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— Comment ?

L’Ukrainien croisa ses mains énormes.

— Il y a tant de moyens, soupira-t-il. Un Kamaz qui écrase sa voiture, une agression, un meurtre au fusil à lunette, un autre empoisonnement… Là, je crois qu’ils n’oseront pas. Mais on ne sait jamais : ils sont tellement sûrs de l’impunité.

— Que peut-on faire, alors ?

Evgueni Tchervanienko secoua la tête.

— Débusquer l’organisateur venu de Moscou. Je suis sûr qu’il y en a un. Les Russes ne font pas confiance aux gens d’ici. C’est comme les serpents, il faut frapper à la tête. Livrés à eux-mêmes, les Ukrainiens n’oseront rien faire. Mais tout est à craindre. Viktor louchtchenko va gagner les élections, c’est sûr. Sauf si on le tue avant.

Malko faillit lui parler de Viktoria, puis s’abstint. C’était une piste encore trop fragile.

— Je voudrais pouvoir vous recontacter, dit-il.

L’Ukrainien sortit sa carte et griffonna un numéro de portable.

— Vous pouvez me joindre à ce numéro, jour et nuit. Faites attention. Ils vous ont déjà sûrement repéré…

— De quel côté est le SBU ? demanda Malko comme Tchervanienko était en train de se lever.

— De tous les côtés…, laissa tomber l’Ukrainien. Ils sont partagés. Tous ceux qui ont repris le business de la mafia sont pour le régime actuel. Ils veulent continuer. D’autres ont envie de changement.

Son portable sonna et il répondit brièvement, furieux d’être dérangé. C’était de l’ukrainien et Malko comprit seulement qu’on le réclamait. Tchervanienko referma son portable.

— Karacho. Venez avec moi. Je vais vous remettre un dossier que j’ai réuni. Il y a toutes les adresses et quelques idées.

Malko le suivit jusqu’à une Mercedes 600 noire, escortée par deux motards. Le chef de la sécurité de Viktor louchtchenko était prudent. Tandis qu’ils roulaient à tombeau ouvert, Malko demanda :

— C’est vous qui avez parlé de Roman Marchouk à Donald Redstone ?

— Oui.

— Vous savez comment il a été recruté ? L’Ukrainien frotta son pouce contre son index.

— C’était un pauvre type… On a dû lui offrir quelques centaines de dollars. Il ne savait même pas ce qu’il faisait.

— Oui, mais qui ?

— Nous n’en savons rien. Probablement un type du SBU qui venait régulièrement manger dans son bouffe-merde. .. Mais il y en a pas mal.

— Et Evguena Bogdanov ?

— Elle a joué un rôle mineur, à la fin. Ça a suffi pour qu’on la liquide. La devise des « tchékistes » est : pas de risques.

— Vous connnaissiez Vladimir Sevchenko ? demanda soudain Malko.

— Le Blafard ? Oui. Pourquoi ?

Il semblait surpris d’entendre ce nom.

— Il m’a rendu quelques services, reconnut Malko, mais il n’est plus à Kiev…

Evgueni Tchervanienko sourit.

— C’était un survivant du grand règlement de comptes entre SBU et mafieux. Lui avait de bons contacts.

La voiture stoppa devant un petit immeuble entouré de vigiles portant tous des écharpes orange et d’une nuée de journalistes. D’ailleurs, il y avait de l’orange partout. Malko suivit Evgueni Tchervanienko à l’intérieur, franchissant un portail magnétique qui se mit à couiner furieusement au passage des deux hommes.

Evgueni Tchervanienko se retourna.

— Vous êtes armé ?

— Oui.

— Vous avez raison.

Ils traversèrent un hall animé, plein de banderoles et d’agitation, suivirent ensuite un couloir pour arriver au bureau du chef de la sécurité. Juste avant, se trouvait le service de presse. Des journalistes faisaient la queue pour recevoir des écharpes et des bonnets orange des mains d’une bénévole. Malko s’arrêta net.

C’était l’inconnue à la valise cassée du vol de Moscou.

* * *

Leurs regards se croisèrent et pendant quelques instants, ils se dévisagèrent, aussi étonnés l’un que l’autre. Evgueni Tchervanienko se retourna et lança à Malko :

— Vous connaissez Svetlana ?

— Connaître, c’est beaucoup dire ! Nous nous sommes croisés à l’aéroport, elle avait des problèmes avec sa valise et je l’ai aidée.

Svetlana demeurait figée, son écharpe à la main, comme recroquevillée de l’intérieur. Enfin, elle arbora un sourire forcé et lança :

— Dobredin !

Evgueni Tchervanienko eut un sourire satisfait.

— Svetlana est une de nos meilleures bénévoles. Il en faudrait beaucoup comme elle. Venez.

— Pas causante, remarqua Malko.

La belle Svetlana avait repris sa distribution de bonnets et d’écharpes sans plus s’occuper de Malko.

Celui-ci, pendant que le responsable de la sécurité ouvrait son coffre, se dit que c’était une extraordinaire coïncidence. Au moins, désormais, il avait un moyen sûr de la revoir… Elle finirait bien par se dégeler.

* * *

— Une dame vous attend à la réception, annonça l’employé du Premier Palace.

— Je descends, dit Malko, se demandant si la pulpeuse Viktoria allait vraiment lui apprendre quelque chose.

Il aurait préféré passer la soirée avec la mystérieuse Svetlana ou avec Irina Murray, dont l’aura sexuelle avait quelque chose de fascinant.

En tout cas, le Premier Palace ne faisait rien pour encourager la débauche. Les consignes de sécurité étaient draconiennes. Sans la clef magnétique d’une chambre, il était impossible de prendre l’ascenseur. Les non-résidents qui venaient dîner au restaurant du huitième étage étaient escortés par un groom. La hantise de la direction, c’était d’être envahi par les putes, comme au Dniepro, où elles pullulaient. Malko enfila son manteau et descendit. Viktoria Posnyaki attendait dans le minuscule lobby, drapée dans un long manteau de fourrure blanche. Avec ses cheveux tressés en une natte, elle ressemblait à une dame patronnesse.

— Davai ! lança-t-elle, je meurs de faim. J’ai pris un taxi.

Lorsqu’elle y prit place, le manteau glissa et Malko aperçut une longue cuisse gainée de noir, presque jusqu’à l’aine.

L’Égoïste était situé dans Moskva Ulitza au fond du quartier de Pechersk peu éclairé et désert. Lorsque Viktoria Posnyaki ôta son manteau blanc, Malko découvrit un pull noir boutonné devant, moulant une lourde poitrine, et une micro-jupe fendue sur le côté. Elle avait mis sa tenue de combat…

Ce restaurant à la mode était bizarrement décoré à la marocaine, et désert ! Du moins au rez-de-chaussée, car il y avait des salles au sous-sol. On les installa au fond d’une longue salle, dans un box surélevé, et Viktoria Posnyaki annonça fièrement :

— C’est la place du président Poutine quand il vient ici.

Les prix étaient monstrueux pour l’Ukraine. Malko commanda quand même du caviar et une bouteille de Taittinger Comtes de Champagne Blanc de Blancs millésime 1995. Visiblement, Viktoria Posnyaki, mise en appétit par la rafle des produits de beauté, avait décidé de le séduire. Dès qu’il tournait la tête vers elle, il croisait un regard plein de promesses. Après le caviar, elle demanda soudain :