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Elle avait espéré retrouver quelque souvenir de sa vie passée mais elle n’avait jamais été très possessive et n’avait emporté avec elle que peu de témoignages de sa vie personnelle. Les quelques photos avaient été sans doute dévorées, tout comme le livre de bord et l’enveloppe pleine de coupures de presse. Elle aurait bien aimé mettre la main sur la chevalière de sa classe – elle la revoyait encore, posée sur l’étagère près de son armoire, la dernière fois où elle l’avait ôtée – mais il y avait bien peu de chances qu’elle la retrouve.

Elles aperçurent à quelque distance un membre de l’équipage de l’Unité. Il escaladait l’épave en prenant au hasard des photos. Cirocco le prit tout d’abord pour le photographe de vaisseau puis comprit qu’il prenait les clichés pour son propre compte avec son appareil personnel. Elle le vit ramasser un objet et le fourrer dans sa poche.

« Reviens dans cinquante ans, observa Gaby, et ils seront fichus de l’avoir entièrement pillé. » Elle regarda pensivement autour d’elle. « Ça ferait le coin idéal pour une boutique de souvenirs. Pour vendre des pellicules et des hot-dogs ; tu serais parfaite.

— Tu ne crois pas que c’est ce qui va se produire, non ?

— Tout dépendra de Gaïa, je suppose. Elle a effectivement affirmé qu’elle laisserait les gens visiter. Ce qui est synonyme de tourisme.

— Mais le prix… »

Gaby rit. « Tu en es encore restée à l’époque du Seigneur des Anneaux, mon capitaine. Tout ce dont on était capable, c’était de débarquer à sept ici. Bill dit que l’équipage de l’Unité est de deux cents hommes. Qu’aurais-tu dit d’avoir l’exclusivité de la vente de films sur O’Neil I il y a trente ans ?

— Je serais riche à cette heure, concéda Cirocco.

— S’il existe ici un moyen de devenir riche, quelqu’un le prendra bien. Alors pourquoi ne pas faire de moi ton ministre du Tourisme et de l’Environnement ? Je ne suis pas sûre d’apprécier le rôle d’apprentie sorcière. »

Cirocco était radieuse. « Tu as pigé le coup. Tâche de mettre une sourdine aux passe-droits et au népotisme, veux-tu ? »

Gaby balaya le paysage d’un vaste mouvement du bras, le regard perdu dans le lointain.

« Je m’imagine très bien le tableau : ici, la crêperie – style grec classique bien entendu – et on pourrait y vendre des Gaïaburgers et des milk-shakes. Je limiterai la hauteur des affiches à cinquante mètres, maxi, et je réglementerai l’usage des néons. Venez voir les anges ! Respirez le souffle de Dieu !

Descendez les rapides de l’Ophion ! Par ici pour les promenades en Centaure, dix petits dollars seulement ! N’oubliez pas d’apporter… »

Elle poussa un glapissement en sautant d’un pied sur l’autre quand le sol se mit à trembler.

« Mais je plaisantais, bordel ! » lança-t-elle vers le ciel puis elle jeta un regard soupçonneux à Cirocco qui rigolait franchement.

Un bras jaillit du sol à l’endroit même où s’était tenue Gaby. La terre s’éboula et révéla un visage puis une touffe de cheveux multicolores.

Elles s’agenouillèrent et désensablèrent la Titanide qui toussait et crachait, et finit par dégager son torse et ses antérieurs. Elle marqua une pause pour reprendre des forces et dévisagea avec curiosité les deux femmes.

« Hello, chanta Cornemuse. Qui êtes-vous ? »

Gaby se releva et lui tendit la main.

« Vous ne vous souvenez vraiment pas de nous, n’est-ce pas ? chanta-t-elle.

— Je me rappelle vaguement. Comme si je vous connaissais effectivement. Ne m’auriez-vous pas offert du vin, il y a bien longtemps ?

— Certes, chanta Gaby. Et vous m’avez retourné la faveur.

— Sortez de là, Cornemuse, chanta Cirocco. Vous auriez besoin d’un bon bain.

— Je me souviens également de vous. Mais comment diable arrivez-vous à tenir si longtemps debout sans vous flanquer par terre ? »

Cirocco éclata de rire.

« Ma vieille, je voudrais bien le savoir. »

FIN

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