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Ayant espéré une réaction, il fut déçu de la voir rester impassible. Il insista, avec irritation :

— Il va enquêter dans le quartier, votre quartier, qui était aussi celui de Lanier.

— C’est tout ce qu’il a trouvé pour étoffer ses articles ?

— Au fait, nous avons trouvé la voiture de votre mari. Une R4. Du côté d’Apt.

Cette fois, elle tressaillit, se mordit les lèvres.

— Mais rien ne prouve qu’ils soient encore dans la région. En fait, je n’en crois rien. Nous aurons peut-être du nouveau avant ce soir. Ils n’ont pas pu passer inaperçus.

D’un air bonhomme, il ramassa les revues tombées par terre, les rangea soigneusement sur le rayon intermédiaire de la table de chevet.

— Gentille, cette Paulette Ramet. Dès qu’elle a lu le récit de votre accident, elle n’a pas hésité à venir vous voir, malgré une brouille déjà ancienne.

— Nous n’avons jamais été brouillées. Les circonstances seules ont voulu que nous restions longtemps sans nous voir.

— C’est une fille à la fois déséquilibrée et calculatrice, n’est-ce pas ? Intrigante, également.

— Vous la jugez sévèrement.

— Pas vous ?

Céline flaira le piège. Une défense trop chaleureuse, de même qu’une totale indifférence, auraient laissé supposer que Paulette jouait désormais un rôle important.

— Je m’attendais si peu à sa visite ! Sans nouvelles d’elle depuis plus d’un an, je n’avais même pas songé un seul instant qu’elle pourrait encore s’intéresser à moi.

Le hochement de tête de Lefort ne la rassura pas tellement. Le commissaire suivait un cheminement tortueux depuis son accident.

— Malgré tout, elle doit beaucoup à votre mari. Il peut être tenté de la contacter pour avoir de vos nouvelles.

— C’est supposer qu’il se trouve encore dans la région.

— Mais oui, madame, il s’y trouve. Même s’il s’en était éloigné en compagnie de votre fils, il y est revenu depuis l’annonce de votre accident.

Il pointa son doigt vers le placard-penderie.

— Il y a cet argent. Une grosse somme, près de huit millions, n’est-ce pas ? Vous avez vendu une maison qui vous appartenait en propre, vous avez vidé vos comptes en banque, négocié les valeurs que vous possédiez. Tout cela discrètement, en prenant de grandes précautions. Mais nous avons fini par savoir. Nous y mettons plus ou moins de temps, mais nous arrivons toujours à être bien renseignés.

Très pâle, les yeux fermés, elle l’impressionna. Il eut peur d’être allé trop loin.

— Excusez-moi, madame, mais je fais mon métier.

Il sortit de la chambre un peu écœuré, parla sèchement à un Tabariech éberlué :

— Tâche d’ouvrir l’œil. Elle risque d’essayer de prévenir cette bonne femme d’Aix. Moi, je file lui rendre une visite.

— Mais il n’est pas loin de midi.

— Je mangerai là-bas. Ne m’attends pas avant le milieu de l’après-midi. En cas de besoin, je téléphonerai ici.

Vers une heure et demie, après un repas rapide dans un routier, il contactait son collègue d’Aix qui l’accompagnait jusqu’à l’avenue où habitait Paulette Ramet. Le policier en planque leur signala que la jeune femme était sortie faire quelques courses en ville. Un inspecteur l’avait suivie.

— Elle est allée dans une boutique de mode, à la poste.

— Téléphoner ?

— Non. Acheter des timbres.

— Elle a ramené des provisions ?

— Dans un fond de filet. Juste ce qu’il faut pour une femme seule.

— Elle est chez elle en ce moment ?

— Depuis onze heures du matin, elle n’a pas bougé.

— J’y vais, dit Lefort. Seul.

Lorsqu’il sonna, il n’y eut aucune panique dans l’appartement. Les deux hommes et la jeune femme achevaient de déjeuner dans la cuisine. Depuis que l’immeuble était surveillé, ils préféraient cette formule. De cette façon, le living restait impeccable, vide de toutes traces suspectes.

