmission puis respira calmement, à pleins poumons. « Je ne suis vraiment pas fait pour jouer la comédie, déclara-t-il à Desjani.

— D’ici, c’était très impressionnant », le rassura-t-elle. Sans doute son partenariat avec Geary avait-il sensiblement tempéré son attitude envers le massacre des Syndics, mais la menace d’une destruction collective qu’il venait tout juste de diffuser lui plaisait ostensiblement.

Environ une heure et demie plus tard, la flotte frôlait la géante gazeuse extérieure ; les croiseurs et destroyers de son aile la plus proche de l’énorme planète survolèrent les gros et lents vaisseaux miniers, qu’ils décimèrent. Sur l’écran montrant le spectre visible, Geary voyait des formes sombres se déplacer sur le fond vert pâle et lumineux du globe, tandis que ses propres vaisseaux passaient en trombe et que les « javelots » à particules de leurs batteries de lances de l’enfer déchiquetaient les massifs bâtiments désarmés. En affichant d’autres données, il vit les représentations de capsules de survie s’enfuir des vaisseaux miniers, minuscules objets s’éparpillant dans toutes les directions comme les graines d’une cosse éclatée. Il demanda des informations supplémentaires et l’espace se tissa de lignes fines décrivant de gracieuses trajectoires et signalant la course prévue de ses vaisseaux de guerre et des bâtiments civils.

De loin, la guerre pouvait être d’une beauté remarquable. L’ayant connue de très près, Geary n’avait aucun mal à passer outre cette séduction imposée par la distance pour se rappeler les vaisseaux éventrés, les équipages désespérés et les années entières de travail que le tir d’un bâtiment de guerre pouvait réduire à néant en un éclair. Vue du pont d’un des vaisseaux concernés, même une grande victoire n’avait rien de charmant.

Des nuages de fragments en expansion marquaient l’emplacement des installations orbitales qui, d’ores et déjà, avaient essuyé l’impact foudroyant des bombes cinétiques.

« La lumière de notre bombardement de la base militaire du Syndic nous parvient de la grosse lune de la huitième planète », nota Desjani.

Geary bascula sur l’événement. Les senseurs optiques de l’Indomptable fournissaient d’ordinaire des images d’une netteté remarquable sur de très grandes distances, mais, en l’occurrence, les nuages de poussière et de débris qui montaient de ce qui avait été une installation militaire du Syndic masquaient la vue. Le système de combat du bâtiment avait filmé les impacts un peu plus tôt, juste avant qu’elle ne soit bouchée, et affichait à côté de chaque site ciblé un bilan de ses dommages. Toutes les armes offensives avaient été détruites, tous les systèmes défensifs annihilés, les moyens de communication et de surveillance broyés par la collision de ces lourdes masses métalliques qu’on ne pouvait pas arrêter et qui se déplaçaient à une fraction respectable de la vitesse de la lumière. Tout ce qui ne pouvait les esquiver était détruit. « Ce n’est plus une guerre. C’est du meurtre. » Desjani lui jeta un regard étonné.

« Je sais, fit-il. C’est nécessaire. Mais les Syndics de ces bases sur orbite fixe n’ont pas une chance. Je ne peux guère me réjouir de la mort de ces pauvres diables. »

Desjani donna un instant l’impression de réfléchir puis hocha la tête. « Vous préférez les combats loyaux. Bien sûr. Ils sont plus honorables.

— Ouais. » La mentalité des spatiaux contemporains et la sienne parvenaient difficilement à s’accorder sur ce point. Il consulta de nouveau son hologramme. Ses unités légères avaient balayé les vaisseaux miniers de la géante gazeuse et regagnaient la formation. Il se passerait encore des heures avant que les autorités militaires du Syndic ne vissent la flotte de l’Alliance. Celle-ci, comme d’innombrables armées humaines avant elle, devrait endurer le rituel ancestral : foncer puis patienter.

Geary étudia la flottille du Syndic ; les six heures de décalage dans le temps liées à sa position ne signifiaient plus grand-chose à présent. Si elle avait maintenu la même trajectoire à travers le système de Sancerre, elle devait désormais se trouver là où le prévoyait l’hologramme. Sinon, elle avait aussi pu couvrir une bonne distance, même en se traînant à beaucoup moins de 0,1 c. Il allait devoir veiller à régler ce problème avec la plus grande prudence. Si je me persuadais que la détruire serait un jeu d’enfant, elle risquerait de me surprendre et de m’infliger des pertes disproportionnées par rapport à sa taille.

