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Elle ne m’adressa qu’un mot, sur un ton qui aurait fendu en deux un iceberg. « Pourquoi ?

— C’est une longue histoire… Je vous raconterai, dès que vous serez habillée… »

Chapitre onze

À présent, il me fallait des réponses. Et vite. Au 36, je fonçai dans le bureau de Delhaie, l’inspecteur à qui j’avais demandé de disséquer le listing des étudiants de l’enseignante agressée. De toute évidence, il n’avait, lui non plus, pas fermé l’œil de la nuit. Suite à ma requête, Rémi Foulon, le patron de l’OCDIP, lui avait laissé libre accès au fichier des abonnés téléphoniques. « Commissaire, j’ai fini il y a à peine une demi-heure. Quatre cent soixante-dix élèves, quatre cent soixante-dix recherches dans le fichier…

— Et alors, qu’est-ce que ça a donné ?

— Sur les quatre cent soixante-dix élèves, deux cent soixante-douze possèdent une ligne Internet classique ; cent cinq, une ligne haut débit. On aurait dû s’en douter, puisque l’école dispense les nouvelles technologies.

— Bon sang ! Si l’on ne compte que les garçons, ça nous ramène à combien ?

— Il n’y a que cinquante-quatre filles en tout et pour tout, à l’ESMP. Je n’ai pas fait la distinction, mais ça ne doit pas enlever grand-chose… Nous ne sommes pas très avancés, n’est-ce pas ?

— Tu as regardé aussi par rapport à la localisation géographique ? Quels sont ceux qui habitent dans le coin de Violaine ?

— Je n’ai pas eu le temps…

— Continue, alors ! Il faut en éliminer le plus possible, ou on ne s’en sortira pas… Après, tu passeras à la piscine de Villeneuve-Saint-Georges. Interroge le personnel, vois s’ils ont la liste de leurs abonnés stockée informatiquement quelque part. Et recoupe les informations. L’agresseur fait forcément partie de l’environnement quotidien de Violaine… Ah ! Autre chose… Tu photocopies le listing des étudiants et tu le distribues à Jumont, Picard et Flament. Tu me sors la liste des bibliothèques situées dans le quartier de l’école d’électronique et tu y envoies les inspecteurs. Qu’ils vérifient si ces étudiants n’y disposent pas de carte d’abonnement et, au cas où, qu’ils épluchent leurs lectures… Comme dit Williams, l’agresseur a forcément puisé son inspiration quelque part… Bien compris ?

— OK, commissaire… Mais pour ce genre de boulot, mieux vaudrait le listing informatique plutôt que le listing papier. J’ai un logiciel de comparaison de fichiers ; comme les bibliothèques sont équipées informatiquement, ce serait quasiment instantané pour la comparaison et pour savoir qui emprunte quoi…

— Très bien, je vais donner un coup de fil à l’école pour qu’ils t’envoient le fichier par mail…

— Dites, je peux quand même rentrer chez moi me changer ? Je sens le merlan pas frais.

— Fais d’abord ce que je te dis et après, tu auras tout le loisir de rentrer chez toi… »

* *

*

Le gérant de l’agence de location s’emplissait la panse de chips au moment où j’arrivai. Il dissimula maladroitement le paquet sous son bureau, comme un gosse. Je posai ma carte devant moi, entre ses mains grasses.

« J’ai de petites questions à vous poser. Quelqu’un a loué chez vous une voiture immatriculée 2186 AYG 92. J’aimerais que vous me disiez de qui il s’agit.

— Une minute… » Clic de souris, battement du disque dur, résultat. « Un certain Jean Moulin.

— Ben voyons… Vous demandez une pièce d’identité lorsque vous louez une voiture ?

— Bien entendu ! Le permis de conduire ! C’est la moindre des choses pour conduire une voiture, non ? Je fais toujours une photocopie…

— Montrez-la-moi. »

Il fouilla dans une bannette. « Le client a souhaité reprendre sa photocopie une fois qu’il m’a restitué le véhicule. J’ai l’habitude de ce genre de demande, alors, par prudence, je fais toujours deux photocopies. J’aime garder une trace de mes clients. Ça trouve toujours son utilité… »

Il me tendit la photocopie couleur, puis picora du bout des doigts les miettes de chips semées sur son pull.