En un tournemain, les assiettes, les couverts et les verres furent entreposés dans un placard que Paulette ferma soigneusement. Tandis qu’elle mettait de l’ordre, le père et le fils allaient, silencieux et dociles, s’enfermer dans le grand débarras. Une fois assis sur la grande malle, Hervé se sentit ridicule, minable. Après la liberté inquiète qu’ils avaient connue à Labiou, c’était le placard cher aux vaudevillistes. Plus tard, si leur fuite se précipitait, le trou infect, les égouts, le Grand-Guignol, quoi !

Depuis des jours, elle s’attendait à ce genre de visite, mais eut un choc en découvrant la silhouette trapue du commissaire Lefort. À contre-jour, il lui parut impressionnant.

— Je suis de passage à Aix, et j’ai pensé vous rendre une petite visite. Rien de grave, rassurez-vous.

— Mais, je n’ai pas peur, plaisanta-t-elle sans conviction.

Les yeux sur le balancement de ses hanches, il la suivit jusqu’au living. Durant toute la conversation, il n’eut aucun regard circulaire, ne donna pas l’impression qu’il mourait d’envie d’aller flairer dans tous les coins. Le parfum de la jeune femme traînait dans la pièce, donnait de la sensualité à l’atmosphère.

— Je vous dérange ?

— Je me reposais. Je suis assez libre, ces temps. Je caresse de lointains projets, mais distraitement, sans trop y croire.

— Avez-vous l’intention de quitter la ville ?

— Pas pour le moment. J’avais projeté un voyage en Italie, mais j’attendrai qu’il fasse moins chaud. Mais pourquoi ?

— Simple demande. Mme Barron peut encore avoir besoin de vous. Ne passera-t-elle pas sa convalescence chez vous ?

Paulette ouvrit de grands yeux.

— Mais il n’en a jamais été question.

— Dommage. J’aurais au moins su où la trouver, en cas de besoin. Dès sa sortie de l’hôpital, elle me glissera entre les doigts. J’en ai par-dessus la tête, de lui courir après. Vous connaissez donc Pesenti, le journaliste ?

— Mais, bien sûr. Nous nous sommes connus, aux studios. Il est spécialiste des questions criminelles et judiciaires.

— Cette affaire l’intéresse beaucoup. Il vient de s’envoler pour Paris.

Elle se demanda si les deux hommes enfermés dans le débarras pouvaient suivre la conversation.

— Nous avons retrouvé leur voiture, ce matin. Ils ont préféré l’abandonner plutôt que de se faire repérer avec. Devez-vous revoir Mme Barron ?

— En principe, non. Mais je lui téléphonerai demain, à moins qu’elle n’ait quitté l’hôpital.

Lefort se leva, fit quelques pas vers la baie pour jeter un coup d’œil dans le parc, puis se dirigea vers le hall, s’immobilisa devant une toile représentant Cassis.

— À un de ces jours, certainement.

Paulette referma sa porte, très perplexe sur le sens de cette visite. Qu’avait-elle pu apporter au policier ? Regardant autour d’elle, ses yeux cherchèrent vainement ce qui aurait pu accrocher l’attention du commissaire.

Après quoi, elle alla libérer les deux fugitifs.

CHAPITRE XIV

Le rédacteur en chef de l’agence parisienne du journal attendait Pesenti à Orly. Raoul Sernast, un petit homme vif et chaleureux, l’entraîna vers sa petite voiture.

— On a déblayé le terrain, depuis que tu nous as prévenus, et je pense que tu seras content. Il semble que nous ayons trouvé une piste intéressante vers le dix-huitième arrondissement. Où en est la police ?

— La voiture des deux fugitifs a été retrouvée près d’Apt, mais les deux hommes ont trois jours d’avance.

Sernast conduisait rapidement sur l’autoroute du Sud, n’hésitant pas à changer constamment de file.