Néanmoins, ces vaisseaux de guerre du Syndic ne sont pas assez nombreux pour nous menacer réellement. Si la formation de Cresida parvient à retenir assez longtemps leur attention, ils ne pourront pas gagner le portail de l’hypernet avant nous. Ça se présente très bien.

Des symboles rouges scintillèrent brusquement tout près du portail. Le regard de Geary se braqua sur eux et il les vit se multiplier en priant pour que ça s’arrête. J’ai parlé trop vite. Les Syndics auraient-ils malgré tout deviné ce que nous mijotions ? L’auraient-ils appris par les rescapés d’un des vaisseaux qui ont suivi Falco ? Ils n’auraient jamais trouvé le temps, autrement, de réagir si vite et d’envoyer des renforts.

Pas trop de vaisseaux jusque-là. Pourvu que cette flotte ne soit pas trop puissante. Faites qu’elle soit assez réduite pour nous permettre de l’affronter, ô mes ancêtres. Nous ne pouvons pas nous permettre de fuir ce système avant de l’avoir pillé.

Six

« Une douzaine de cuirassés et de croiseurs de combat, dirait-on », lança Desjani. La perspective d’une plus grande bataille semblait l’enchanter. « Mais cinq croiseurs lourds seulement, un croiseur léger et neuf avisos. Pourquoi si peu d’escorteurs ? »

La réponse à cette question leur creva les yeux dès que les senseurs de l’Indomptable eurent évalué ce qu’ils percevaient de la nouvelle flottille du Syndic. « Ils ont essuyé des dommages pendant une bataille, rapporta la vigie tactique. Et on les a sûrement envoyés à Sancerre pour des réparations et une remise en état. La plupart de leurs escorteurs ont sans doute été détruits lors de cet engagement, tandis que les plus gros bâtiments n’ont subi que des avaries. »

Geary opina, en même temps que ses pensées vagabondes revenaient se fixer sur l’espace de l’Alliance. Ces vaisseaux du Syndic étaient-ils sortis vainqueurs d’un engagement avec les déserteurs de Falco ? Ou bien avaient-ils été malmenés ailleurs par des divisions de l’Alliance maintenues dans son espace pour le garder, pendant que le gros de la flotte prenait le pari, éminemment risqué, d’attaquer le système mère ennemi ? « Il faut qu’on sache où ils ont été endommagés et par qui, déclara-t-il à haute voix.

— Des prisonniers devraient pouvoir nous l’apprendre, fit observer Desjani d’une voix enjouée. Nous pourrions recueillir quelques modules de survie après la bataille. » Elle montra les nouveaux venus d’un geste. « S’ils sont là pour une remise en état, il ne leur reste sans doute plus que peu ou pas du tout de munitions à bord. Ni missiles ni mitraille.

— C’est vrai, convint Geary. Peuvent-ils atteindre un des dépôts de munitions que nous avons détectés avant que nos projectiles cinétiques les frappent ? »

Elle procéda à quelques calculs ; ses mains volaient sur les touches. « Peut-être. Du moins s’ils bougent assez vite leur cul jusqu’aux plus éloignés dès qu’ils nous auront repérés. Mais le temps leur sera compté et ils devront repartir avant notre frappe. »

Geary vérifia le résultat. « Ce qui les contraindrait à dégager la voie du portail de l’hypernet, en nous laissant le champ libre. J’espère qu’ils vont foncer vers ces dépôts. » Il fit le total de toutes les forces opérationnelles du Syndic présentes dans le système : seize cuirassés, une douzaine de croiseurs de combat, treize croiseurs lourds, un croiseur léger et une vingtaine d’avisos. Une flotte formidable, si ces deux forces parvenaient à opérer la jonction et combattre de conserve. Du moins sur le papier. Si elle était en manœuvres, la flottille des Syndics repérée à leur arrivée ne disposait peut-être pas d’un armement complet et ses équipages devaient être inexpérimentés. Quant aux nouveaux arrivants, ils étaient certainement aussi chevronnés qu’on pouvait l’être quand on s’engageait dans une stratégie débouchant sur des bains de sang et de lourdes pertes, mais ils étaient aussi très endommagés et leurs réserves de munitions probablement à marée basse, voire complètement épuisées. En outre, même en combinant ces deux flottilles, leurs escorteurs légers étaient trop peu nombreux pour tant de gros vaisseaux.