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Antistrophe III.

Alors, le chef, l'aîné des Atréides, parla ainsi: – Il y a un danger terrible à ne point obéir, mais il est terrible aussi de tuer cette enfant, ornement de mes demeures, de souiller mes mains paternelles du sang de la vierge égorgée devant l'autel. Malheurs des deux côtés! Comment pourrais-je abandonner la flotte et mes alliés? Il leur est permis de désirer que ce sacrifice, le sang d'une vierge, apaise les vents et la colère de la déesse, car tout serait pour le mieux.’

Strophe IV.

Ayant ainsi soumis son esprit au joug de la nécessité, changeant de dessein, sans pitié, furieux, impie, il prit la résolution d'agir jusqu'au bout. Ainsi, la démence, misérable conseillère, source de la discorde, rend les mortels plus audacieux. Et il osa égorger sa fille afin de dégager ses nefs et de poursuivre une guerre entreprise pour une femme.

Antistrophe IV.

Et les chefs, avides de combats, n'écoutèrent ni les prières de la vierge, ni ses tendres supplications à son père, et ils ne furent point touchés de sa jeunesse. Et le père ordonna aux sacrificateurs, après l'invocation, d'étendre la jeune fille sur l'autel, comme une chèvre, enveloppée de ses vêtements et la tête pendante, et de comprimer sa belle bouche, afin d'étouffer ses imprécations funestes contre sa famille.

Strophe V.

Mais, tandis qu'elle versait sur la terre son sang couleur de safran, d'un trait de ses yeux elle saisit de pitié les sacrificateurs, belle comme dans les peintures, et voulant leur parler, ainsi qu'elle avait souvent charmé de ses douces paroles les riches festins paternels, quand, chaste et vierge, elle honorait de sa voix la vie trois fois heureuse de son cher père.

Antistrophe V.

Ce qui arriva ensuite, je ne l'ai point vu et je ne puis le dire; mais la science de Kalkhas n'était point vaine, et la justice enseigne l'avenir à ceux qui souffrent. Que celui qui prévoit ses maux s'en réjouisse! C'est se désespérer avant le temps. Ce que l'oracle annonce arrive manifestement. Que ce soit la prospérité, ainsi que le désire celle qui approche, ce soutien unique de la terre d'Apis.

LE CHŒUR DES VIEILLARDS.

Me voici, Klytaimnestra, soumis à ta volonté. Il convient, en effet, d'honorer la femme du chef, quand celui-ci a laissé son trône vide. Soit que tu aies reçu une heureuse nouvelle, ou que, n'en ayant pas reçu, tu ordonnes ces sacrifices dans l'espérance d'en recevoir, je t'écouterai avec joie, et je ne te ferai aucun reproche, si tu te tais.

KLYTAIMNESTRA.

Qu'une heureuse aurore, comme il est dit, naisse de la nuit maternelle! Écoute, et tu auras une joie plus grande que ton espérance: Les Argiens ont pris la ville de Priamos.

LE CHŒUR DES VIEILLARDS.

Que dis-tu? une parole t'a échappé, et j'y crois à peine.

KLYTAIMNESTRA.

Je dis que Troia est aux Argiens. N'ai-je point parlé clairement?

LE CHŒUR DES VIEILLARDS.

La joie me pénètre et provoque mes larmes.

KLYTAIMNESTRA.

Certes, tes yeux révèlent ta bonté.

LE CHŒUR DES VIEILLARDS.

Mais as-tu une preuve certaine de cette nouvelle?

KLYTAIMNESTRA.

Je l'ai, certes, à moins qu'un dieu ne me trompe.

LE CHŒUR DES VIEILLARDS.

N'as-tu pas cru aisément quelque vision, dans tes songes?

KLYTAIMNESTRA.

Je ne prendrais point pour la vérité l'illusion de mon esprit endormi.

LE CHŒUR DES VIEILLARDS.

Ou quelque rumeur flottante n'a-t-elle point causé ta joie?

KLYTAIMNESTRA.

Douteras-tu longtemps de ma prudence, comme si j'étais une jeune fille?

LE CHŒUR DES VIEILLARDS.

Quand la ville a-t-elle donc été emportée?

KLYTAIMNESTRA.

Dans cette même nuit de laquelle est sorti ce jour.

LE CHŒUR DES VIEILLARDS.

Et quel messager a pu accourir avec une telle rapidité?

KLYTAIMNESTRA.

