Выбрать главу

— Deux jeunes filles, dites-vous ? Des putes ?

— Deux jeunes prostituées, oui.

— Il me semble que mon mari se déplace plutôt, dit-elle en se levant pour se resservir. Il ne reçoit pas à domicile. Enfin, je ne crois pas.

— Vous ne semblez pas très informée de ce que fait votre mari.

— Effectivement, répondit-elle brusquement. S’il découpe des filles en morceaux quand il part en balade, il ne m’en fait pas la confidence à son retour. C’est dommage, remarquez bien, ça m’aurait amusée.

Dans quel état alcoolique se trouvait-elle en réalité, Camille n’aurait su le dire. Elle s’exprimait clairement, détachant nettement chaque syllabe, ce qui pouvait signifier qu’elle s’appliquait à donner le change.

Armand redescendit, accompagné de ses deux collègues. Il fit signe à Camille de venir le rejoindre.

— Excusez-moi un instant…

Armand précéda Camille jusqu’à un petit bureau du premier étage : une jolie table en merisier, un ordinateur sophistiqué, quelques chemises de documents, des étagères, un rayon de livres de droit, de brochures immobilières. Et quatre étagères de romans policiers.

— Tu appelles l’Identité, le labo, dit Camille en redescendant. Tu joins aussi Maleval, tu lui demandes de rester ici avec eux. Et même cette nuit. Au cas où…

Puis se retournant :

— Je pense, madame Cottet, que nous devons avoir une petite discussion concernant votre mari.

5

— Deux jours, pas un de plus.

Camille regarda Irène, répandue plus qu’assise dans le canapé du salon, le ventre lourd, les genoux écartés.

— C’est pour fêter ça que tu me ramènes des fleurs ?

— Non, c’est parce que je voulais le faire hier…

— Quand tu rentreras, tu auras peut-être un fils.

— Irène, je ne pars pas trois semaines, je pars deux jours.

Irène chercha un vase.

— Ce qui m’énerve, dit-elle en souriant, c’est que j’ai envie d’être de mauvaise humeur et que je n’y arrive pas. Elles sont jolies, tes fleurs.

— Ce sont les tiennes.

Elle s’avança jusqu’à la porte de la cuisine et se retourna vers Camille.

— Ce qui me donne envie d’être de mauvaise humeur, reprit-elle, c’est qu’on a parlé deux fois d’aller en Écosse, que tu mets deux ans pour y réfléchir, que tu te décides enfin et que tu y vas sans moi.

— Je ne pars pas en vacances, tu sais…

— Moi, j’aurais préféré que ce soit pour les vacances, dit Irène en entrant dans la cuisine.

Camille la rejoignit, tenta de la serrer contre lui mais Irène résista. Gentiment, mais elle résista.

Louis l’appela à ce moment.

— Je voulais vous dire… Pour Irène, ne vous inquiétez pas. Je… Dites-lui que je serai joignable pendant toute votre absence.

— Tu es gentil, Louis.

— C’était qui ? demanda Irène lorsque Camille eut raccroché.

— Mon ange gardien.

— Je pensais que c’était moi, ton ange, dit Irène en venant se coller contre lui.

— Non, toi, tu es ma poupée gigogne, dit-il en posant sa main sur son ventre.

— Oh, Camille ! dit-elle.

Et elle se mit tout doucement à pleurer.

Samedi 12 avril et dimanche 13 avril

1

Le samedi, toute l’équipe se retrouva vers 8 h 30. Y compris Le Guen.

— Tu t’es occupé de la Brigade financière ?

— Tu auras les éléments dans une heure. Camille partagea les tâches. Maleval, qui était resté toute la nuit à Saint-Germain, arborait son visage des matins triomphants. Armand fut chargé des relations de Cottet, carnet d’adresses, e-mails professionnels et personnels, et de vérifier que son signalement était bien passé partout dès la veille au soir. Louis fut chargé des comptes en banque personnels, professionnels, entrées et sorties, et de son calendrier.

— Notre assassin a besoin de trois choses. De temps, et Cottet en a puisqu’il est son propre patron. Il a besoin d’argent et Cottet en a, il suffit de voir sa société, sa maison… même si tous les programmes immobiliers ne marchent pas tous aussi bien. Il a besoin d’organisation. Ça aussi, ce gars-là doit savoir faire.

— Tu oublies la motivation, dit Le Guen.

— La motivation, Jean, c’est ce qu’on lui demandera quand on l’aura retrouvé. Toujours pas de nouvelles de Lambert, Louis ?

— Aucune. On a renouvelé les équipes qui planquent aux trois endroits qu’il fréquente régulièrement. Personne pour le moment.

— La planque ne donnera plus rien.

— Je ne pense pas, non. On s’est fait discrets mais la rumeur a dû aller bon train…

— Lambert, Cottet… Je vois mal le rapport entre ces gars-là. Il faudrait chercher aussi de ce côté. Louis, c’est pour toi.

— Ça fait beaucoup, non ?

Camille se retourna vers Le Guen.

— Louis dit que ça fait beaucoup.

— Si j’avais beaucoup de monde, ça se saurait aussi, non ?

— D’accord, Jean. Merci de ton aide. Je propose de rafler dans les relations de Lambert. Maleval, tu as une liste à jour ?

— J’ai dénombré onze personnes parmi ses relations proches. Il faut au moins quatre équipes si on veut être coordonnés et que personne ne passe à travers les mailles du filet.

— Jean ? demanda Camille.

— Juste pour rafler, je peux te trouver des équipes pour ce soir.

— Je conseille une action groupée vers 22 heures. À cette heure-là, on peut loger tout le monde. Maleval, tu m’organises tout ça. Armand, tu restes sur le pont avec lui pour procéder aux interrogatoires. Bon, en attendant, moi, je reste pour dépouiller ce qui est ressorti cette nuit, poursuivit-il en regardant son équipe. Tout le monde ici avant midi.

En milieu de matinée, Camille était parvenu à reconstituer une grande partie de l’itinéraire de François Cottet.

À 24 ans, sorti sans peine ni gloire d’une banale école de commerce, il était entré à la SODRAGIM, une société de promotion immobilière dirigée par son fondateur, un certain Edmond Forestier, comme responsable d’un petit département de développement de maisons individuelles. Trois ans plus tard, il avait eu une première chance en épousant la fille de son patron.

— Nous étions dans… Nous étions contraints de nous marier, avait dit son épouse, ce qui d’ailleurs s’est révélé inutile. Somme toute, épouser mon mari a été un double accident.

Puis deux ans plus tard, Cottet avait eu une seconde aubaine : son beau-père s’était tué en voiture sur une route des Ardennes. A moins de 30 ans, il était alors devenu le patron de la société, qu’il avait aussitôt transformée en SOGEFI, créant plusieurs autres sociétés sous-traitantes en fonction des marchés et des programmes dans lesquels il se lançait. A moins de 40, il avait réussi le tour de force de faire plonger dans le rouge une entreprise qui, avant lui, fonctionnait parfaitement, ce qui en disait long sur ses talents d’entrepreneur. A plusieurs reprises, on notait des apports personnels de son épouse, restée à la tête d’une fortune suffisante pour renflouer les mauvaises affaires de son mari et dont on pouvait penser, vu sa ténacité à multiplier les bourdes financières, qu’il viendrait à bout tôt ou tard.

Ce n’était rien de dire que son épouse le haïssait.