« Quand vous a-t-il rapporté la voiture ?

— Ce matin…

— Attendez… Je passe un coup de fil… »

Après avoir raccroché, je balançai la photocopie sur la table. « Il vous a montré un faux permis de conduire !

— Comment ça ?

— Le numéro sur douze chiffres, indiqué au bas du permis, n’existe pas dans le fichier.

— Merde !

— Comme vous dites…

— Le permis est peut-être faux, mais la photo, c’est bien la sienne, et récente en plus. C’est la seule chose que je regarde quand on me présente un permis et j’ai l’œil.

— Oui. Vous avez un sacré œil… Il vous a réglé de quelle façon ?

— En liquide.

— Évidemment… Je peux voir la voiture ?

— Ça va être difficile, un client vient de la louer il y a tout juste une heure… Retour du véhicule à la fin de la semaine. »

Les forces de la malchance s’étaient liguées contre moi. Un jour sans, comme on dit… Pas tout à fait… Je possédais la photo, mon arme dans son holster et je savais à qui aller rendre une petite visite…

Des élans rageurs me faisaient avancer à l’intuition, reléguant la réflexion au second plan. Si Suzanne s’accrochait encore à la vie, son temps était compté et je devais donc agir vite, même au prix du sang.

Lorsque la trappe du Pleasure & Pain grinça, je fourrai le bras dans l’encadrement, attrapai la nuque de Face-de-Cuir d’une main, lui collant, de l’autre, le canon de mon Glock dans la narine droite. Sans son masque, j’avais, devant moi, le regard chargé de surprise d’un monsieur Tout-le-Monde.

« Fais le malin, face de pet, et je t’explose la cervelle ! Tu ouvres maintenant et ne bouge pas la tête ! »

Il s’exécuta et, dès que le verrou fut ôté, j’envoyai un coup de pied monumental dans la porte, dont le battant lui percuta d’abord le nez, puis le front.

La Chatte, qui rangeait des bouteilles derrière son bar, leva les mains. Elle miaula : « Qu’est-ce que tu nous veux, coco ? On n’est pas ouvert, tu sais ?

— Tu fermes ta gueule ! »

J’attrapai Face-de-Cuir par l’encolure de son pull-over et lui plaquai la joue contre le bar. « Qui a envoyé ces types ?

— Va te faire foutre ! »

Je lui levai la tête par les cheveux et la fracassai contre le zinc deux fois de suite. L’arcade sourcilière s’ouvrit comme un fruit trop mûr. « Je dois répéter ? » La Chatte tenta de me casser une bouteille sur le crâne, mais avant qu’elle n’abattît son bras, j’explosai le litre de gin d’une balle. Elle tressaillit lorsque je pointai le canon contre son front. Je jetai la photocopie du permis de conduire sur le comptoir devant les yeux hagards et désormais franchement moins malins de Face-de-Cuir. « J’te laisse dix secondes pour me dire de qui il s’agit. Après, j’flingue la pute !

— Tu le f’ras pas ! Tu le f’ras pas ! »

Mon coup de crosse lui cassa deux dents. « Putain, t’es un taré ! » hurla la fille.

« Cinq secondes !

— Fous-lui la paix ! Laisse mon mec, enculé !

— Trois secondes…

— C’est bon ! » céda-t-elle d’une voix sertie de colère.

« Ferme ta gueule ! Il le f’ra pas, j’te dis ! » beugla le gros tas en postillonnant des gouttes de sang. Elle gloussa : « Je ne connais pas le nom de ce type, mais je sais qu’il vient ici presque tous les soirs. Alors maintenant, tu te casses, OK ?

— À quelle heure ?

— J’sais pas moi, bordel ! Il se pointe vers 23 h 00 ! »

Je renforçai mon étreinte sur le cou de Face-de-Cuir. Il respirait comme un taureau. Tout en maintenant ma clé d’immobilisation, je dis : « Parle-moi de BDSM4Y… »