Hèphaistos a fait jaillir, de l'Ida, une lumière éclatante. De torche en torche, et par la course du feu, il l'a envoyée jusqu'ici. L'Ida regarde le Hermaios, colline de Lemnos. De cette île, la grande flamme a atteint le troisième lieu, l'Athos, montagne de Zeus. La force de la lumière, joyeuse et rapide, s'est élancée de ce faîte, pardessus le dos de la mer, et, telle qu'un Hèlios, a répandu une splendeur d'or dans les cavernes du Makistos. Ici, sans retard, sans se laisser vaincre par le sommeil, on a transmis la nouvelle. La clarté, projetée au loin jusqu'à l'Euripos, a porté le message aux veilleurs du Messapios; et ceux-ci, à leur tour, ayant allumé un monceau de bruyères sèches, ont excité la flamme et fait courir la nouvelle. Et la lumière, active et sans défaillance, volant par delà les plaines de l'Asôpos, comme la brillante Sélènè, jusqu'au sommet du Kithairôn, y a fait jaillir un nouveau feu.

Les veilleurs ont accueilli cette lumière venue de si loin, et ils ont allumé un bûcher encore plus éclatant dont la lueur, par-dessus le marais de Gorgôpis, projetée jusqu'au mont Aigiplagxtos, a excité les veilleurs à ne point négliger le feu. Ils ont déployé avec violence un grand tourbillon de flammes qui embrase le rivage, par delà le détroit de Saronikos, et se répand jusqu'au mont Arakhnaios, proche de la ville. Enfin, cette lumière partie de l'Ida est arrivée dans la demeure des Atréides. Tels sont les signaux que j'avais disposés pour se transmettre la nouvelle l'un à l'autre. Le premier a vaincu, et le dernier aussi. Telle est la preuve certaine de ce que je t'ai raconté. Le roi me l'a annoncé de Troia.

LE CHŒUR DES VIEILLARDS.

Je rendrai grâces aux dieux plus tard, car je désirerais entendre et admirer encore ces paroles, si tu voulais les redire.

KLYTAIMNESTRA.

En ce jour les Akhaiens sont maîtres de Troia. Je crois entendre les clameurs opposées qui emplissent la ville. De même, quand le vinaigre et l'huile sont versés dans le même vase, la discorde se met entre eux et ils ne peuvent s'unir. Ainsi les vainqueurs et les vaincus poussent les cris discordants de leurs destinées dissemblables. En effet, les uns se jettent sur les cadavres des maris, des frères, des proches; et les enfants sur ceux des vieillards. Ceux qui subissent la servitude se lamentent sur le destin de ceux qui leur étaient très chers. Les autres, rompus par la fatigue du combat nocturne, et affamés, cherchent, confusément, le repas du matin, que la ville possède. Selon le sort, chacun entre dans les demeures captives des Troiens, à l'abri des pluies et des rosées, et, comme ceux qui n'ont aucun bien, va s'endormir, sans gardes, pendant toute la nuit. S'ils respectent les dieux protecteurs de la ville conquise et leurs temples, les vainqueurs ne seront point vaincus au retour. Que la cupidité n'entraîne point tout d'abord l'armée aux actions impies, dans son désir du butin. En effet, il faut qu'ils reviennent saufs dans leurs demeures, en faisant de nouveau le chemin dangereusement parcouru. Si l'armée laissait derrière elle des dieux outragés, la ruine des vaincus suffirait à éveiller la vengeance, même quand d'autres crimes n'auraient point été commis. Tels sont mes vœux, à moi qui suis femme. Que tout soit manifestement pour le mieux! Que toutes les prospérités leur soient accordées! C'est ce que je souhaite.

LE CHŒUR DES VIEILLARDS.

Femme, tu as parlé avec prudence, et comme l'eût fait un homme sage. Je suis certain que ce que tu m'as annoncé est vrai, et je vais en rendre grâces aux dieux, car de grands travaux ont reçu une digne récompense.

Ô roi Zeus! et toi, heureuse nuit, qui nous as donné une si haute gloire, qui as enveloppé de rets les tours Troiennes, afin que nul ne puisse sauter, homme ou enfant, hors le large filet de la servitude! Je rends grâces à Zeus hospitalier qui a voulu ceci, et qui depuis longtemps tendait l'arc contre Alexandros, pour que le trait, lancé avant l'heure précise, ne se perdît pas au-dessus des astres.